À NOS LECTEURS – Cafétech fait une pause la semaine prochaine. Prochaine édition mardi 22 avril
Rebond en trompe-l'oeil pour les levées de fonds des start-up
À première vue, les chiffres semblent très positifs, témoignant d’un rebond tant espéré des levées de fonds. Au premier trimestre, les start-up mondiales ont recueilli 121 milliards de dollars (110 milliards d’euros), selon les décomptes du cabinet CB Insights. C’est presque deux fois plus que l’an passé. Et la meilleure performance trimestrielle depuis le printemps 2022 – derniers instants de la période d’euphorie post-Covid qui a été suivie par une chute brutale, précipitée par le resserrement des politiques monétaires pour lutter contre l’inflation. En réalité cependant, cette bonne santé apparente, qui avait commencé à se matérialiser fin 2024, n’est qu’un trompe-l’œil. Elle est surtout dopée par quelques gigantesques tours de table dans l’intelligence artificielle générative, à l’image de celui annoncé il y a dix jours par OpenAI.
OpenAI embellit les chiffres – À elle seule, la levée de fonds de 40 milliards de dollars (dont la moitié est cependant conditionnée à un changement de statut juridique d’ici à la fin de l’année) du concepteur de ChatGPT représente un tiers du montant récupéré par l’ensemble des start-up sur les trois premiers mois de l’année. Cette opération historique, dont le montant est trois fois plus élevé que le précédent record, rend ainsi les chiffres publiés par CB Insights bien plus impressionnants qu’ils ne le sont véritablement. Si son officialisation avait eu lieu le 1er avril, et non le 31 mars, la croissance des levées de fonds aurait été ramenée à seulement 25%. Même chose pour le montant moyen des tours de table, qui a dépassé les 20 millions de dollars au premier trimestre, du jamais vu. En excluant OpenAI, celui-ci est inférieur à 14 millions.
55% pour l’IA – D’autres acteurs de l’IA ont aussi tiré les chiffres vers le haut. Sur le trimestre, le secteur a levé 67 milliards de dollars, soit 55% des investissements, contre seulement 24% l’an passé. Quatre entreprises ont capté deux tiers de cette somme: OpenAI; son grand rival Anthropic; Grok, la start-up d’IA d’Elon Musk; et Safe Superintelligence, lancée par Ilya Sutskever, l’ex directeur scientifique d’OpenAI. Hors IA, les autres domaine d’activité affichent une croissance limitée de 10%. Et ils accusent une chute de 60% par rapport au premier trimestre 2022. Autrement dit: l’essor de l’IA générative cache les difficultés persistantes des autres start-up. Ce phénomène est parfaitement illustré par la situation française: en l’absence d’une levée de fonds de Mistral AI ou de H, les montants ont reculé de 17% sur le trimestre.
Chute du nombre de levées – Dans le sillage des géants de l’IA générative, les financements sont de plus en plus concentrés sur un nombre limité de start-up. Sur les trois premiers mois de l’année, 70% des montants récoltés l’ont ainsi été lors de 145 “méga-levées”, supérieures à 100 millions de dollars. Un chiffre inédit. À titre de comparaison, 390 “méga-levées” avaient capté 52% des investissements il y a trois ans. L’an passé, ces tours de table ne représentaient que 46% du total. Autre signe préoccupant: le repli ininterrompu du nombre d’opérations depuis l’automne 2021. Entre janvier et mars, CB Insights n’en a comptabilisé que 5.446, contre 8.140 l’an passé. Par rapport à 2022, la chute est encore plus spectaculaire: à l’époque, 14.636 levées de fonds avaient été menées. Ce chiffre est au bas plus depuis au moins 2018.
Pour aller plus loin:
– Pour la French Tech, l’année 2024 n’a pas été celle du rebond espéré
– OpenAI va lever jusqu’à 40 milliards de dollars, un record
“Pour soutenir notre expansion et le développement produit, nous avons de gros besoins en recrutement”
Omi en quelques mots, c’est quoi ?
Hugo Borensztein, directeur general d’Omi - Omi est un studio photo virtuel qui permet aux marques de générer automatiquement des photos et des vidéos de leurs produits grâce à la 3D et à l’intelligence artificielle. Fini les shootings traditionnels: nous offrons aux entreprises un moyen rapide, flexible et de haute qualité pour créer du contenu visuel. Nous avons lancé la société en mars 2020, en plein début de la crise sanitaire, et aujourd’hui, nous comptons environ 55 employés répartis entre la France, le Royaume-Uni, l’Europe du Sud et les États-Unis.
Comment fonctionne votre technologie ?
Nos clients nous envoient leurs produits, que nous scannons et modélisons en 3D. Une fois ces modèles créés, ils peuvent être utilisés sur notre plateforme pour générer des images sous n’importe quel angle et dans n’importe quel environnement. Ce processus permet un rendu photo-réaliste, à l’identique d’une vraie prise de vue, tout en offrant une flexibilité inégalée. Les entreprises peuvent ainsi adapter leurs visuels à leurs différents marchés et plateformes de communication.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Notre priorité actuelle est l’expansion sur le marché américain, où nous avons déjà ouvert un bureau à New York. Nous voulons également renforcer notre position en Europe en répondant aux besoins de clients prestigieux. En parallèle, nous travaillons à améliorer notre produit pour qu’il passe d’un simple outil de création à un générateur de contenu intelligent. L’objectif est de proposer automatiquement des visuels optimisés en fonction des performances de diffusion.
Le shooting photo traditionnel est-il voué à disparaître ?
