Facebook joue au chat et à la souris sur le RGPD
Et aussi: Elon Musk lance son IA - BlackBerry tourne une page
En Europe, le jeu du chat et de la souris de Meta sur la publicité ciblée
L’annonce a fait grand bruit… pour rien. La semaine dernière, le Comité européen de la protection des données (CEPD), qui regroupe tous les régulateurs du continent, a demandé à la Cnil irlandaise, la DPC, d’interdire sous deux semaines la publicité comportementale sur Facebook et Instagram. Une “décision contraignante” qui représente l’aboutissement d’une longue bataille entre Meta et les autorités autour du respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Et qui constitue, sur le papier, une remise en cause du modèle économique de la maison mère des deux réseaux sociaux. Dans les faits cependant, cette décision n’aura pas d’impact car elle intervient à contretemps. Meta s’apprête en effet à lancer une parade: des abonnements payants permettant de naviguer sans aucune publicité.
Consentement – La longue passe d’armes entre les deux parties porte sur le consentement des internautes, désormais obligatoire en Europe, pour pouvoir utiliser leurs données personnelles à des fins publicitaires. Meta ne souhaite pas mettre en place un consentement classique, offrant le choix d’accepter ou de refuser le ciblage, car de nombreux internautes auraient répondu par la négative, handicapant sa capacité à monétiser son audience. À la place, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg a ajouté cette disposition dans ses conditions d’utilisation, forçant ainsi ses utilisateurs à donner leur consentement, généralement sans le savoir. Cette pratique a été retoquée fin 2022 par les Cnil européennes, dont l’interprétation a été validée cet été, dans une affaire annexe, par la Cour de justice de l’Union européenne.
Abonnement payant – Entre-temps, Meta avait aussi tenté d’invoquer le principe “d’intérêt légitime”, prévu dans le RGPD. Mais ses efforts ont également été rejetés par la justice européenne. Pourtant, la société n’a pas modifié ses pratiques. C’est pour cela que le CEPD a saisi la DPC, son autorité de référence en Europe dans le cadre du guichet unique. Il demande l’interdiction du ciblage publicitaire, mais seulement sur les bases juridiques utilisées jusqu’à présent par le réseau social. Cette initiative arrive donc trop tard pour avoir un effet. La semaine dernière, Meta a en effet annoncé un basculement vers le consentement. Mais un consentement un peu particulier, qui s’effectuera par l’argent. Seuls les internautes qui acceptent de payer au moins 10 euros par mois pourront échapper aux publicités ciblées.
“Graves inquiétudes” – La question est désormais de savoir si ce dispositif est conforme au RGPD. Meta l’affirme en s’appuyant sur le jugement de la Cour de justice de l’UE, qui “a expressément reconnu qu’un modèle d’abonnement constitue une forme valide de consentement pour un service financé par la publicité”. Dans un dossier similaire – les “cookies wall” –, la Cnil française avait aussi estimé que les “contreparties monétaires” peuvent “constituer une alternative au consentement”, tout en soulignant qu’elles devaient être proposées à un “tarif raisonnable” afin d’offrir un “véritable choix” aux internautes. Le CEPD dit étudier la question. Mais le régulateur norvégien, particulièrement en pointe dans le combat contre Meta, a déjà exprimé de “graves inquiétudes” sur l’alternative proposée par le réseau social.
Pour aller plus loin:
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BlackBerry change de patron et de stratégie... dans l'indifférence
C’est quasiment dans l’indifférence générale que BlackBerry vient de tourner une nouvelle page de son histoire. Très loin de l’enthousiasme que suscitaient ses smartphones à clavier physique à la fin des années 2000, alors véritables stars du marché de la téléphonie mobile. Fin octobre, son directeur général John Chen a officialisé son départ à la retraite, dix ans après été nommé à ce poste pour tenter de relancer un groupe en perte de vitesse. Mais son passage aura davantage été marqué par les polémiques autour de son niveau de rémunération que par le succès de sa stratégie de transformation. Avec un nouveau patron intérimaire à sa tête, la société canadienne s’apprête aussi à mener une autre rupture: une scission, séparant ses activités de cybersécurité de celles dans l’automobile.
