Après le flop de l'AI Pin, la start-up Humane est rachetée par HP
Les fondateurs de Humane promettaient de remplacer les smartphones avec l’IA Pin, gadget dopé à l’intelligence artificielle générative. Non seulement celui-ci ne sera plus commercialisé, moins d’un an et demi après son lancement, mais les exemplaires déjà écoulés cesseront aussi de fonctionner fin février. Cette décision radicale s’inscrit dans le cadre du rachat de la start-up américaine par HP pour 116 millions de dollars. Une opération au rabais, alors qu’elle avait levé 230 millions auprès d’investisseurs. Et qu’elle espérait l’an passé une offre comprise entre 750 millions et un milliard. Cette offre semble quand même survaloriser les technologies développées par Humane. De fait, elle ressemble davantage à un “aqui-hire” des deux fondateurs, qui vont désormais travailler sur l’intégration de l’IA dans les ordinateurs et imprimantes HP.
“Le pire produit” – Humane espérait surfer sur deux tendances: la recherche de la prochaine plateforme dominante et l’engouement autour de l’IA générative. Son concept: une broche à fixer sur le torse, équipée d’un assistant vocal. L’AI Pin pouvait ainsi répondre à des questions en faisant appel à ChatGPT. Il pouvait aussi faire un résumé des mails et messages ratés pendant une journée, servir de traducteur en temps réel en recréant la voix de l’utilisateur ou encore identifier des objets placés devant lui grâce à sa caméra. Mais les premiers retours de la presse américaine ont été catastrophiques. Parmi les reproches: temps de réponse à rallonge, réponses fausses, fonctionnalités manquantes, faible durée de vie de la batterie, surchauffe… “Le pire produit que je n’ai jamais testé”, avait ainsi lancé le youtubeur vedette Marques Brownlee.
Prix exorbitant – Au-delà de ces défauts de jeunesse, l’AI Pin souffrait surtout d’une véritable proposition de valeur inexistante. Humane n’a jamais démontré l’intérêt d’utiliser son appareil plutôt qu’un smartphone ou une paire de lunettes connectées. Et encore plus en l’absence de boutique d’applications, qui aurait pu offrir de nouveaux cas d’usage. Autre handicap rédhibitoire: un prix exorbitant. La broche était en effet commercialisée à 699 dollars. Et elle nécessitait en plus un abonnement mensuel de 24 dollars, permettant de bénéficier d’appels illimités, d’héberger des photos et vidéos dans le cloud, et surtout de poser autant de questions que souhaité à l’assistant. Cette double tarification reflétait un modèle économique bancal: Humane devait payer des frais aux services d’IA sur chaque requête effectuée par ses utilisateurs.
Le précédent Magic Leap – L'histoire de la start-up n'est pas sans rappeler celle de Magic Leap, qui promettait de commercialiser un casque de réalité augmentée sans précédent. Et qui avait levé près de trois milliards de dollars auprès de noms prestigieux avant d'abandonner ses rêves de grandeur. Les dirigeants de Humane ont, eux aussi, savamment orchestré pendant des années le mystère autour de leur technologie qu'ils présentaient comme révolutionnaire. Ils ont aussi su attirer des investisseurs de renom, comme Sam Altman et Marc Benioff, les patrons respectifs d'OpenAI et de Salesforce. Et ils ambitionnaient de créer un nouveau marché. Ces deux échecs illustrent l’extrême complexité du développement hardware pour les start-up. Même quand elles ont été lancées par des responsables qui ont fait leur preuve dans de grands groupes.
Pour aller plus loin:
– Démarrage raté pour l’AI Pin, la broche dopée à l’IA qui doit remplacer les smartphones
– L’incroyable comeback de Magic Leap
Avec ses premières puces 5G, Apple s'émancipe (un peu) de Qualcomm
Il aura fallu sept ans à Apple. Et plusieurs milliards de dollars d’investissements. Mercredi, le groupe à la pomme a dévoilé son premier modem 5G, dans le cadre du présentation de l’iPhone 16e, son nouveau modèle d’entrée de gamme. Il a cependant fourni peu de détails, insistant seulement sur les économies d’énergie. Un aveu probablement qu’il reste encore très loin des performances de Qualcomm, qui équipe ses autres iPhone. Reste que ce lancement marque le début de son émancipation. Selon l’agence Bloomberg, le modem maison sera déployé au sein des modèles premium à l’automne 2026. Puis, au sein des iPad les plus puissants en 2027. À cette échéance, Apple espère dépasser les performances de son fournisseur historique. Objectif: renforcer l’intégration avec le processeur mobile pour limiter la consommation d’énergie et améliorer la connectivité.
Composant essentiel – Les puces réseau sont un élément primordial des smartphones, leur permettant de se connecter au réseau mobile. Et donc de téléphoner et de naviguer sur Internet. Leur conception est particulièrement complexe. Elles doivent notamment fonctionner avec la multitude de fréquences radio et d’équipements utilisés par les différents opérateurs. Et être capables de basculer instantanément entre la 3G, la 4G et la 5G. À ce petit jeu, Qualcomm est reconnu comme le meilleur. Et encore plus sur la 5G. Ses puces équipent donc la majorité des smartphones, dont les iPhone. À cause des retards de développement de son modem maison, Apple a été contraint de renouveler en 2023 son accord commercial avec le groupe de San Diego – dont le montant est estimé à plus de sept milliards de dollars par an. Celui-ci arrive à échéance fin 2026.
Conflit avec Qualcomm – Cela fait des années qu’Apple souhaite s’émanciper des puces réseau de Qualcomm, dénonçant des redevances jugées excessives et multipliant les procédures judiciaires à partir de 2017. Pour y parvenir, la société de Cupertino a d’abord parié sur Intel. Mais le fabricant de semi-conducteurs n’a pas été en mesure de concevoir une puce 5G à temps, obligeant Apple à abandonner, en 2019, les poursuites contre Qualcomm. Et à lui racheter des puces, afin de ne pas laisser le champ libre à Samsung dans la 5G. C’est à ce moment-là que ses dirigeants ont décidé de travailler sur leur propre puce réseau, rachetant la division 5G d’Intel pour un milliard de dollars et débauchant des responsables de Qualcomm. Depuis, le projet s’est notamment heurté à des problèmes de surchauffe et de consommation énergétique.
Pas que les puces 5G – Les efforts d’Apple s’inscrivent dans une stratégie d’internalisation lancée en 2010 avec la conception d’un processeur maison, basé sur l’architecture ARM, dont les évolutions équipent désormais tous les iPhone et iPad. En 2020, la société a remplacé les microprocesseurs d’Intel dans ses ordinateurs Mac. Elle souhaite aussi concevoir ses propres puces Wifi et Bluetooth, actuellement produites par Broadcom. Cette évolution doit permettre à Apple d’innover à son rythme et dans les domaines jugés prioritaires, sans être dépendant des avancées technologiques de ses fournisseurs. Et ainsi de différencier encore plus ses produits de la concurrence, mettant régulièrement en avant ses gains de puissance ou d’autonomie. À terme, malgré de lourds investissements, le groupe peut aussi espérer réaliser des économies.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi Apple veut s’émanciper de ses fournisseurs
– En difficultés, Intel aiguise l’appétit de Qualcomm
Crédit photos: Humane - Unsplash / James Yarema