Avec sa dernière levée de fonds, Mistral AI s'installe tout en haut de la French Tech
Il aura fallu un peu plus d’un an, à peine, à Mistral AI pour lever près d’un milliard d’euros. Mardi, la start-up française spécialisée dans l’intelligence artificielle générative a officialisé un nouveau tour de table, le troisième déjà depuis sa création au printemps 2023. Celui-ci se chiffre à 468 millions d’euros, auxquels s’ajoute une tranche de 132 millions en dette. Selon Sifted, sa valorisation s’élève désormais à 5,8 milliards, autant que Doctolib, jusqu’à présent seul en tête du palmarès de la French Tech. Comme pour les précédentes opérations, la majorité des capitaux est apportée par des fonds de capital-risque américains. Mais Mistral “reste entièrement sous le contrôle des fondateurs”, précise son directeur général Arthur Mensch, comme pour répondre aux critiques qui ont suivi son partenariat avec Microsoft.
Ambitions mondiales – Lancée par trois anciens chercheurs de DeepMind et de FAIR, les réputés laboratoires de Google et Meta en IA, Mistral voit très grand. Son patron ne s’en cache pas: il souhaite créer un “champion européen avec des ambitions mondiales”. Pour y parvenir, la société a besoin d’énormément de liquidités. Concevoir des modèles d’IA générative nécessite en effet une immense puissance de calcul informatique, qui se traduit par des factures gigantesques – sans compter les salaires élevés des meilleurs experts dans le domaine. Moins puissante financièrement que les géants américains, Mistral assure cependant opérer à moindre coût. “Leur efficacité capitalistique est remarquable”, souligne ainsi Jeannette zu Fürstenberg, qui dirige la branche européenne du fonds General Catalyst, interrogée par le Financial Times.
Nombreux lancements – Pour attirer les investisseurs, Mistral a d’abord pu compter sur le CV de ses fondateurs. Et aussi sur son pari – au moins initial – de l’open source, un choix à contre-courant de ses rivales. Depuis, ses dirigeants peuvent également mettre en avant le travail accompli depuis un an. Malgré une petite équipe de quelques dizaines d’employés, la start-up a multiplié les lancements. D’abord, plusieurs modèles de langage de petite taille. Puis, un grand modèle en février, qui se rapproche des performances de GPT 4 d’OpenAI, le concepteur de ChatGPT, ou encore de Gemini de Google. Elle a aussi déployé un robot conversationnel, baptisé Le Chat, dont l’objectif est surtout de combler le déficit d’image face à la concurrence. Plus récemment, Mistral a dévoilé un modèle spécialisé dans le code informatique.
Modèles payants – La prochaine étape sera de construire un modèle économique pérenne. Au départ, la société avait fait le choix de l’open source, permettant d’intégrer gratuitement ses modèles dans une application. Elle espérait ensuite les monétiser avec des services payants. Cette particularité lui a permis de se démarquer des principaux acteurs du secteur, hormis Meta. Mais Mistral a fait, en partie, volte-face en début d’année. Son IA la plus performante est propriétaire: pour l’utiliser, il faut passer par des offres payantes – moins chères que celles d’OpenAI –, accessibles notamment sur les clouds de Microsoft, Amazon et Google. Et son modèle de code est gratuit pour la recherche, mais payant pour les applications commerciales. Pour accélérer, la start-up mise beaucoup sur les États-Unis, où elle vient de recruter une directrice.
Pour aller plus loin:
– Pour partir à l’assaut d’OpenAI, Mistral AI abandonne (en partie) l’open source
– Le jeu trouble Cédric O, l’ex-ministre devenu lobbyiste de Mistral AI
En panne de croissance, BeReal racheté par l'éditeur de jeux mobiles Voodoo
Depuis un an, BeReal tentait un pari pour relancer une croissance en berne, modifiant son concept jusqu’ici simple mais efficace. Visiblement, les résultats n’ont pas été à la hauteur. Mardi, le réseau social français a été racheté par Voodoo, autre start-up tricolore, d’abord spécialisée dans les jeux vidéo mobiles casual, mais qui tente désormais de percer dans les plateformes sociales – elle a notamment conçu Wizz, une sorte de Tinder pour adolescents, temporairement retirée des boutiques d’application en début d’année. L’opération valorise BeReal à 500 millions d’euros, soit légèrement moins que la valorisation retenue lors de sa dernière levée de fonds en 2022. Mais seulement un tiers de cette somme est garanti, en partie par échange d’actions. Le reste est conditionné à des objectifs chiffrés, précisent Les Echos.
Authenticité – Fondée en 2020 par deux entrepreneurs français, BeReal met l’accent sur “l’authenticité”. Chaque jour, à un horaire qui varie, un décompte est lancé: ses utilisateurs n’ont alors que deux minutes pour prendre simultanément un selfie et une photo de leur environnement immédiat. Sans filtre ni mise en scène, la plateforme prend à revers les autres réseaux sociaux. Elle est longtemps restée dans l’anonymat, avant de connaître un rapide bond de sa popularité en 2022, en particulier auprès des adolescents et des étudiants américains, ce qui a poussé TikTok puis Instagram à la copier. Elle se classe alors régulièrement en tête des programmes les plus téléchargés sur l’App Store et le Play Store, les boutiques mobiles d’Apple et de Google. Et revendique plus de 20 millions d’utilisateurs actifs par jour.
Baisse d’audience – BeReal a tardé à renouveler son expérience, pour dépasser un concept initial trop limité. Longtemps, la start-up a surtout été occupée à résoudre “d’importants défis technologiques” inhérents à son fonctionnement, qui se traduit par un nombre très élevé de connexions simultanées sur quelques minutes. Ce délai s’est payé très cher aux États-Unis, où le réseau social a disparu du classement des applications les plus populaires. Depuis un an, il a cependant déployé de nouvelles fonctionnalités, destinées notamment aux personnalités et aux marques. Des ajouts qui lui permettent d’afficher de bien meilleures performances dans les pays où son succès est plus récent, comme la France et le Japon. Selon les estimations du cabinet Sensor Tower, le nombre d’utilisateurs a malgré tout légèrement baissé depuis l’été 2022.
Publicités – BeReal conteste une perte d’attractivité, annonçant 40 millions d’adeptes, dont la moitié se connecte au moins six jours par semaine. Mais Voodoo veut aller beaucoup plus haut. La société promet ainsi de “recentrer” les efforts sur la croissance, comptant en particulier sur son “expertise” dans l’acquisition payante d’utilisateurs – elle revendique plus de 7 milliards de téléchargements de ses quelque 200 jeux mobiles. Elle assure également vouloir donner les moyens nécessaires à l’application pour “accélérer” le développement de nouvelles fonctionnalités. Deux pistes sont déjà évoquées par ses responsables: des vidéos et une messagerie. En contrepartie, l’acquéreur de BeReal veut lancer au plus vite le processus de monétisation. Cela passera d’abord par l’arrivée de publicités sur l’application.
Pour aller plus loin:
– Yubo, le réseau social qui n’aime pas les likes
– La French Tech veut croire à un rebond en 2024
Crédit photos: Mistral / BeReal