Mistral gagnant pour la French Tech ?
Et aussi: Kick, rival controversé de Twitch - Bruxelles enquête aussi sur Nvidia
La start-up française Mistral AI lance sa première IA générative
Tout va très vite pour Mistral AI, le nouveau porte-étendard de la French Tech dans l’intelligence artificielle générative. Moins de quatre mois après une levée de fonds record – menée, elle, à peine un mois après sa création –, la start-up a lancé la semaine dernière son premier grand modèle de langage. Un modèle de petite taille, en open source, comme promis par ses fondateurs, disponible gratuitement et sans restriction pour tous les développeurs. Ce choix, qui détonne, est considéré comme le seul moyen de pouvoir “créer une alternative crédible à l’oligopole émergent de l’IA”, composé de Google, d’OpenAI, soutenu financièrement par Microsoft, de Meta, la maison mère de Facebook, ou encore d’Anthropic, alliée avec Amazon, qui disposent de ressources bien plus considérables.
Anciens de Google et Meta – En juin, Mistral AI a récolté 105 millions d’euros, du jamais vu en France pour une levée en phase d’amorçage. Sa valorisation, elle aussi inédite à ce stade de développement, se chiffre à 240 millions d’euros. De quoi susciter de grandes attentes. Non seulement parce que la start-up semble être le meilleur espoir de voir émerger un acteur français sur un marché, considéré comme la prochaine révolution, pour le moment largement dominé par des acteurs américains. Mais aussi en raison du CV de ses trois créateurs: un ancien de DeepMind et deux anciens de FAIR, les réputés laboratoires de Google et Meta en IA. Depuis, la société a lancé ses recrutements, mais compte encore moins de 20 employés. Elle a notamment débauché des spécialistes chez Meta et la start-up Hugging Face.
Mieux que Meta ? – Baptisé Mistral 7B, le modèle de la start-up est composé de 7,3 milliards de paramètres, l’unité de mesure censée déterminer la puissance d’une IA générative. Ce chiffre est peu élevé. Sorti en 2020, le grand modèle de langage GPT-3 d’OpenAI en comptait 175 milliards. La version GPT-4 en totaliserait dix fois plus – un nombre jamais officialisé. Mistral AI assure que son modèle est plus performant “sur tous les standards” que la version 13B de LLaMA 2, le dernier modèle de Meta, lui aussi (en partie) open source. Il ferait aussi mieux sur “beaucoup de standards” que la version 34B. Dans nos tests, pas nécessairement représentatifs des capacités actuelles et surtout futures, Mistral 7B n’était cependant pas capable de répondre correctement à de nombreuses questions. Ni même à des calculs assez simples.
“Première étape” – En débutant par un petit modèle, qui requiert un entraînement plus court, Mistral AI a voulu rapidement occuper le terrain. Quatre entreprises françaises le testent déjà, par exemple, pour développer des applications de service clients. La start-up promet qu’il ne s’agit que d’une “première étape”. D’autres modèles seront publiés “progressivement”, permettant de “réduire l’écart de performance” avec les IA génératives fermées d’OpenAI ou Google. À terme, elle souhaite offrir une gamme de produits spécialisés et adaptés à différentes utilisations, devant optimiser les coûts de fonctionnement – les petites IA demandent moins de puissance informatique pour générer du texte. Mistral AI devra aussi bâtir son offre commerciale: des services payants accompagnant ses modèles gratuits.
Pour aller plus loin:
– Pour contrer ChatGPT, Amazon parie sur une intelligence artificielle française
– Entre catastrophisme et espoir, la French Tech navigue à vue
Kick, la plateforme controversée qui veut concurrencer Twitch
C’est un scandale de plus pour une plateforme qui les multiplie. Il y a dix jours, un streamer a diffusé en direct sur Kick une vidéo dans laquelle il tente de piéger une prostituée, l’empêchant temporairement de quitter son domicile. Et suscitant l’hilarité du tout aussi controversé patron du site, présent dans le chat. Devant le tollé suscité par cet incident, notamment auprès d’une partie de ses utilisateurs, dont certains menacent de s’en aller, ce nouveau rival de Twitch a promis de mettre à jour sa politique de modération. Une affirmation à prendre cependant avec de grandes précautions tant Kick, qui revendique plus de 20 millions d’inscrits moins d’un an après son lancement, a bâti en partie son succès sur une approche particulièrement laxiste de la modération des contenus.
