Pour Anduril, l'IA rime avec armement
Et aussi: La machine publicitaire de Google dans le viseur
Anduril, la start-up controversée qui veut réconcilier la tech et l'armement
De la frontière américano-mexicaine aux champs de bataille, Anduril promet de “transformer les capacités militaires des États-Unis et de ses alliés”. Sept ans après son lancement, la start-up américaine est désormais prête à passer à l’échelle industrielle. Elle prévoit de construire une gigantesque usine, de la taille de 80 terrains de football, aussi vaste que la gigafactory de Tesla dans le Nevada. À terme, elle compte y produire des “dizaines de milliers” de systèmes militaires et d’armes autonomes par an, capables notamment de détecter et d’éliminer des intrus ou encore d’accompagner des avions de chasse. Pour financer cet ambitieux projet, Anduril a mené cet été une septième levée de fonds, d’un montant de 1,5 milliard de dollars, sur la base d’une valorisation de 14 milliards – doublée par rapport à fin 2022.
Réconcilier tech et défense – Anduril a été lancée à l’initiative de Palmer Luckey, qui s’était fait connaître en créant les casques de réalité virtuelle Oculus, rachetés par Facebook pour deux milliards de dollars. Il souhaite alors faire bouger les lignes, en réconciliant les nouvelles technologies et la défense. D’un côté, les grands de l’armement ne disposent en effet pas de l’expertise pour se lancer dans l’intelligence artificielle ou la robotique. De l’autre, les géants de la tech, parfois sous la pression de leurs employés, ne souhaitent pas travailler avec les armées. Palmer Luckey, lui, assume. Tout comme son principal investisseur, le milliardaire Peter Thiel, lui aussi soutien de Donald Trump. Et déjà à l’origine de Palantir, le spécialiste de l’analyste de données qui collabore avec le Pentagone et la CIA.
Surveillance de la frontière – Au départ, Anduril a concentré ses efforts sur la création d’un mur numérique à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, une alternative au mur physique que souhaitait ériger l’ancien président républicain. Depuis, la start-up a signé des contrats avec le service des douanes et de la protection des frontières. Elle lui fournit des systèmes de surveillance, capables de détecter des personnes jusqu’à 8 kilomètres à la ronde. Un algorithme d’intelligence artificielle analyse les images, puis envoie une notification en cas d’activité suspecte. Anduril se félicite ainsi d’avoir identifié des centaines de milliers “d’incursions”. Ce système peut aussi être utilisé pour protéger des sites sensibles. Et peut être couplé à un intercepteur équipé d’une charge explosive pour détruire des drones.
“L’IA change la donne” – L’entreprise propose également plusieurs modèles de drones, entièrement autonomes. Déjà déployés en Ukraine, ils présentent un avantage de taille, celui d’échapper aux brouilleurs qui coupent la connexion entre un appareil et son pilote. “L’IA change la donne, expliquait récemment Palmer Luckey à Bloomberg. Elle permet de déployer un grand nombre de systèmes de manière beaucoup plus utile”. À chaque fois, Anduril casse les coûts en utilisant des composants électroniques grand public. La start-up conçoit par ailleurs des sous-marins autonomes, pouvant descendre jusqu’à 6.000 mètres. L’US Navy va lui en acheter 200 exemplaires par an. Elle vient aussi de remporter, devant Boeing et Lockheed Martin, un contrat auprès de l’armée de l’air pour lui fournir un millier de drones de soutien aux avions de combat.
Pour aller plus loin:
– Palantir, l’anti-Silicon Valley qui veut séduire Wall Street
– Microsoft va équiper les soldats américains de lunettes de réalité augmentée
Les États-Unis veulent démanteler la machine publicitaire de Google
À peine le temps de digérer une première condamnation que Google doit déjà affronter un nouveau procès antitrust. Lundi, le moteur de recherche a en effet retrouvé le département de la Justice (DOJ) devant un tribunal américain. Il est, cette fois-ci, accusé d’abus de position dominante sur le marché de la publicité en ligne. “Pendant quinze ans, Google a utilisé des pratiques anticoncurrentielles pour limiter l’émergence de technologies rivales, manipuler le processus d’enchères et forcer les annonceurs et les éditeurs à utiliser ses outils”, expliquait l’an passé Merrick Garland, le procureur général des États-Unis. Pour y remédier, les autorités réclament le démantèlement de sa surpuissante machine publicitaire. Une solution également prônée par la Commission européenne, dans le cadre de sa propre enquête antitrust.
Publicité programmatique – Le procès, qui doit durer six semaines, va examiner le rôle de Google dans la publicité programmatique, qui s’est imposée ces dernières années comme le modèle dominant sur Internet. Il s’agit d’un système d’enchères aussi complexe qu’opaque qui permet de placer automatiquement des annonces et bannières sur les sites partenaires. Le groupe de Mountain View y est omniprésent. Et contrôle les outils les plus populaires à chaque étape du processus: le serveur publicitaire DoubleClick utilisé par les éditeurs pour gérer leurs espaces publicitaires, les outils d’achat Google Ads et DV 360 utilisés par les annonceurs pour planifier leurs campagnes, et la bourse d’enchères en temps réel AdX. “Google opère simultanément comme vendeur et acheteur, et gère une plateforme d’enchères”, dénonce le DOJ.
Enchères manipulées – Cette machine bien huilée a notamment été bâtie grâce à plusieurs acquisitions, en particulier celle de DoubleClick en 2007 pour 3,1 milliards de dollars. Après s’être retrouvé dans une position centrale, Google a pu agir de manière anticoncurrentielle pour renforcer sa domination, assure le DOJ. Il lui reproche de forcer la main des annonceurs et des éditeurs pour qu’ils utilisent l’ensemble de ses outils publicitaires, d’imposer des restrictions d’accès à ses concurrents ou encore de manipuler “subrepticement” le processus d’enchères pour battre les plateformes rivales. Autant que pratiques qui lui permettraient de capter une part plus grande du gâteau au détriment des autres acteurs du marché. Et des annonceurs et des éditeurs, contraints de laisser filer 30% des dépenses publicitaires.
Vers un démantèlement ? – En 2023, cette activité d’intermédiaire a permis au groupe américain de générer 31,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires. “Des documents internes montrent que Google gagnerait beaucoup moins sur un marché compétitif”, assure le département de la Justice. Pour revigorer la concurrence, il souhaite ainsi forcer la vente DoubleClick et AdX. Un tel scénario bouleverserait le marché de la publicité en ligne. Pour l’éviter, le moteur de recherche aurait proposé, selon le Wall Street Journal, de scinder ses activités publicitaires, les nichant dans plusieurs sociétés indépendantes et contrôlées par Alphabet, sa maison mère. Une offre rejetée par le DOJ, qui a préféré porter l’affaire devant la justice américaine. Le verdict n’est pas attendu avant plusieurs mois… avant un éventuel appel de Google.
Pour aller plus loin:
– Coupable d’abus de position dominante, Google risque un démantèlement
– L’Europe enquête sur le pacte secret entre Google et Facebook
Crédit photos: Anduril - Unsplash / Nathana Rebouças