Pas totalement. Il y aura toujours une place pour les photographes dans les campagnes de branding et les projets à forte valeur créative. Cependant, une grande partie du contenu produit, notamment les bannières, visuels e-commerce et publications sur les réseaux sociaux, peut être automatisée. Nous aidons les marques à produire en masse du contenu tout en maintenant un niveau de qualité optimal.
Quels sont les principaux défis pour Omi dans les mois à venir ?
Nous devons renforcer notre avance sur un marché en pleine expansion. Des startups similaires commencent à apparaître en Europe, et nous voulons garder notre statut de leader en investissant rapidement sur de nouveaux marchés. Le second enjeu est d’améliorer notre technologie, notamment en réduisant encore le temps de traitement et en exploitant l’IA pour automatiser encore plus la création de visuels.
Vous recrutez actuellement. Quels profils recherchez-vous ?
Nous avons de gros besoins en recrutement, notamment pour soutenir notre expansion et le développement produit. Nous recrutons:
En go-to-market: sales, customer success managers, account managers, business developers.
En tech: développeurs backend, data scientists, ingénieurs en rendu 3D (C++).
En 3D: artistes 3D pour modéliser et optimiser les visuels produits.
Nous cherchons des personnes autonomes, qui veulent construire et avoir un vrai impact. Notre culture repose sur l’ownership, le feedback et l’envie de travailler dans un environnement stimulant. Nos salaires sont à la hauteur des talents que nous voulons attirer, et nous offrons de vraies opportunités de croissance.
Quel est votre objectif en termes d’effectifs d’ici la fin de l’année ?
Nous prévoyons d’atteindre 75 à 80 employés d’ici fin 2025, soit une croissance de plus de 50%. Nous mettons tout en place pour structurer notre croissance et attirer les meilleurs talents.
Un dernier mot pour ceux qui voudraient vous rejoindre ?
Si vous aimez les challenges, que vous avez envie de participer à la révolution du contenu visuel et que vous voulez être dans une entreprise en forte croissance avec une équipe dynamique, Omi est fait pour vous !
Procès à hauts risques pour Meta, menacé de démantèlement
C’est le moment de vérité pour Mark Zuckerberg. Celui qui explique en partie pourquoi il a fait allégeance de manière aussi éhontée à Donald Trump. Lundi, Meta retrouve la Federal Trade Commission (FTC) devant un tribunal de Washington. En jeu: un possible démantèlement de la maison mère de Facebook. Le gendarme américain de la concurrence réclame en effet la vente d’Instagram et de WhatsApp, pourtant achetés il y a plus de dix ans. Ces derniers mois, et encore ces derniers jours, le milliardaire a multiplié les efforts auprès du nouveau locataire de la Maison Blanche pour obtenir l’abandon des poursuites. Sans réussite pour le moment. Mais un accord à l’amiable reste possible au cours des cinq prochaines semaines d’audience, voire même après le verdict, lors de la procédure d’appel si la société est condamnée.
“Killer acquisitions”- Ce procès est l’aboutissement d’une longue procédure déclenchée fin 2020, dans les dernières semaines de la première administration Trump. Elle tourne autour des acquisitions d’Instagram en 2012 pour un milliard de dollars, et de WhatsApp deux ans plus tard pour 19 milliards. À l’époque, la FTC avait pourtant validé ces deux opérations. Soutenue par une quarantaine d’États américains, elle estime désormais que ces rachats sont des “killer acquisitions”, uniquement motivés par la volonté de mettre la main sur des rivaux avant qu’ils ne deviennent trop menaçants. Le régulateur juge ainsi qu’ils ont été préjudiciables pour les consommateurs, en cadenassant le marché des réseaux sociaux et de la messagerie. Et en permettant à Facebook, depuis rebaptisé Meta, d’imposer davantage de publicités et moins de protection de la vie privée.
Définition du marché – Le groupe de Menlo Park met, lui, en avant les “milliards de dollars d’investissement” à l’origine du succès d’Instagram et WhatsApp. “Nous avons rendu les applications plus performantes, plus fiables et plus sécurisées”, au bénéfice des consommateurs, explique-t-il. Meta appuie par ailleurs sur la principale faille du dossier présenté par la FTC: la définition du marché. Cette procédure très technique est cruciale dans les affaires antitrust. La société estime que le périmètre retenu par le gendarme de la concurrence est trop restreint, ne prenant pas en compte TikTok, YouTube ou X, avec lesquelles elle est également en compétition. Elle souligne enfin que les deux rachats ont déjà été validés par la FTC – même si sa mésaventure avec Giphy a prouvé qu’un géant de la tech pouvait être forcé à revendre une entreprise.
“Fort à faire” – La partie est loin d’être gagnée pour la FTC. Depuis quatre ans, le juge chargé du dossier n’a en effet cessé de se montrer dubitatif. En 2021, il avait rejeté les deux premières plaintes déposées par le régulateur, l’obligeant donc à revoir sa copie. À plusieurs reprises, il a depuis répété que celui-ci “aura fort à faire pour prouver ses allégations pendant un procès”. Ou encore que “ses positions poussent jusqu’à leurs limites des jurisprudences déjà fragiles”. Malgré ces déclarations plutôt favorables, Meta voulait absolument échapper à un procès très médiatisé, pour éviter que Mark Zuckerberg ne soit appelé à la barre et pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles. Ses efforts auprès de Donald Trump se sont cependant heurtés à une réalité: l'entreprise reste une cible de choix dans le camp du président américain.
Pour aller plus loin:
– Face aux Gafa, l’administration Trump montre les muscles
– Pourquoi Facebook revend Giphy à prix bradé
Crédit photos: Unsplash / Claudio Schwarz – Meta