La French Tech ne rebondit toujours pas
Et aussi: Google et Microsoft imposent l'IA dans leur suite bureautique
Pour la French Tech, l'année 2024 n'a pas été celle du rebond espéré
2024 n’aura pas été l’année du rebond pour les levées de fonds en France. Bien au contraire. Après une stabilité au premier semestre, le montant recueilli par les start-up auprès d’investisseurs est nettement reparti à la baisse sur les six mois suivants. La faute, selon EY, à la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée début juin. Et au climat d’incertitudes politiques qui perdure depuis. Sur l’ensemble de l’année, les levées de fonds affichent ainsi un repli de 7% selon le baromètre annuel d’EY. Elles avaient déjà chuté de 38% en 2023. Les plus optimistes voulaient alors seulement y voir un simple retour à la normale après deux années d’euphorie post-Covid, alors qualifiées d’anomalies. Ils comptaient sur la baisse des taux directeurs des banques centrales et sur la montée en puissance de l’intelligence artificielle générative.
L’IA ne suffit pas – Si ces deux éléments se sont bien matérialisés, ils n’ont pas été suffisants pour renverser la tendance négative précipitée à l’été 2022 par le resserrement des politiques monétaires, qui avait mis fin à une période d’argent facile. Aucun pays n’a été épargné, mais l’Europe met plus de temps à rebondir que les États-Unis. L’an passé, les levées de fonds des start-up américaines ont en effet grimpé de près de 30%, selon les données collectées par Pitchbook. Une forte augmentation qui s’explique principalement par quelques opérations d’envergure menées par des spécialistes de l’IA, dont OpenAI et xAI, la start-up-up d’Elon Musk. En France, les deux principales opérations de l’année concernent aussi l’IA générative avec Mistral AI et Poolside. Le secteur représente désormais 20% du montant levé par la French Tech.
Les “services Internet” en chute – La progression des levées dans l’IA est plus que compensée par la baisse dans les autres secteurs. C’est notamment le cas des “services Internet”, qui n’ont récolté que 535 millions d’euros. C’est cinq fois moins qu’en 2022. Si le nombre d’opérations a reculé, ce plongeon s’explique surtout par la chute du montant moyen. Nombre de ces start-up ont été surévaluées lors de leur précédent tour de table, souvent sans chemin clair vers la rentabilité. Elles ont dû délaisser l’hypercroissance à tout prix, et parfois licencier, pour réduire leur consommation de liquidités. Malgré tout, elles ont encore bien du mal à séduire les investisseurs. Ou alors elles refusent une valorisation trop éloignée de la précédente. Autre secteur en difficulté: les greentechs, pourtant appelées à monter en puissance.
Incertitudes sur le budget – Après deux années de baisse, la reprise des levées de fonds peut-elle enfin se matérialiser en 2025 ? Les incertitudes politiques restent encore grandes, entre menace de censure du nouveau gouvernement et négociations tendues sur le budget. La précédente version du projet de loi de finances, présentée mi-octobre, prévoyait des coupes dans certains dispositifs profitant aux start-up. Si certaines mesures avaient été rétablies pendant les débats parlementaires, cela représentait un signal fort pour la French Tech: ses préoccupations ne font plus partie des priorités. Autre élément inquiétant: le dry powder, les liquidités que les fonds doivent encore investir, se réduit. “Leur priorité est de lever de nouvelles liquidités. En attendant, ils sont plus attentistes”, souligne Franck Sebag, associé chez EY.
Pour aller plus loin:
– Pour la French Tech, enfin l’heure des introductions en Bourse ?
– Une attaque “délibérée”: la French Tech entre dans une nouvelle ère
Dans l'IA, Google et Microsoft changent de politique commerciale
Google présente sa nouvelle politique tarifaire comme bénéfique pour ses clients professionnels. Mercredi, le moteur de recherche a indiqué que l’ensemble des abonnés à sa suite bureautique Workspace auront désormais accès aux fonctionnalités d’intelligence artificielle générative, jusqu’à présent commercialisées entre 20 et 30 dollars par mois et par utilisateur, “sans payer de supplément”. Mais cette “générosité” affiche une importante contrepartie: les tarifs augmentent de deux à quatre dollars pour tout le monde. Cela représente une hausse d’environ 20%. Le groupe de Mountain View n’est pas le seul à suivre cette voie. Jeudi, Microsoft a annoncé exactement la même chose avec sa suite 365, mais pour les abonnements destinés au grand public – en augmentant les prix de trois dollars par mois.
Gains de productivité – Après le lancement de ChatGPT, Google et Microsoft ont très vite annoncé l’arrivée de l’IA générative au sein de leur suite bureautique en ligne. Le premier s’appuie sur ses modèles développés en interne, dont Gemini. Le second tire profit de son partenariat avec OpenAI. Leur assistant permettent désormais de rédiger des textes ou des e-mails, de prendre des notes pendant une visioconférence, de rechercher des informations dans des documents internes ou encore de créer des présentations en quelques clics. Persuadés que ces outils doivent permettre aux entreprises de réaliser d’importants gains de productivité, les deux groupes n’ont pas hésité à fixer des tarifs élevés: à partir de 20 dollars par mois et par utilisateur, soit le triple du prix de leur offre de base.
Faible plus-value – Mais les choses ne sont pas passées comme prévu. Après la curiosité des débuts, le déploiement de l’IA dans le monde professionnel a été beaucoup moins rapide qu’espéré. Les enjeux autour de la sécurité des données restent importants. Certains services ne fonctionnent pas aussi bien que promis. Et les gains de productivité tant attendus ne se matérialisent pas forcément. Dans une étude réalisée en octobre par le cabinet Gartner, seulement quatre responsables informatiques sur plus d’une centaine indiquaient que Copilot, l’assistant de Microsoft, apportait une plus-value significative à leur entreprise. Et 75% des employés interrogés expliquaient ne pas savoir comment intégrer l’IA dans leur travail quotidien. Dans ces conditions, ces fonctionnalités ont bien du mal à justifier leurs tarifs élevés.
Concurrence de ChatGPT – Microsoft et Google doivent aussi affronter la concurrence des outils gratuits, directement utilisés par les employés quand ils en ont besoin. Et souvent suffisants pour le grand public. Ils souffrent également des offres payantes de ChatGPT, qui tire profit de son avance et de son image de marque pour capter l’essentiel du marché – aussi bien auprès des entreprises que des particuliers. Les deux géants ne communiquent aucun chiffre sur le nombre d’utilisateurs payants de leurs outils d’IA. Mais le changement de politique commerciale semble indiquer qu’ils n’ont pas atteint leurs objectifs. En facturant quelques dollars par mois à l’ensemble des utilisateurs, ils peuvent espérer générer davantage de chiffre d’affaires qu’aujourd’hui. Mais peut-être pas autant qu’ils ne l’avaient anticipé au départ.
Pour aller plus loin:
– Les coûts exorbitants de l’IA menacent de freiner son adoption
– ChatGPT lance un abonnement à 200 dollars par mois
Crédit photos: Flickr / Web Summit – Google