Le difficile retour sur terre des agrégateurs Amazon
Et aussi: Apple abandonne son projet de voiture - Photoroom entre dans l'ère de l'IA générative
Difficile retour sur terre pour les agrégateurs Amazon
Dans le petit monde des agrégateurs Amazon, Thrasio a longtemps été l’exemple à suivre. “Le plus gros, le plus rapide et le mieux financé”, rappelle Juozas Kaziukenas, directeur du cabinet Marketplace Pulse. Mercredi, pourtant, la start-up américaine s’est placée sous la protection du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites – une procédure qui va lui permettre de réduire sa dette, une condition indispensable pour espérer survivre. À peine deux ans après avoir levé plus de 3 milliards de dollars, lui permettant de racheter environ 200 petites marques indépendantes qui cartonnaient alors sur les places de marché, les fameuses marketplaces popularisées par Amazon. Elle a été rattrapée par le ralentissement de la croissance des ventes en ligne, que ses dirigeants n’avaient pas anticipé. Et par son endettement.
Nouvelles marques – Dans le sillage de Thrasio, une centaine d’agrégateurs, essentiellement américains, ont vu le jour. Ils ont surfé sur l’essor, encore accentué par la crise sanitaire, des marketplaces, qui permettent à des marchands tiers de vendre sur des sites d’e-commerce. Et qui ont fait émerger de nouvelles marques court-circuitant les réseaux traditionnels de distribution. La stratégie des agrégateurs consiste à racheter celles qui réalisent déjà plus d’un million de dollars de chiffre d’affaires, mais qui n’ont pas les ressources suffisantes pour continuer de croître. Ils peuvent ensuite optimiser le référencement et le marketing, augmenter les dépenses publicitaires ou encore accélérer la distribution, par exemple en lançant des plateformes de vente directe ou en rejoignant de grandes enseignes physiques.
15 milliards levés – Portés par l’euphorie post-Covid, les agrégateurs attirent alors les investisseurs. Entre 2021 et 2022, ils lèvent plus de 15 milliards de dollars. Et les valorisations s’envolent: 5 milliards de dollars, par exemple, pour Thrasio. “La majorité des fonds récoltés était de la dette”, nuance Juozas Kaziukenas. Considérés comme indispensables à l’époque pour grossir le plus vite possible, ces emprunts se traduisent désormais par une importante charge financière. La situation est d’autant plus compliquée que les performances des marques rachetées ne sont souvent pas à la hauteur des espérances. Aveuglés par leurs moyens financiers et par la forte concurrence, les agrégateurs ont en effet signé des chèques trop élevés ou mis la main sur des marques présentant un faible potentiel de croissance.
Achats en pause – Le secteur est aussi handicapé par la rivalité croissante entre les vendeurs sur Amazon, qui rend quasiment obligatoire d’acheter de la publicité pour bien figurer dans les résultats de recherche. Selon les estimations de Marketplace Pulse, le géant du commerce en ligne récupère ainsi, en moyenne, plus de 50% du prix de vente. En outre, les agrégateurs ne peuvent plus compter sur un apport d’argent frais. L’an passé, ils ont levé moins de 200 millions de dollars. Dans ce contexte, la plupart ont réduit la voilure, licenciant en partie de leurs effectifs et mettant les acquisitions en pause. “Ils sont devenus opérateurs”, souligne Juozas Kaziukenas, se focalisant davantage sur les marques qu’ils ont déjà rachetées. Plus de 40 sociétés ont disparu ou ont été avalées. Et seulement une poignée sont devenues rentables.
Pour aller plus loin:
– Une deuxième vague de licenciements chez Amazon
– Shopify licencie et abandonne ses ambitions dans la logistique
Apple abandonne son projet de voiture électrique autonome
Le projet Titan n’a jamais été officialisé. Il est désormais annulé. Après de multiples retards, Apple a en effet décidé d’interrompre le développement d’une voiture électrique et autonome, rapporte l’agence Bloomberg, qui a pu consulter un mémo interne envoyé mardi. Une décision, confirmée par d’autres médias, qui met un terme à dix ans d’investissements, de retards, de changements de stratégie et de valse de dirigeants. Et qui représente aussi un échec majeur pour Tim Cook. Mais le patron du groupe à la pomme a préféré arrêter les frais, au profit de nouvelles priorités. Comme un symbole, une partie des 2.000 personnes qui travaillaient sur le projet vont être réaffectées vers les équipes chargées du Vision Pro, le premier casque de réalité augmentée de la marque, et de l’intelligence artificielle générative.
