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Comment Spotify est redevenu rentable
L’effet a été immédiat. Après avoir augmenté ses tarifs cet été, Spotify a renoué avec les profits pour la première fois depuis deux ans. Et seulement pour la sixième fois depuis 2017, date à partir de laquelle ses comptes sont publics. Au troisième trimestre, la plateforme suédoise de streaming musical a dégagé un bénéfice opérationnel de 32 millions d’euros. Un petit bénéfice, certes, qui représente une marge inférieure à 1%. Mais celui-ci n’était pas attendu. Et il contraste avec les pertes de 247 millions des trois mois précédents. Cette amélioration s’explique par deux éléments. D’abord, une hausse du chiffre d’affaires, dopée par les nouveaux prix. Ensuite, une forte contraction des dépenses. “C’est un point d’inflexion vers nos objectifs de rentabilité”, promet Paul Vogel, le directeur financier.
Un euro de plus – En juillet, Spotify a mis fin à sa tarification historique de dix euros par mois. Son offre standard est désormais vendue un euro de plus. L’impact de ce changement ne s’est pas encore entièrement matérialisé sur ses recettes, car les nouveaux prix ne sont entrés en vigueur que fin août pour les anciens abonnés. La société peut donc espérer une croissance encore plus forte au quatrième trimestre. Si elle marque une rupture, cette augmentation ne représentait pas un pari. D’une part, parce que l’élasticité-prix, c’est-à-dire l’évolution de la demande en fonction des tarifs, est extrêmement faible, voire quasiment nulle. D’autre part, parce que Spotify n’a fait que s’aligner sur la concurrence. De fait, il n’y a pas eu de vague de désabonnements: son offre payante a même gagné 6 millions de clients.
Plan social – Parallèlement, Spotify a fortement coupé dans ses coûts. Entre le deuxième et le troisième trimestre, ceux-ci ont reculé de 15%, symbole d’une nouvelle orientation stratégique. Comme beaucoup de sociétés technologiques, la plateforme suédoise a dû mettre le cap sur la rentabilité, avec l’espoir de faire remonter un cours boursier en chute libre. En janvier, elle a ainsi mené un important plan social, supprimant 600 emplois, soit 6% de ses effectifs. “La croissance de nos dépenses a été deux fois plus forte que celle de nos recettes”, soulignait à l’époque Daniel Ek, son fondateur et patron, assurant que cette évolution n’était “pas tenable à long terme”. Spotify a aussi décidé de limiter ses investissements dans les podcasts. Et de réduire significativement ses budgets marketing.
Doper les marges – Surfant sur ces deux dynamiques, Spotify prévoit de rester dans le vert au cours des trois derniers mois de l’année. À plus long terme, le groupe va cependant devoir concrétiser les relais de croissance qu’il a fait miroiter à ses investisseurs. Ses dirigeants ont promis d’atteindre la barre du milliard d’utilisateurs, gratuits et payants, d’ici à 2030, contre 574 millions fin septembre. Et aussi d’améliorer les marges brutes, toujours limitées par les importantes royalties versées aux ayants droit, qui représentent environ 70% du chiffre d’affaires. Pour y parvenir, ils ont beaucoup misé sur les podcasts, n’hésitant pas à dépenser plus d’un milliard de dollars. Mais les retombées publicitaires sont encore décevantes. Plus récemment, Spotify s’est lancé à l’assaut du marché des livres audio.
Pour aller plus loin:
– Dans le streaming musical, la hausse des prix ne fait que commencer
– Toujours déficitaire, Spotify coupe dans ses effectifs
Nvidia veut concurrencer Intel sur le marché des processeurs
Pat Gelsinger n’avait pas besoin de ça. Déjà pénalisé par la chute des ventes de PC, qui complique grandement la mise en place de son plan de relance, le patron d’Intel pourrait bientôt voir débarquer un nouveau concurrent de poids sur son coeur de métier historique. Selon les informations de l’agence Reuters, confirmées depuis par d’autres médias, Nvidia travaille en effet sur des microprocesseurs (CPU) destinés aux ordinateurs. Un marché dominé depuis les années 1980 par Intel, le pionnier du secteur. Et par son architecture propriétaire x86, popularisée grâce à une alliance implicite avec Microsoft, et aussi utilisée par son principal concurrent AMD. Nvidia, spécialiste des cartes graphiques (GPU), va s’appuyer lui sur l’architecture rivale ARM, qui s’est invitée ces dernières années dans presque tous les smartphones.
Nvidia dépasse Intel – Jusqu’à présent, les groupes américains, tous deux basés à Santa Clara au centre de la Silicon Valley, s’affrontent principalement dans les data centers. Nvidia y a imposé le recours aux GPU, historiquement utilisés pour doper les performances graphiques des jeux vidéo. Ces composants permettent “d’accélérer” les CPU, afin de démultiplier les capacités de calcul. Ils sont notamment au cœur de l’essor de l’intelligence artificielle générative. La société produit désormais ses propres processeurs, mais uniquement pour les coupler avec ses cartes graphiques dans les accélérateurs dédiés à l’IA. Sa rivale, elle, peine en revanche à exister sur le marché des GPU, malgré plusieurs acquisitions. Symbole de ce bouleversement, le chiffre d’affaires de Nvidia a dépassé pour la première fois celui d’Intel cet été.
Soutien de Microsoft – L’offensive de Nvidia est soutenue par Microsoft, qui souhaite voir émerger une alternative aux processeurs x86, cadenassés par Intel et AMD, les seuls groupes à pouvoir juridiquement les produire. Le concepteur de Windows espère stimuler l’innovation en basculant vers l’architecture ARM, qui est, elle, ouverte à tous. Et qui a démontré son potentiel sur le marché des smartphones. Dépassé par cet écosystème, Intel a dû jeter l’éponge. L’idée de Microsoft n’est pas nouvelle: un premier partenariat avait été conclu en 2016 avec Qualcomm. Mais la volonté de la concrétiser a été renforcée par deux éléments. D’abord, les succès commerciaux d’Apple, qui a abandonné les processeurs d’Intel en 2020, au profit de CPU ARM maison, qui offrent des gains de puissance et d’autonomie à ses Mac.
IA en local – Ensuite, l’émergence de l’IA générative qui a fait naître la nécessité de concevoir de nouveaux processeurs suffisamment puissants pour faire tourner les derniers modèles en local, directement sur un ordinateur et sans avoir besoin de passer par une plateforme cloud. C’est d’ailleurs la promesse faite par Qualcomm, qui a dévoilé mercredi un CPU surpuissant conçu pour Windows. Celui-ci serait deux fois plus rapide que le dernier modèle d’Intel, tout en consommant deux tiers d’énergie en moins. Son lancement est espéré mi-2024, soit quelques mois avant la fin de la période d’exclusivité que le groupe avait négociée avec Microsoft. Nvidia devrait emboîter le pas dès l’année suivante. Tout comme AMD, qui prévoit de basculer progressivement vers l’architecture ARM, et le taïwanais Mediatek.
Pour aller plus loin:
– L’autorité de la concurrence perquisitionne chez Nvidia
– AMD présente un accélérateur pour rivaliser avec Nvidia dans l’IA
Crédit photos: Spotify - Intel