Elon Musk revend X à... Elon Musk
Et aussi: TikTok Shop arrive en France - IPO ratée pour CoreWeave
Elon Musk revend X à xAI, sa start-up d’IA
C’est un petit jeu d’écritures comptables au royaume d’Elon Musk. Vendredi, le milliardaire a annoncé que sa start-up d’intelligence artificielle xAI avait officiellement racheté X, l’ex-Twitter sur lequel il avait mis la main en novembre 2022 pour 44 milliards de dollars. Une opération qui s’est réalisée par échange de titres: les actionnaires des deux entreprises ont reçu des actions d’une nouvelle entité appelée xAI Holdings et valorisée, sur le papier, à plus de 100 milliards de dollars. Et toujours contrôlée par Elon Musk. “Les destins de xAI et de X sont étroitement liés, justifie le patron de Tesla. Aujourd’hui, nous franchissons officiellement une étape en unissant les données, les modèles, la puissance de calcul, la distribution et les talents”. Dans les faits, cependant, cette annonce ne devrait pas changer grand-chose.
Entraînement de Grok – Avant même leur rapprochement, les deux entreprises partageaient déjà bien plus que la lettre X. Depuis sa création il y a deux ans, xAI s’est en effet construit autour de X. La start-up utilise notamment les milliards de messages publiés sur le réseau social pour entraîner et peaufiner son grand modèle de langage Grok. Ce dernier dispose également d’un “accès en temps réel” à cette base d’informations, ce qui doit lui permettre de générer ses réponses à partir des actualités récentes – un avantage compétitif primordial, selon Elon Musk. L’ancien Twitter sert en plus de plateforme de distribution au chatbot, longtemps disponible uniquement de cette manière. L’utilisation des fonctionnalités les plus avancées est par ailleurs réservée aux abonnés à l’offre payante de X. Enfin, le réseau social possédait une partie du capital de xAI.
IA “woke” – L’an dernier, xAI a récolté douze milliards de dollars auprès de grands fonds d’investissement. Selon Bloomberg, elle mène des discussions pour mener une nouvelle levée de fonds, d’un montant de dix milliards. Ces sommes doivent lui permettre d’investir massivement dans sa propre architecture informatique, quand la plupart des acteurs du secteur s’appuient sur des plateformes de cloud. En septembre, elle a ainsi inauguré son supercalculateur Colossus, présenté comme “le plus puissant du monde” et dont la taille doit encore doubler. D’après le Wall Street Journal, xAI revendiquait fin 2024 des revenus annuels récurrents de 100 millions de dollars – un chiffre qui correspond probablement à un pourcentage des abonnements de X. L’objectif du milliardaire est aussi politique: développer une alternative aux IA qu’il considère comme “woke”.
45 milliards de dollars – Le rachat de X permet à Elon Musk de sortir par le haut. Depuis 2022, la plateforme a enregistré une chute de ses recettes, victime d’un exode des annonceurs en raison de l’allègement de la modération. Le milliardaire assure qu’elle compte 600 millions d’utilisateurs, en hausse significative. Mais les chiffres de Similarweb montrent, eux, une audience en baisse. Sur le papier, xAI a deboursé 45 milliards de dollars, dont douze milliards de dettes. C’est un milliard de plus que le chèque signé il y a deux ans et demi. Et encore plus que la valorisation de douze milliards calculée fin 2024 par le fonds Fidelity. Cette opération est aussi une belle affaire pour les investisseurs qui ont financé une partie du rachat de X. Ils échangent des titres d’une entreprise en perte de vitesse et endettée pour celles d’un spécialiste de l’IA.
Pour aller plus loin:
– Publicité, profits, valorisation: les bons chiffres en trompe-l’oeil de X
– Face à Elon Musk, l’Europe promet de ne pas faire marche arrière
TikTok lance sa plateforme de commerce en ligne en France
En sursis aux États-Unis, TikTok passe à l’offensive en Europe. L’application de courtes vidéos déploie ce lundi sa plateforme de commerce en ligne en France, en Allemagne et en Italie. Baptisée TikTok Shop, celle-ci avait déjà été lancée fin 2024 en Espagne et en Irlande. Comme Temu ou Aliexpress, elle propose beaucoup de produits à tout petit prix, souvent expédiés directement depuis la Chine – même si la société met en avant un partenariat avec Carrefour dans l’Hexagone. Pour réussir là où ses rivaux américains ont échoué, TikTok s’appuie sur un nouveau modèle, centré non pas sur les marques mais sur les influenceurs. Cette approche a fait ses preuves sur Douyin, la version chinoise de l’application qui s’est imposée comme un géant du commerce en ligne, aux côtés des acteurs historiques. Les résultats sont plus mitigés sur les marchés occidentaux.
