Avec l'aide de Microsoft, OpenAI veut concurrencer Google
En novembre 2022, lors du lancement de ChatGPT, certains observateurs prédisaient déjà la mort de Google. Un peu plus d’un an plus tard, le géant américain de la recherche en ligne souffre très peu de la concurrence du robot conversationnel conçu par OpenAI. Pour le moment du moins. Selon le média The Information, la start-up américaine travaille en effet sur son propre moteur de recherche, capable de tirer profit des avancées de l’intelligence artificielle générative. Et ainsi de remplacer les traditionnels liens ou petits extraits de sites Internet par des réponses plus complexes et détaillées. Une nouvelle expérience utilisateur qui pourrait, espèrent plusieurs acteurs, remettre en cause la domination écrasante de Google, qui s’accapare plus de 90% du marché, selon les estimations du cabinet StatCounter.
Association avec Bing – Depuis sa création en 2015, OpenAI n’a jamais mentionné des ambitions dans la recherche en ligne. Ni publié d’articles scientifiques sur le sujet. Selon The Information, la société ne développe pas son propre système d’indexation du Web. Elle préfère se reposer sur Bing, le moteur de Microsoft, son principal actionnaire. Elle pourrait aussi tirer parti des travaux déjà menés par le groupe de Redmond pour combiner des informations récupérées sur des sites Internet avec des réponses générées par une IA. Cette technologie a été déployée l’an passé sur Bing. À l’époque, les dirigeants de Microsoft espéraient surfer sur l’engouement autour de ChatGPT. Mais ils ont dû se rendre à l’évidence: en un an, la part de marché de Bing est restée stable, naviguant à peine au-dessus des 3%.
Ringardiser Google – Changer des habitudes bien ancrées nécessite une expérience “dix fois meilleure”, souligne Brian Nowak, analyste chez Morgan Stanley. Ce qui n’est pas encore le cas. En outre, l’IA générative souffre toujours d’un déficit de crédibilité, en raison de nombreuses erreurs factuelles. Et elle ne permet pas encore de réaliser tous les types de requêtes. Bing est aussi handicapé par une mauvaise image de marque, à l’inverse d’OpenAI. Pourtant, près de la moitié des Américains se disent intéressés par des recherches en ligne dopées à l’IA, selon un sondage mené en février 2023 par le cabinet Morning Consult. “Google va être perçu comme quelque chose de ringard”, prédit ainsi Aravind Srinivas, fondateur de la start-up Perplexity AI, qui revendique 10 millions d’utilisateurs pour son moteur de recherche.
Google réagit – Le problème pour OpenAI et Perplexity AI, c’est que Google ne reste pas les bras croisés. Pris de surprise par le lancement de ChatGPT, ses dirigeants ont pris conscience du danger. Très vite, le groupe de Mountain View a lancé un robot conversationnel, reposant sur les grands modèles de langage qu’il conçoit en interne. Depuis plusieurs mois, il mène aussi des tests pour intégrer l’IA générative dans les résultats de son moteur. Contrairement à Microsoft, il prend son temps avant de déployer ces nouveautés au plus grand nombre, mais se tient prêt à dégainer rapidement si besoin. Par ailleurs, ses rivaux pourraient être pénalisés par les coûts de fonctionnement de l’IA générative et par la nécessité de repenser le modèle économique de la recherche. Google dispose, lui, des ressources financières pour y faire face.
Pour aller plus loin:
– OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage
– Comment OpenAI tente d’éviter de nouvelles poursuites judiciaires
ASML lance une machine à 350 millions d'euros pour graver les prochaines générations de puces
350 millions d’euros, soit autant que la version allongée d’un Airbus A350. C’est le prix de la nouvelle machine d’ASML, la première à intégrer une nouvelle technique de lithographie devant permettre de graver plus efficacement les puces les plus avancées, dont celles destinées à l’entraînement des derniers modèles d’intelligence artificielle générative. Un mastodonte de 150 tonnes, expédié dans 13 conteneurs. Puis assemblé par 250 ingénieurs pendant au moins six mois. Le premier modèle a été livré début janvier, dans une usine américaine d’Intel, mais son entrée en service n’est pas prévue avant 2025. Le groupe néerlandais, leader incontesté du secteur, se montre très confiant. Il assure que tous les grands producteurs mondiaux ont déjà passé commande. Et vise 20 machines livrées par an d’ici à 2028.
Ultraviolet extrême – Fondé en 1984 à Veldhoven, dans la banlieue d’Eindhoven, ASML contrôle aujourd’hui plus de 60% du marché, devançant très nettement ses rivaux japonais Nikon et Canon. Surtout, la société possède une position de monopole pour les puces les plus avancées, qui s’explique par un pari audacieux réalisé il y a une vingtaine d’années. À l’époque, elle mise sur une nouvelle technique, la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême (EUV en anglais). Le procédé est complexe. Et les déconvenues sont multiples. Les premières machines n’entrent en service qu’en 2018. Depuis, TSMC, Intel ou encore Samsung les ont adoptées. En cinq ans, le chiffre d’affaires d’ASML a plus que doublé, atteignant 27,6 milliards d’euros en 2023. En Bourse, elle est désormais la troisième capitalisation européenne.
Gravure en 1 nm – Ces dernières années, le groupe a profité de la crise sur le marché des semi-conducteurs, qui a poussé les fondeurs à lancer, avec le soutien des États, de vastes plans d’expansion de leurs capacités de production. Il espère désormais surfer sur l’essor de l’IA générative, qui requiert une importante puissance de calcul. Sa nouvelle machine doit permettre d’accroître la performance des puces en divisant par près de deux la taille des transistors, et donc en augmentant leur densité. Elle est destinée aux gravures les plus fines, à partir de 3 nm. Et potentiellement jusqu’à seulement 1 nm. Certes, ces finesses de gravure sont possibles avec les machines actuelles, mais seulement par l’intermédiaire d’un processus de production complexe qui augmente les coûts et les risques de défaut, assure ASML.
Pas avant 2030 ? – Entre dix et vingt machines ont déjà été commandées, explique le groupe, qui prédit un bond des ventes à partir de 2026, avec le lancement d’une deuxième version. Les analystes se montrent plus réservés. La nouvelle technique de lithographie EUV d’ASML va “présenter de nombreux nouveaux défis technologiques qui doivent être résolus et industrialisés, souligne Jeff Koch, analyste au sein du cabinet SemiAnalysis. Mais le défi le plus difficile est économique”. Selon ses estimations, la machine affichera en effet des coûts de production plus élevés que les machines actuelles. Sans compter un prix d’achat deux fois plus élevé. Elle ne deviendra plus rentable que pour graver des puces en 1 nm, probablement d’ici à 2030 ou 2031. C’est d’ailleurs à cette échéance que TSMC devrait commencer à la déployer.
Pour aller plus loin:
– L’Europe va investir 43 milliards d’euros dans les puces
– Pourquoi Samsung ne parvient toujours pas à rivaliser avec TSMC
Crédit photos: Microsoft - ASML