Le spectaculaire succès de Temu
Et aussi: Stability AI cherche un repreneur - OpenAI n'invite pas Microsoft
Grâce à Temu, Pinduoduo touche de nouveaux sommets
La citation a de quoi surprendre. Mais elle témoigne aussi d’un bouleversement majeur du commerce en ligne en Chine. Dans un message adressé mercredi aux salariés d’Alibaba, Jack Ma, le charismatique fondateur en retrait depuis plusieurs années, a tenu à féliciter le rival Pinduoduo pour “ses prises de décision, son exécution et ses efforts”. La veille, celui-ci avait publié des résultats financiers record au troisième trimestre, avec un chiffre d’affaires multiplié par deux par rapport à l’an passé. Huit ans seulement après son lancement, l’e-marchand est désormais sur le point de détrôner Alibaba, le pionnier du secteur, en Bourse. Il profite des gains enregistrés sur son marché domestique. Et surtout du spectaculaire succès de Temu, sa plateforme cross-border qui cartonne dans les pays occidentaux.
Achats groupés – Le succès de Pinduoduo, c’est d’abord celui de son concept: les achats groupés entre membres de la famille, amis ou voisins. Pour profiter de promotions, limitées dans le temps pour favoriser les achats impulsifs, il faut atteindre un nombre minimum d’acheteurs. La plateforme a d’abord proposé des produits du quotidien et des produits alimentaires. Mais son offre s’élargit de plus en plus. La société a poussé à son paroxysme le modèle de place de marché: elle a supprimé tous les intermédiaires, mettant les acheteurs directement en relation avec les producteurs, notamment les agriculteurs. Pour offrir des prix encore plus bas, elle prélève une toute petite commission sur chaque achat. Et elle subventionne massivement les promotions, ce qui s’est longtemps traduit par de très lourdes pertes.
13% des ventes – Pinduoduo a aussi bâti son succès en ciblant d’abord les petites villes du pays, alors peu prioritaires pour ses rivaux. L’e-commerçant revendique désormais près de 900 millions d’acheteurs par mois en Chine. Mais il fait face à la riposte d’Alibaba et de JD, qui multiplient également les promotions. Son principal relais de croissance se trouve donc hors des frontières. Il y a un peu plus d’un an, la société a lancé Temu, d’abord aux États-Unis puis en Europe. Avec ses petits prix, la plateforme, désormais disponible sur plus de 40 marchés, a rapidement trouvé son public, caracolant en tête des applications les plus téléchargées dans de nombreux pays. Pinduoduo ne communique aucune donnée chiffrée, mais les analystes de Citigroup estiment que sa filiale représente déjà 13% du chiffre d’affaires.
Prix cassés – Temu propose des vêtements, des bijoux, des ustensiles de cuisine ou encore des accessoires électroniques à prix cassés – parfois moins d’un euro, rarement plus de dix euros – et à la qualité souvent douteuse. Et la plateforme multiplie les promotions et les bons d’achat. Elle repose sur le principe du cross-border: les produits, vendus par des marchands tiers, sont expédiés directement depuis des entrepôts chinois. Cela permet de limiter les coûts, mais se traduit également par des délais de livraison rallongés. Son succès s’explique aussi par une stratégie marketing très agressive sur les applications mobiles, sur les plateformes de vidéos et sur les réseaux sociaux. Rien qu’en novembre, Temu a diffusé plus de 6.000 campagnes sur Facebook et Instagram, selon les chiffres publiés par leur maison mère Meta.
Pour aller plus loin:
– Alibaba change de stratégie pour accélérer en Europe
– Tiktok lance (enfin) son offensive dans le commerce en ligne
En difficultés financières, Stability AI cherche un repreneur
Dans l’ombre du tumulte qui vient de secouer OpenAI, une autre vedette de l’intelligence artificielle générative traverse une période difficile, entre situation financière délicate et conflit larvé avec son principal actionnaire. Il s’agit de Stability AI, la start-up britannique qui a conçu le générateur d’images Stable Diffusion. Selon l’agence Bloomberg, ses dirigeants étudient désormais une piste radicale: une vente. Plusieurs repreneurs potentiels ont déjà été approchés, dont Cohere, une start-up canadienne qui développe des outils d’IA pour les entreprises. Mais les discussions n’ont pas abouti. Au printemps, Stability n’avait pas réussi à mener une importante levée de fonds, d’un montant espéré de 400 millions de dollars, qui lui aurait permis de disposer de ressources suffisantes pour financer sa stratégie de croissance.
