Dans l'IA, OVH se contente du minimum
Et aussi: Sorare lance un plan social – Yann LeCun va lancer sa start-up
Cafétech vous propose désormais une édition hebdomadaire entièrement dédiée à la French Tech (exceptionnellement publiée samedi cette semaine). Les précédents numéros sont à retrouver ici.
Bonne lecture et bon week-end.
La stratégie à contre-courant d’OVHcloud dans l’IA générative
“Me revoilà”. C’est de nouveau en tant que directeur général qu’Octave Klaba a pris la parole jeudi en ouverture de l’OVHcloud Summit, la conférence annuelle du spécialiste français du cloud qu’il a fondé en 1999 à Roubaix. De retour aux commandes opérationnelles, six ans après les avoir cédées, le dirigeant entend de nouveau conjuguer vision technologique et exécution commerciale “jusqu’au moindre détail”1. Il dévoilera, début 2026, un nouveau plan stratégique de cinq ans. Objectif affiché: prendre un “coup d’avance”.
“Le moment est particulièrement excitant”, s’enthousiasme Octave Klaba. Mais il est surtout crucial. Alors que le marché du cloud est en plein essor, dopé par la vague de l’intelligence artificielle générative, le groupe, lui, est en panne de croissance: seulement 9% lors de son exercice 2025, clos fin septembre, et entre 5% et 7% pour l’exercice en cours. Souvent présenté comme une alternative aux géants américains, OVH ne boxe en réalité pas dans la même catégorie en matière d’IA. Et il ne cherche même pas à rivaliser réellement avec eux.
Échec du précédent plan stratégique
OVH est l’un des pionniers de l’hébergement de sites web. Les débuts sont modestes: ses premiers serveurs sont hébergés dans une cave prêtée par Xavier Niel. Mais la société grandit vite, profitant de la démocratisation d’Internet. Elle ouvre ses propres data centers, équipés de serveurs et systèmes de refroidissement conçus en interne. Elle s’implante aussi progressivement à travers l’Europe. En 2011, elle revendique le statut de premier hébergeur du continent. L’année précédente, elle avait fait ses premiers pas sur le marché du cloud.
Cette activité représente désormais 80% du chiffre d’affaires d’OVH, qui a dépassé le milliard d’euros lors du dernier exercice. Mais seulement 20% proviennent du cloud public, le segment qui enregistre la croissance la plus rapide. Le reste est tiré du cloud privé, qui propose des serveurs dédiés et non partagés avec d’autres clients. Plus fragmenté, ce marché progresse moins rapidement. L’activité historique d’hébergement affiche une croissance encore plus faible. Après des années de pertes, le groupe vient de dégager un bénéfice annuel de… 400.000 euros.
Au moment de son introduction en Bourse en 2021, OVH venait de lancer son précédent plan stratégique. L’objectif était alors d’investir pendant trois ans, notamment pour construire de nouveaux data centers et élargir l’offre de services dans le cloud public. Mais les résultats, attendus à partir de 2024, n’ont pas été à la hauteur des espérances. Arrivé au poste de directeur général, Benjamin Revcolevschi a ainsi été écarté à peine un an plus tard. “Il est grand temps de rentabiliser tous ces investissements”, reconnaît aujourd’hui Octave Klaba.
“Enfin, les choses bougent”
En attendant de présenter sa feuille de route, le dirigeant a déjà esquissé quelques pistes pour relancer la croissance. Il souhaite d’abord concentrer davantage d’efforts sur ce que l’entreprise appelle les “digital starters”. Ces clients, qui dépensent moins de 25.000 euros par an, représentent plus que la moitié du chiffre d’affaires. Mais ils ont été négligés ces dernières années dans la course aux gros comptes. “Nous n’avons pas investi au bon moment ni innové de manière adéquate pour répondre à leurs besoins”, souligne Octave Klaba.