Apogée en 2011 - Créée en 1984 à Waterloo, dans la banlieue de Toronto, l'entreprise, qui s'appelle alors Research in Motion, se fait d'abord connaître avec ses pagers dotés d'un clavier et connectés en permanence au réseau, permettant de facilement recevoir et envoyer des e-mails. Son premier téléphone BlackBerry est lancé en 2002. Au fil des ans, ces appareils sont plébiscités par les dirigeants d'entreprise, les banquiers ou les responsables politiques. Ils deviennent alors le symbole d'un certain statut social. À partir de 2007, ils commencent aussi à séduire le grand public, notamment aux Etats-Unis grâce à la messagerie instantanée BBM, alors que le marché abandonne rapidement les anciens modèles de téléphones portables. En 2011, les ventes sont à leur apogée, à plus de 50 millions d'unités.
Chute des ventes – Pourtant, le déclin de BlackBerry est déjà écrit. L’iPhone d’Apple, lancé en 2007, puis les smartphones tournant sous Android vont faire basculer le marché vers les appareils entièrement tactiles, équipés de caméras et permettant de faire tourner de nombreuses applications. Dans les entreprises, l’essor du Bring your own device met également fin à l’hégémonie de BlackBerry. À partir de 2011, les ventes s’effondrent. En cinq ans, elles sont divisées par plus de dix ! Trop lente à réagir, la société ne parvient pas à enrayer cette chute infernale. En 2013, elle dévoile de nouveaux modèles conçus autour d’un système d’exploitation pensé pour le tactile. Un échec cuisant qui coûtera sa place au patron de l’époque. Deux ans plus tard, BlackBerry passe sous Android. Un autre échec.
Pivot vers les logiciels – C’est dans ce contexte que John Chen entreprend une transformation de l’entreprise. En 2016, le dirigeant renonce à concevoir de nouveaux smartphones pour se focaliser uniquement sur les logiciels pour les entreprises. BlackBerry vise le marché de la cybersécurité, espérant surfer sur la réputation de ses terminaux dans le domaine. Le groupe commercialise aussi des logiciels de gestion de flotte pour les smartphones. Dans l’automobile, il vend des systèmes embarqués et des systèmes d’analyse des données. Mais le chiffre d’affaires de la société n’a cessé de chuter, alors que les recettes résiduelles liées aux smartphones – les frais facturés aux opérateurs sur chaque utilisateur d’un BlackBerry et les licences sur ses brevets – n’ont cessé de diminuer.
Pour aller plus loin:
- Huawei anticipe un rebond spectaculaire de ses ventes de smartphones
- Comment Google gagne du terrain sur le marché des smartphones
La nouvelle start-up d'Elon Musk lance son premier modèle d'IA
Sept mois après avoir appelé à un moratoire sur le développement de l’intelligence artificielle générative, Elon Musk a dévoilé samedi un concurrent à ChatGPT. Baptisé Grok, ce robot conversationnel a été conçu par xAI, la dernière start-up du milliardaire lancée fin mars. “À bien des égards, c’est le meilleur qui existe actuellement sur le marché”, promet le milliardaire, qui met en avant un “accès en temps réel” aux messages publiés sur X, l’ancien Twitter, ce qui lui permettrait de générer ses réponses à partir des toutes dernières informations. Le chatbot répondrait aussi à des “questions brûlantes” que ses rivaux préfèrent ignorer. Au-delà du potentiel commercial, Elon Musk affirme en effet vouloir lutter contre des modèles existants qu’il juge trop “woke” – un terme péjoratif pour désigner ceux qui luttent contre les discriminations. L’accès à Grok est pour le moment limité, mais il devrait bientôt être ouvert à certains abonnés de l’offre payante de X.
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– La start-up française Mistral AI lance sa première IA générative
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