Casino en ligne – Créé fin 2022, Kick fait également parler pour les autres activités de ses deux fondateurs, également à l’origine de Stake.com, un casino en ligne officiellement enregistré dans le paradis fiscal de Curaçao. De nombreux streamers y diffusent ainsi leurs parties (le plus souvent offertes), invitant leur audience à parier en cryptomonnaie sur Stake. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si Kick a vu le jour juste après l’interdiction du casino sur Twitch. La plateforme reste encore loin de rivaliser avec le pionnier du streaming vidéo, racheté en 2014 par Amazon pour près d’un milliard de dollars. Mais son audience augmente rapidement. Selon les estimations de Streamscharts, elle a cumulé 106 millions d’heures de visionnage en septembre, deux fois plus qu’en avril. Mais aussi 15 fois moins que Twitch.
Partage des revenus – Kick capitalise sur certaines pratiques du leader du marché. Elle a d’abord attiré tous les streamers qui ont été bannis ou sanctionnés par Twitch – et avec eux, une audience qui remet en cause ses règles de modération. Elle vise désormais les utilisateurs mécontents de la politique de rémunération des créateurs, qui a été modifiée à leur désavantage en juin. Hormis quelques exceptions, Twitch prélève la moitié des recettes générées par les abonnements payants aux chaînes. Sur Kick, le partage des revenus est beaucoup plus généreux: les streamers conservent 95%. La plateforme promet aussi de lancer un programme permettant aux petits créateurs, qui compte une audience faible et donc peu d’abonnements, de les rémunérer à l’heure, probablement grâce à la diffusion de spots publicitaires.
Gros contrat – Kick n’a aussi pas hésité à signer de très gros chèques pour débaucher plusieurs streamers vedettes. En juin, la société a offert un contrat record, compris entre 70 et 100 millions de dollars sur deux ans, au Canadien xQc, qui totalisait à l’époque près de 12 millions d’abonnés sur Twitch. Quelques jours plus tard, l’Américaine Amouranth annonçait aussi son transfert, pour un montant non dévoilé. Plusieurs fois suspendue par Twitch, notamment pour ses vidéos en bikini, elle y comptait plus de six millions d’abonnés. Pour l’instant, leur audience ne les a pas suivis: le premier ne compte que 550.000 abonnés sur Kick et la seconde moins de 170.000. Une mésaventure qu’avait déjà connue la plateforme Mixer de Microsoft, qui avait aussi tenté le pari de recruter quelques vedettes à prix d’or. Sans succès.
Pour aller plus loin:
– Comment Amazon est devenu un poids lourd de la publicité
– TikTok lance des abonnements payants
Bruxelles enquête sur Nvidia, soupçonné de pratiques anticoncurrentielles
Ciblé la semaine dernière par une perquisition de l’Autorité française de la concurrence, Nvidia est également dans le viseur de Bruxelles. Selon l’agence Bloomberg, la Commission européenne a en effet déclenché de premières investigations sur le fabricant américain de cartes graphiques (GPU), interrogeant différents acteurs du marché sur de potentiels abus de position dominante. À ce stade, aucune enquête n’a encore été officiellement lancée. Profitant d’une avance technologique conséquente sur ses concurrents, Nvidia occupe une position quasiment monopolistique pour les puces dédiées à l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle générative, un secteur en très forte croissance. Malgré une accélération des cadences de production, son carnet de commandes affiche ainsi déjà complet jusqu’en 2025. Une situation qui lui permet d’enregistrer des performances financières record.
.Pour aller plus loin:
– L’autorité de la concurrence soupçonne Nvidia de pratiques anticoncurrentielles
– Les États-Unis vont empêcher Nvidia d’exporter ses puces d’IA vers la Chine
Crédit photos: DALL-E