OVH espère également accélérer à l’international, alors que la France pèse encore près de la moitié de son chiffre d’affaires. Après l’Italie, l’entreprise vient d’ouvrir une “région” (trois data centers dans une zone géographique) en Allemagne. Elle prévoit de faire de même aux États-Unis – son deuxième marché, qui génère environ 10% de ses recettes. OVH compte notamment y lancer son offre de cloud public, un segment largement dominé par les géants américains. Elle y ambitionne une croissance plus élevée qu’en Europe.
Octave Klaba compte enfin sur les enjeux de souveraineté. Avec le retour au pouvoir de Donald Trump, “l’Europe a pris acte de sa dépendance”, affirme-t-il. Il cite notamment la création par Bruxelles d’une grille de classement pour les appels d’offres, en fonction de critères de souveraineté. La Commission devrait d’ailleurs montrer l’exemple, délaissant AWS. “Enfin, les choses bougent”, se félicite Octave Klaba. OVH attend également la certification SecNumCloud pour son cloud public — un label garantissant un haut niveau de sécurité et de souveraineté.
Le strict minimum sur l’IA générative
Comme toutes les autres plateformes de cloud, OVH parle beaucoup d’IA. Mais sa stratégie est à contre-courant du marché. Alors que les autres acteurs, même petits, dépensent énormément dans l’achat de cartes graphiques, essentielles pour entraîner et faire tourner des modèles, le groupe roubaisien n’est, lui, pas “agressif”, souligne Octave Klaba. “Nous n’avons pas la preuve que cela serait rentable sur le long terme, car le cycle de vie des GPU est extrêmement court et les prix sont très bas”, explique-t-il.
Limitée dans ses capacités d’investissement, OVH se contente donc du strict minimum. S’il propose des services d’IA générative, c’est de “manière opportuniste pour ne pas perdre [ses] clients, admet Octave Klaba. Ce n’est pas un levier pour en gagner de nouveaux”. Un aveu qui contraste avec les discours visant à présenter OVH comme un atout européen dans la compétition mondiale. Le groupe ne possède ainsi aucun GPU Blackwell, la dernière génération commercialisée par Nvidia, mais seulement des H100, lancés il y a trois ans.
Conséquence: OVH ne permet pas d’entraîner des modèles d’IA – au contraire, par exemple, de son rival français Scaleway. “Il y a moins de dix clients potentiels pour des investissements massifs”, justifie son patron. L’entreprise se limite donc à l’inférence – la génération d’un texte ou d’une image –, en ne s’appuyant pas seulement sur des GPU Nvidia. Elle vient notamment de s’associer avec SambaNova. Peu ambitieux sur les modèles, OVH se contente donc d’ajouter des fonctionnalités d’IA dans ses services existants.
Pour aller plus loin:
– Bruxelles s’attaque au manque de concurrence dans le cloud
– Mistral veut proposer une alternative aux géants américains du cloud
En quête de rentabilite, Sorare lance un plan social
En quête de rentabilité, Sorare s’apprête, une nouvelle fois, à tailler dans ses effectifs. La start-up française, spécialisée dans les fantasy league sportives à base de cartes NFT, a présenté cette semaine un projet de plan social susceptible de toucher 35% de ses employés en France. Dans le même temps, le bureau new-yorkais, déjà réduit à la portion congrue l’an dernier, va définitivement fermer ses portes. Au total, une quarantaine de postes devraient ainsi être supprimés.
Une fois le plan social mené à son terme, Sorare comptera autour de 70 employés. Elle en totalisait environ 170 il y a moins de deux ans, avant de se séparer d’une vingtaine de personnes aux États-Unis. La société assurait alors vouloir créer une trentaine de postes en France, présentant ces licenciements comme une façon de “recentrer” ses équipes à Paris afin de gagner en efficacité. Depuis, les effectifs n’ont cessé de diminuer, témoignant d’une situation financière difficile.