Concurrence – Fondé en 2019 à Londres, Stability fait face à une féroce concurrence. De la part du laboratoire de recherche américain Midjourney, dont la dernière version permet de réaliser des images photoréalistes impressionnantes. Et aussi de la part de DALL-E, développé par la richissime start-up américaine OpenAI, également à l’origine de ChatGPT. L’échec de sa levée de fonds peut ainsi être interprété à travers ce prisme: face à ces deux gros acteurs, les fonds de capital-risque n’ont pas accepté les conditions réclamées par la start-up, qui visait également une valorisation de 4 milliards de dollars, quatre fois plus de lors de son précédent tour de table il y a un an. Mais cet échec semble davantage s’expliquer par les difficultés et polémiques qui secouent Stability depuis quelques mois.
Poursuites judiciaires – L’an passé, la société a dû reconnaître qu’elle ne possédait pas la propriété intellectuelle sur le modèle d’IA alimentant Stable Diffusion, en réalité conçu par une université allemande. Début juin, une enquête publiée par Forbes évoquait un “historique d’exagérations” de la part d’Emad Mostaque, son fondateur et patron, notamment sur le niveau du chiffre d’affaires. Stability est aussi ciblé par deux procédures judiciaires, lancées par un groupe d’artistes et par la grande banque d’images Getty, qui l’accusent d’avoir violé leur propriété intellectuelle. Pour ne rien arranger, la start-up britannique traverse une phase d’instabilité dans ses équipes dirigeantes, avec notamment la démission de son directeur de la recherche, un ancien chercheur de Google Brain débauché il y a un an.
Besoin de trésorerie – L’an passé, Stability avait levé 100 millions de dollars auprès de plusieurs investisseurs. Mais sa trésorerie a depuis fondu, en raison des coûts liés à l’entraînement et au fonctionnement des modèles et de nombreux recrutements de chercheurs en IA. Pour payer ses factures, la société a dû se rabattre, au printemps, sur un premier prêt convertible en actions, d’un montant de 25 millions de dollars. Puis sur un deuxième en octobre, d’un montant de 50 millions, contracté auprès d’Intel. Ces sommes ne devraient cependant lui accorder que quelques mois de répit, sans une baisse de ses dépenses ou un bond de son chiffre d’affaires. Mais la recherche de nouveaux investisseurs risque d’être compliquée par le conflit qui l’oppose au fonds Coatue, qui a réclamé le mois dernier la démission d’Emad Mostaque.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi les procédures judiciaires se multiplient contre OpenAI
– ChatGPT fait perdre plus de 500 millions de dollars à OpenAI
Microsoft ne siégera pas au conseil d’administration d’OpenAI
Deux semaines après le spectaculaire limogeage puis le retour de Sam Altman à la tête d’OpenAI, les négociations se poursuivent pour mettre en place un nouveau conseil d’administration. Selon le site The Information et l’agence Reuters, le concepteur de ChatGPT ne prévoit pas d’offrir un siège d’administrateur à Microsoft, son premier actionnaire. Cela ne signifie pas pour autant que le groupe de Redmond, qui a investi environ 13 milliards de dollars dans la start-up, n’exercera aucune influence. Il a déjà œuvré en coulisses pour permettre le retour de Sam Altman. Il souhaite surtout s’assurer que la gouvernance ne lui réserve plus de mauvaise surprise à l’avenir, alors que toutes ses initiatives dans l’IA générative dépendent des modèles d’OpenAI. La composition du nouveau conseil doit refléter les orientations stratégiques de la société, entre déploiement commercial rapide et volonté de ralentir le développement pour limiter les risques.
Pour aller plus loin:
– OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage
– Les coûts de l’IA menacent de freiner son adoption
Crédit photos: Pinduoduo - Stability AI