ChatGPT sur le banc des accusés
Et aussi: Bruxelles avertit Twitter - Huawei garde le mystère
Pourquoi les procédures judiciaires se multiplient contre OpenAI
Moins d’un an après le lancement retentissant de ChatGPT, les plaintes s’accumulent contre son créateur OpenAI – une demi-douzaine déjà depuis le début de l’été. La semaine dernière, une nouvelle class action (action en nom collectif) a ainsi été déposée devant la justice new-yorkaise. Elle émane de l’Authors Guild, une association regroupant plus de 14.000 auteurs américains, qui s’est associée à quelques écrivains de renom, dont George R.R. Martin, auteur de la saga Le Trône de fer. Les plaignants reprochent à la start-up d’avoir entraîné GPT, le grand modèle de langage sur lequel tourne son robot conversationnel, en utilisant plus de 100.000 livres récupérés illégalement sur Internet, sans autorisation ni rémunération des ayants droits. Et ainsi d’avoir violé le droit d’auteur.
Books2 - Comme les précédentes plaintes, la procédure tourne autour des bases de données utilisées par OpenAI pour développer GPT. Jusqu'en 2020, la société précisait que le processus d'entraînement de son modèle reposait sur Wikipedia et sur deux bibliothèques de livres qu'elle ne nommait pas, les appelant simplement Books1 et Books2. OpenAI a depuis toujours refusé de dire à quoi correspondaient ces deux noms. Mais des chercheurs suspectent qu'il s'agit de bases de données contenant des livres piratés. Entre 100.000 et 300.000 pour Books2, dont des œuvres protégées par le droit d'auteur. Ce que OpenAI a partiellement admis, assure l'Authors Guild. Depuis trois ans, le concepteur de ChatGPT ne détaille plus le processus d'entraînement des nouvelles versions de GPT.
Résumés et citations – Pour prouver l’utilisation de livres piratés, les différentes plaintes avancent plusieurs arguments. Dans une action en justice lancée fin juin, deux auteurs américains mettent en avant que ChatGPT est capable de fournir des résumés très détaillés et de répondre à des questions précises sur leurs œuvres. Ce qui n’est possible, selon eux, que si le modèle GPT a eu accès au texte intégral. De son côté, l’Authors Guild assure que le robot conversationnel était capable de citer des passages d’ouvrages, “suggérant que le modèle sous-jacent à ingérer ces livres dans leur intégralité”. Cette fonctionnalité a depuis été retirée: ChatGPT explique désormais qu’il ne peut pas reproduire des citations d’œuvres protégées par le droit d’auteur. OpenAI risque jusqu’à 150.000 dollars par infraction constatée.
Vide juridique – Toutes ces plaintes, comme celles déposées contre d’autres start-up, se heurtent cependant à deux obstacles majeurs. D’abord, comment prouver qu’une œuvre protégée a bien été utilisée dans l’entraînement puis dans la réponse fournie par une intelligence artificielle ? Ensuite, elles font face à un vide juridique: les lois actuelles ne sont pas adaptées à l’émergence de l’IA générative. OpenAI mettra certainement en avant – comme le fait d’ailleurs ChatGPT quand on lui pose la question – que son robot conversationnel entre dans le cadre du fair use, une disposition qui autorise un “usage raisonnable” des œuvres protégées par le droit d’auteur. Les plaignants rétorqueront que les réponses de ChatGPT s’apparentent davantage à des “œuvres dérivées”, qui sont, elles, réservées aux auteurs originaux.
Pour aller plus loin:
– En ouvrant un bureau en Irlande, OpenAI fait un (petit) pas vers l’Europe
–Le parlement européen adopte des règles sur l’IA générative
PARTENAIRE – Découvrez The Thinking Gallery, un podcast et une newsletter qui visent à rendre accessibles à tous, les leaders du monde d'aujourd'hui afin d'anticiper le monde de demain. Le podcast décortique les technologies de rupture, et la newsletter couvre l'actualité économique et technologique à travers le monde chaque semaine.