300 millions de pertes en deux ans
Lancée en 2018, Sorare permet d’acheter (et aussi de revendre) des cartes pour participer à des ligues virtuelles, où les joueurs engrangent des points selon les performances réelles des sportifs. À ses débuts, la start-up profite de l’engouement autour des NFT (non-fungible tokens ou jetons non fongibles). Elle enchaîne les partenariats avec des ligues professionnelles. Fin 2021, elle lève 680 millions de dollars, sur la base d’une valorisation de 4,3 milliards – deux records pour la French Tech à l’époque.
Depuis, Sorare a été rattrapée par l’éclatement de la bulle des NFT. Entre 2022 et 2024, son chiffre d’affaires a plongé de 70%, tombant à 43 millions d’euros, selon des chiffres obtenus par L’Informé. Et ses pertes ont dépassé les 300 millions. Outre la baisse des effectifs, la société a renégocié ses contrats avec les ligues pour abaisser ses coûts. Elle affirme désormais avoir renoué avec la croissance du chiffre d’affaires après le lancement cet été d’une nouvelle version. La rentabilité est espérée fin 2026.
Pour aller plus loin:
– Sorare échappe à la réglementation sur les jeux d’argent en France
– Avec la NBA, Sorare accélère sa conquête des Etats-Unis
Yann LeCun quitte Meta pour lancer sa start-up d’IA
Bientôt une nouvelle start-up dédiée à l’intelligence artificielle en France ? Mercredi, Yann LeCun a confirmé qu’il quitterait Meta à la fin de l’année. Le scientifique, qui a longtemps incarné l’IA au sein de la maison mère de Facebook, aurait déjà entamé des discussions avec des fonds pour lancer sa propre société, spécialisée dans les “worlds models” – capables de comprendre le monde physique à partir d’images et de vidéos afin de prendre des décisions de manière autonome. Il n’est cependant pas encore certain que ce projet soit lancé en France.
Yann LeCun est une figure majeure de l’IA. En 2018, il a rapporté le prix Turing, aux côtés notamment de Geoffrey Hinton, autre grand nom du secteur, qui a travaillé pendant des années chez Google. Il était arrivé chez Meta en 2013 pour lancer et diriger FAIR, devenu au fil des ans l’un des meilleurs laboratoires en IA. Sous sa direction, l’entreprise a pris le virage du machine learning, des algorithmes capables d’apprendre seuls, qui ont transformé ses réseaux sociaux dans la seconde moitié des années 2010.
Divergence de vision technologique
Ces derniers mois, la position de Yann LeCun s’est fragilisée. Frustré par le retard de Meta dans l’IA générative, Mark Zuckerberg a créé une nouvelle division, le Superintelligence Labs, dirigée par Alexandr Wang, recruté à prix d’or en juin. Ce dernier supervise désormais toutes les équipes d’IA, y compris celle du responsable français. Cette réorganisation a créé des tensions entre les dizaines d’ingénieurs fraîchement recrutés et les équipes de FAIR. D’autant que le laboratoire historique a été touché par un plan social en octobre.
Le possible départ de Yann LeCun reflète aussi une divergence de vision technologique. Alors que Meta mise sur les grands modèles de langage pour atteindre la superintelligence, le chercheur défend la nécessité d’une nouvelle architecture d’IA, plus proche du raisonnement humain et de la perception du monde réel. Un pari qu’il partage avec d’autres figures du secteur. Le laboratoire DeepMind de Google travaille aussi sur ce concept. Et la chercheuse vedette Fei-Fei Li vient de lancer la start-up WorldLabs, qui a déjà levé 230 millions de dollars.
Pour aller plus loin:
– Après les turbulences, H veut passer à la vitesse supérieure
– Les ambitions de Kyutai, le laboratoire d’IA financé par Xavier Niel
Crédit photos: OVH – Sorare – Flickr / WEF
Les citations d’Octave Klaba dans cet article sont tirées de son discours jeudi et de la conférence avec les analystes financiers du 21 octobre