“Un échec et un succès” – La première expérience de TikTok Shop au Royaume-Uni a tourné court. La plateforme a alors abandonné l’Europe pour se lancer, à l’automne 2023, aux États-Unis. “À la fois un échec et un succès”, souligne Juozas Kaziukėnas, fondateur du cabinet Marketplace Pulse. Certes, la filiale du groupe chinois ByteDance a trouvé une petite place dans le paysage du commerce en ligne. Elle n’a cependant pas atteint ses objectifs. Le retour en Europe devait initialement avoir lieu l’été dernier, mais la société avait finalement préféré concentrer ses efforts – et ses pertes – sur le marché américain, plus simple à appréhender et probablement plus lucratif à long terme. En Europe, elle devra en outre se soumettre aux obligations du Digital Services Act, en particulier pour lutter contre la vente de contrefaçons et de produits illégaux.
Les influenceurs au centre – Pour s’imposer, l’entreprise se montre très agressive. Elle accorde une place importante aux vidéos d’e-commerce dans les fils d’actualité, multiplie les bons de réduction et propose la livraison gratuite. Surtout, elle ne mise pas sur les marques, incitées à acheter des espaces publicitaires pour augmenter leurs ventes. Sa stratégie repose sur ses utilisateurs. Ces derniers peuvent ainsi mettre en avant les vêtements, les produits de beauté ou les produits électroniques présents sur une marketplace dans des vidéos enregistrées ou des vidéos en direct. En échange, ils reçoivent des commissions sur chaque vente qu’ils génèrent. TikTok Shop reprend ainsi à son compte le modèle de monétisation des influenceurs, mais en le simplifiant encore davantage car tout le processus se passe directement au sein de son application.
Pas de grandes marques – Les dirigeants de TikTok assurent vouloir rivaliser avec Amazon, proposant même un service de logistique et de livraison pour les marchands, comme le fait le géant américain. Dans les faits, la marketplace ressemble davantage à Aliexpress et à Temu. “La majorité des produits vendus sont des articles sans marque et à bas prix”, indique Juozas Kaziukėnas. En outre, aucune grande marque n’a véritablement adopté la plateforme, notamment parce qu’elles souhaitent garder le contrôle sur leur communication. “À mesure que la nouveauté et l’engouement pour TikTok Shop s’estompent, il devient plus difficile de convertir les utilisateurs en acheteurs”, note par ailleurs Jasmine Enberg, analyste chez eMarketer. Et de souligner que “plus de la moitié des acheteurs sur les réseaux sociaux regrettent des achats impulsifs”.
Pour aller plus loin:
– Un an après son lancement, TikTok Shop doit encore faire ses preuves
– Bousculé sur les prix, Amazon reprend les recettes de Shein et Temu
L'introduction en Bourse de CoreWeave fait pschitt
L'opération était particulièrement attendue à Wall Street. Mais l'introduction en Bourse de CoreWeave, la première de l'ère de l'intelligence artificielle générative, n'a pas été le succès escompté. Non seulement la plateforme de cloud avait dû revoir ses ambitions en baisse – vendant, à un prix nettement inférieur, moins d'actions qu'initialement espéré. Mais elle a également fini sa première journée de cotation dans le rouge – ce qui est généralement très mauvais signe. En fait, l'opération serait certainement tombée à l'eau sans le soutien de Nvidia, l'un de ses actionnaires. Sa capitalisation boursière s'élève ainsi à 23 milliards de dollars, très loin des 35 milliards évoqués il y a quelques semaines. Spécialisé dans les data centers dédiés à l'IA, CoreWeave affiche pourtant une hausse spectaculaire de son chiffre d'affaires. La société venait aussi de signer un important contrat avec OpenAI. Mais elle a payé un climat boursier peu favorable. Et surtout les doutes autour de son modèle économique, qui repose sur un endettement massif. Autre handicap: ses fondateurs ont déjà revendu une grande partie de leurs actions.
Pour aller plus loin:
– Le pari très risqué de CoreWeave
– OpenAI sort le chéquier pour s’émanciper un peu plus de Microsoft
Crédit photos: UK Government – TikTok