Multiples revirements – Pour lancer ses efforts dans l’automobile en 2014, Apple s’était pourtant donné les moyens de ses ambitions, recrutant massivement des ingénieurs de Tesla, Mercedes ou encore Volkswagen. Mais le projet a surtout connu de multiples revirements. En 2016, la société de Cupertino avait ainsi revu ses objectifs à la baisse, renonçant à concevoir elle-même une voiture, pour se concentrer uniquement sur le développement des technologies autonomes, comme le système de lidars et les logiciels. Avant de changer d’avis deux ans plus tard, lors de l’arrivée d’un nouveau responsable, un ancien dirigeant de Tesla… parti en 2021 chez Ford. L’année précédente, le constructeur coréen Hyundai avait révélé des négociations pour fabriquer les voitures d’Apple. Avant d’annoncer leur échec quelques semaines plus tard.
Essais limités – Concevoir un véhicule autonome est une tâche beaucoup plus complexe que ne l’imaginaient les entreprises qui se sont lancées. Quinze ans après ses premiers essais sur route, la voiture de Waymo, filiale de Google, est certes la plus avancée, mais elle n’est toujours pas opérationnelle. L’an passé, la start-up Cruise, rachetée en 2016 par General Motors, a dû suspendre ses essais après plusieurs incidents. “C’est certainement l’un des plus difficiles projets d’intelligence artificielle”, confiait en 2017 Tim Cook, ses seules remarques publiques sur le sujet. Parti après les autres, Apple avait accéléré en 2023. Selon les données publiées par les autorités californiennes, ses 55 véhicules de test ont parcouru un peu plus de 725.000 kilomètres. Trois fois plus qu’en 2022. Mais douze fois moins que les voitures de Waymo.
Pas avant 2028 – Surtout, les progrès technologiques étaient très lents. En 2023, les opérateurs des prototypes d’Apple ont dû reprendre le contrôle tous les 230 kilomètres parcourus – autant qu’en 2020. Très loin des 27.000 kilomètres de Waymo. En outre, la filiale de Google fait aussi circuler des véhicules sans aucun opérateur présent à bord. Et elle a lancé un service de robots-taxis à San Francisco et à Phoenix. Dans le même temps, le concepteur de l’iPhone n’a cessé de repousser la date de commercialisation de sa voiture. En janvier, Bloomberg expliquait que le lancement n’était plus attendu, au mieux, avant 2028 ! Surtout, Apple n’ambitionnait plus de concevoir une voiture entièrement autonome, mais seulement un système d’assistance à la conduite, semblable à ce que propose Tesla depuis des années.
Pour aller plus loin:
– Comment les voitures autonomes de Cruise ont foncé droit dans le mur
– Apple se lance dans la réalité augmentée, un marché aux multiples échecs
Photoroom lève 50 millions d'euros pour entrer dans l'ère de l'IA générative
Déjà très populaire pour ses outils de retouche photo, Photoroom ne veut pas rater le virage de l’intelligence artificielle générative. Mardi, la start-up française a officialisé une deuxième levée de fonds, d’un montant de 43 millions de dollars, sur la base d’une valorisation de 500 millions. Dans le même temps, elle a annoncé de nouvelles fonctionnalités intégrant les avancées récentes de l’IA. Celles-ci permettront, par exemple, de créer des images à partir d’un texte, d’élargir le cadre d’une photo ou d’ajouter des éléments. Photoroom explique avoir développé son propre modèle de diffusion, qu’elle promet plus rapide que ceux de Midjourney ou Dall-E. Si son application peut être installée gratuitement – la star-up revendique d’ailleurs 150 millions de téléchargements –, la majorité de ses outils ne sont accessibles qu’aux abonnés payants. Plusieurs milliers d’entreprises les utiliseraient, représentant des revenus récurrents annuels de 50 millions d’euros.
Pour aller plus loin:
– La start-up française Mistral AI lève 385 millions d’euros
– Après l’euphorie, les craintes d’une bulle autour de l’IA générative
Crédit photos: Amazon - Bloomberg