L'opération séduction d'Elon Musk
Et aussi: Les États-Unis renforcent leurs sanctions contre la Chine
À Cannes, Elon Musk tentent de séduire les annonceurs
Fin 2023, Elon Musk avait un message pour les annonceurs qui avaient décidé de suspendre leurs investissements publicitaires sur X, l’ancien Twitter. “Allez vous faire foutre”, leur avait-il lancé, en pleine campagne de boycott, alors qu’il venait de publier des messages qui donnaient du crédit à des théories antisémites, relayées par l’extrême droite américaine. Sept mois plus tard, le milliardaire s’est livré mercredi à une opération séduction lors du festival Cannes Lions, qui réunit cette semaine les professionnels de la publicité. “Les annonceurs ont le droit d’apparaître à côté de contenus qu’ils estiment compatibles avec leurs marques, a-t-il reconnu, lors d’un entretien avec le patron de l’agence de publicité WPP. Ce qui n’est pas acceptable, c’est d’insister pour qu’il n’y ait aucun contenu avec lequel ils sont en désaccord”.
Chute du chiffre d’affaires – Depuis son rachat en novembre 2022 par le patron de Tesla, X se retrouve régulièrement au cœur de polémiques, accusé de ne pas lutter contre les messages haineux, racistes ou antisémites – quand ces messages ne sont relayés par Elon Musk… Très vite après son arrivée, et l’annonce d’une politique de modération beaucoup plus laxiste, de nombreux annonceurs avaient mis en pause leurs campagnes sur le réseau social. L’an passé, la nomination de Linda Yaccarino, l’ancienne directrice de la publicité de NBCUniversal, comme directrice générale, avait été bien accueillie par le secteur publicitaire. Petit à petit, les grandes marques reprennent leurs investissements sur X, assure régulièrement la société. Reste que ses recettes publicitaires ont encore chuté de 40% l’an passé.
Risque de réputation – Il faut dire que l’image de marque de la plateforme ne cesse de se dégrader, à mesure qu’elle semble dériver vers l’extrême droite. La création d’un programme de rémunération des utilisateurs participe à cette tendance, encourageant les contenus clivants ou la désinformation pour cumuler les vues. Ces évolutions représentent un énorme risque de réputation pour les grands annonceurs, qui redoutent d’être associés à la promotion de ces discours. Pour les rassurer, la société a mis en place l’an passé un nouveau système de contrôle, devant leur permettre de s’assurer que leurs publicités n’apparaissent pas à côté de messages problématiques. Un système plusieurs fois pris à défaut. Le problème est d’autant plus grand que X ne représente pas, compte tenu de sa taille, une plateforme indispensable pour les marques.
Publicités vidéo – Mercredi, Elon Musk a tenté de prouver le contraire, assurant que son réseau social était le meilleur endroit pour toucher les “personnes les plus influentes au monde”, comme des dirigeants d’entreprises ou des responsables politiques. “Ils ne regardent pas la télévision et ne font pas des vidéos sur TikTok”, a-t-il fait valoir. Selon le site spécialisé AdAge, le milliardaire a ensuite rencontré une vingtaine de directeurs marketing de grands groupes, dont L’Oréal, le distributeur Target ou encore le géant pharmaceutique et agrochimique Bayer. S’il n’a pas évoqué le sujet sur scène, Elon Musk mise aussi beaucoup sur les publicités vidéo. Depuis plusieurs mois, il essaie en effet de transformer X en rival de YouTube, sur les contenus longs. Et aussi de TikTok avec un prochain flux de vidéos verticales.
Pour aller plus loin:
– Meta lance Threads, son rival de Twitter, en Europe
– Twitter bientôt payant ? Un pari très risqué pour Elon Musk
Face aux progrès chinois dans les puces, les États-Unis vont accentuer leurs sanctions
Les États-Unis ne veulent pas relâcher la pression sur la Chine. À moins de cinq mois des prochaines élections, l’administration Biden travaille ainsi sur de nouvelles restrictions d’exportation visant l’industrie chinoise des semi-conducteurs, rapporte l’agence Bloomberg. Celles-ci concerneront deux nouveaux domaines. D’abord, les puces mémoires à large bande passante (HBM), désormais indispensables pour entraîner et faire tourner les grands modèles d’intelligence artificielle générative. Ensuite, la nouvelle architecture de transistors, appelée GAA, qui doit permettre de graver les futurs composants les plus avancés, en deux nanomètres et moins. Objectif: empêcher le pays de maîtriser ces deux technologies qui pourraient, selon les arguments avancés par Washington, servir les intérêts militaires chinois.
Puces d’IA – En octobre 2022, les États-Unis ont mis en place des restrictions pour limiter l’exportation vers la Chine des puces les plus avancées, comme les cartes graphiques de Nvidia dédiées à l’IA. L’an passé, le gouvernement américain a renforcé ces sanctions pour abaisser les critères de puissance, refermant ainsi une brèche dans laquelle s’était engouffré le groupe de Santa Clara. Et il a sanctionné une quarantaine de pays alliés de Pékin, susceptibles de servir d’intermédiaires. Washington a aussi multiplié les efforts diplomatiques pour convaincre les Pays-Bas et le Japon de s’aligner. Avec succès: des restrictions ont été imposées au néerlandais ASML, premier fabricant mondial de machines de lithographie, et au japonais Tokyo Electron, qui conçoit des machines essentielles en amont et en aval du processus de gravure.
Nouvelles puces – Depuis deux ans, la Chine redouble d’efforts pour soutenir son industrie des semi-conducteurs. En mai, elle a annoncé un plan d’investissements, le troisième en dix ans, d’un montant de 344 milliards de yuans (44 milliards d’euros). Celui-ci vise notamment à concevoir des équipements, qui devront prendre le relais du parc actuel, acheté avant l’entrée en vigueur des restrictions et qui ne permet pas de réaliser les gravures les plus fines. En attendant, le pays reste dépendant des machines étrangères. Les États-Unis souhaitent s’assurer que la transition à venir vers l’architecture GAA ne sera pas mise à profit par les groupes chinois. La vente de logiciels de conception pour les puces GAA a déjà été interdite. Les nouvelles règles devraient aussi bloquer l’exportation de machines permettant de les produire.
Mémoires HBM – Avec l’essor de l’IA générative, les mémoires HBM sont devenues un nouvel enjeu. Elles sont en effet couplées aux cartes graphiques utilisées pour entraîner ou faire tourner des modèles. Trois acteurs dominent ce marché: le sud-coréen SK Hynix, le plus avancé, son compatriote Samsung et l’américain Micron. Washington pourrait mettre en place des restrictions d’exportation, qui s’appliqueront également aux deux groupes asiatiques car ils utilisent des technologies américaines. Problème: plusieurs sociétés chinoises développent aussi des mémoires HBM, dont Yangtze Memory, placé, comme Huawei, sur une liste noire par les États-Unis. Pour être véritablement efficace, l’administration américaine doit convaincre La Haye et Tokyo d’élargir leurs restrictions. Une demande qui n’a, pour l’instant, pas été acceptée, explique Bloomberg.
Pour aller plus loin:
– Les États-Unis interdisent à Nvidia d’exporter ses puces d’IA vers la Chine
– La Chine lance un nouveau plan d’investissements dans les puces
Crédit photos: UK Government - Unsplash / Laura Ockel