Pourquoi OpenAI recrute la Française Fidji Simo pour épauler Sam Altman
Fin mars, Sam Altman avait déjà abandonné une partie de ses responsabilités. Le patron d’OpenAI va encore plus loin. La semaine dernière, il a officialisé l’arrivée de la Française Fidji Simo au poste de directrice générale des applications. Une sorte de numéro deux qui ne dit pas son nom. En poste chez Instacart, une plateforme de livraison de courses, elle prendra ses fonctions dans les prochains mois. “Fidji va permettre à nos fonctions ‘traditionnelles’ de passer à l’échelle au moment où nous entrons dans une nouvelle phase de croissance”, justifie Sam Altman. Le dirigeant conservera son titre actuel mais souhaite se concentrer sur la recherche et la sécurité de l’intelligence artificielle générative. Un moyen, peut-être aussi, de mieux séparer ces fonctions avec le développement commercial alors que la société doit convaincre sur son changement de statut juridique
Nombreuses responsabilités – Fidji Simo a commencé sa carrière chez eBay avant de rejoindre Facebook, rebaptisé depuis Meta, en 2011. Elle y a gravi tous les échelons, jusqu’à prendre les commandes de l’application Facebook. En 2021, elle a été débauchée pour diriger Instacart, avec un double objectif: le mener vers la rentabilité et lui ouvrir les portes de Wall Street. Deux missions remplies. L’an passé, elle avait rejoint le conseil d’administration d’OpenAI après la tentative d’éviction ratée de Sam Altman fin 2023. Lorsqu’elle prendra ses fonctions, Fidji Simo “rendra directement compte” au grand patron. Elle supervisera de nombreux départements de la start-up. Selon Bloomberg, elle sera ainsi la supérieure hiérarchique de Brad Lightcap, le directeur opérationnel, de Sarah Friar, la directrice financière et de Kevin Weil, le directeur des produits.
Grandes ambitions – L’arrivée de Fidji Simo peut être interprétée comme la volonté d’accélérer le développement commercial d’OpenAI. Cela va permettre de “renforcer notre exécution”, promet Sam Altman. La start-up affiche de grandes ambitions. Après avoir réalisé un chiffre d’affaires de 3,7 milliards de dollars en 2024, elle vise 12,7 milliards cette année. Puis 125 milliards en 2029, rapporte The Information. Son patron souhaitait se décharger de la gestion quotidienne d’une entreprise valorisée à 300 milliards. Il va ainsi se consacrer davantage à la conception des prochains modèles d’IA, ainsi qu’au projet Stargate, devant permettre au concepteur de ChatGPT de disposer de sa propre infrastructure informatique. Il va récupérer les missions confiées jusqu’à l’automne à Mira Murati, l’ancienne directrice de la technologie qui n’a pas été remplacée.
“Mission” – Un autre élément est significatif: le poste de directrice générale de Fidji Simo, placée sous la supervision directe du véritable directeur général. Cette structure est atypique. Elle semble être destinée à tous ceux qui critiquent la double casquette d’OpenAI, lancé comme un laboratoire de recherche mais depuis engagé dans une course effrénée aux chiffres. Le timing n’est probablement pas anodin. L’entreprise tente de modifier sa structure juridique, et ses projets, revus à la baisse, peinent toujours à convaincre les autorités. Placer les responsabilités commerciales sous le contrôle d’une nouvelle dirigeante pourrait ainsi être considéré comme une assurance supplémentaire. D’ailleurs, les responsables d’OpenAI ont beaucoup insisté la semaine dernière sur sa “mission”, un terme qui n’apparaissait plus beaucoup dans leur communication.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi OpenAI renonce à abandonner sa structure à but non lucratif
– Comment OpenAI s’adapte aux avancées de DeepSeek
Meta remporte sa bataille judiciaire contre le logiciel espion Pegasus
Six ans après avoir découvert une campagne massive d’espionnage, WhatsApp triomphe face à NSO Group. La semaine dernière, la justice américaine a condamné l’éditeur israélien du logiciel espion Pegasus à lui verser 168 millions de dollars de dommages – une somme qu’il pourrait ne jamais payer compte tenu de sa situation financière. Celui-ci a été reconnu coupable d’avoir violé les lois américaines en permettant à des gouvernements d’infiltrer les smartphones de personnalités politiques, journalistes et activistes. Plus de 1.200 victimes avaient été recensées. Un verdict “historique”, se félicite Will Cathcart, le responsable de l’application de messagerie chez Meta. Et d’espérer qu’il envoie un “avertissement fort”. Une bataille reste à mener: obtenir une injonction du tribunal interdisant à NSO d’utiliser WhatsApp pour déployer son logiciel.
Zéro clic – Le logiciel Pegasus est particulièrement sophistiqué. Une fois installé sur un smartphone, il peut intercepter les conversations téléphoniques, les messages et les photos. Il peut également servir de mouchard, capable d’écouter ce qui se passe autour. Surtout, il est “zéro clic”, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que l’utilisateur clique sur un lien. Pegasus peut ainsi infester un appareil simplement par l’envoi d’un message sur WhatsApp. À son apogée, environ 140 ingénieurs étaient mobilisés pour trouver et exploiter des faillites de sécurité au niveau du système d’exploitation, des navigateurs Internet ou des applications de messagerie. Considéré comme un équipement militaire, son exportation à l’étranger est soumise à l’aval du ministère de la Défense israélien. Un garde-fou qui empêcherait les abus, assure son concepteur.
7 millions de dollars – En 2021, un consortium de médias avait livré une réalité bien différente. Leur enquête avait montré que Pegasus avait été utilisé pour espionner des opposants politiques, des journalistes ou des militants des droits de l’homme. Au moins cinq ministres français auraient aussi été touchés. Quelques mois plus tard, Washington avait sévèrement remis en cause le discours officiel de NSO, qui assure que son outil n’est utilisé que pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé. “Ne m’accusez pas d’espionnage”, a répété Yaron Shohat, le patron de l’entreprise, lors de son témoignage, préférant parler de renseignements. Un autre responsable a livré l’identité de trois gros clients: le Mexique, l’Arabie saoudite et l’Ouzbékistan. Le prix a aussi été révélé: 7 millions de dollars pour siphonner les données de 15 smartphones.
Liste noire – Depuis 2021, NSO a perdu de sa splendeur. Le groupe, un temps valorisé à un milliard de dollars, a notamment été placé sur la liste noire du département américain du Commerce. Un coup de massue qui lui a fermé les portes du secteur public aux États-Unis. Et qui a eu des répercussions à l’étranger, accentuant la pression sur ses clients, comme le gouvernement allemand. Au cours du procès, Yaron Shohat a laissé entendre que le chiffre d’affaires était tombé à un peu plus de 100 millions de dollars, pour une perte de 12 millions en 2024. En 2018, celui-ci s’élevait à 250 millions, dont environ la moitié générée par Pegasus. Fortement endetté, NSO a dû couper dans ses effectifs. Ses dirigeants ont aussi tenté de se faire racheter par un groupe de défense américain. Mais l’opération avait été bloquée par le gouvernement israélien.
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