Bruxelles rappelle Twitter à l'ordre après l'entrée en vigueur du DSA
Un dernier avertissement avant de potentielles sanctions ? Mardi, Bruxelles a de nouveau rappelé Twitter (nouvellement X) à ses obligations en matière de lutte contre la désinformation, dans le cadre du Digital Services Act (DSA), la nouvelle législation européenne sur les services numériques, entrée en vigueur fin août. “Vous devez respecter la loi et nous observons ce que vous faites”, a ainsi lancé Vera Jourova, la vice-présidente de la Commission européenne – qui vient de récupérer la supervision du numérique suite à la mise en retrait de Margrethe Vestager. Au premier semestre, le réseau social a l’oiseau bleu affiche “le plus important ratio de messages de désinformation”, a-t-elle souligné. Bruxelles s’inquiète notamment de possibles interférences russes pendant les prochaines élections européennes.
Modération allégée – Depuis son rachat par Elon Musk pour 44 milliards de dollars il y a bientôt un an, Twitter a fortement allégé sa politique de modération. Par choix idéologique, le milliardaire se présentant comme le défenseur de la liberté d’expression qu’il estime menacée. Mais aussi par volonté de réduire les coûts: les équipes de modération, internes et externes, ont été décimées, particulièrement en dehors des États-Unis. La société a également déclaré une amnistie générale sur les comptes bannis par la précédente direction, dont ceux qui avaient été utilisés dans le cadre de campagnes d’influence. Face à la désinformation, le réseau social ne se repose plus sur des équipes de fact-checking mais sur des “notes de la communauté”, présentes sous les messages jugés mensongers par les utilisateurs.
Signaux négatifs – Depuis plusieurs mois, les responsables européens multiplient les avertissements, redoutant notamment que ce modèle ne soit trop limité pour être véritablement efficace, faute d’un nombre suffisant de volontaires pour certaines langues du continent. À plusieurs reprises, ils ont donc demandé à Twitter de renfoncer ses équipes de modération et de fact-checking. En réponse, le réseau social a envoyé de nombreux signaux négatifs. En mai, il avait passablement énervé Bruxelles en décidant de se retirer du code européen de bonnes pratiques contre la désinformation, qui regroupe tous les autres réseaux sociaux. Trois mois plus tôt, il avait aussi fourni un rapport incomplet à la Commission sur la diffusion de fausses informations et sur les mesures mises en place pour les limiter.
Lourde amende – En avril, Twitter a également été poursuivi par le ministère allemand de la justice, qui l’accuse de ne pas avoir respecté la législation locale, considérée comme un test grandeur nature pour le DSA. Comme elle compte plus de 45 millions d’utilisateurs actifs au sein des Vingt-Sept, la société a été désignée au printemps en tant que “très grande plateforme”. Elle doit ainsi respecter le DSA depuis le 25 août. Le texte instaure de nouvelles règles pour les réseaux sociaux, qui doivent permettre à leurs utilisateurs de refuser les algorithmes de recommandation ou encore de contester des décisions de modération. Il leur impose aussi de retirer les contenus haineux ou illégaux, ainsi que les fausses informations. En cas d’infraction, Twitter risque une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre mondial.
Pour aller plus loin:
– Chez Twitter, la politique de modération suscite de nouveaux départs
– Dix-neuf “très grandes plateformes” soumises au DSA européen
Huawei garde le mystère sur son dernier smartphone
Une tablette, une montre, une télévision et même une voiture électrique. Mais pas le smartphone tant attendu. Lundi, au cours d’un événement organisé en grande pompe à Shenzhen, Huawei n’a pas officiellement présenté le Mate 60, son premier terminal 5G depuis 2020, lancé en toute discrétion en août. Ces dernières semaines, celui-ci est au cœur de nombreuses spéculations, car il semble être équipé du premier processeur gravé à grande échelle en 7 nm par une entreprise chinoise. Un bond technologique majeur pour le pays, limité depuis près d’un an par les États-Unis dans sa capacité à acheter des puces avancées et les équipements nécessaires à leur production. Si Huawei a choisi de faire profil bas – la marque n’a, par exemple, toujours pas publié la fiche technique de son smartphone, ni officiellement confirmé qu’il peut se connecter à la 5G –, c’est probablement parce que le groupe a réussi à contourner les sanctions américaines.
Pour aller plus loin:
– Comment Huawei a pris sa revanche sur les États-Unis
– Meng Wanzhou prend la tête d’un Huawei ambitieux, mais toujours menacé
Crédit photos: Unsplash / Rolf van Root - Unsplash / Brett Jordan