"Une nouvelle ère" pour les smartphones
Et aussi: Dans le cloud, Google met la pression sur Amazon et Microsoft
Samsung lance la vague des smartphones dopés à l’IA générative
“Une nouvelle ère”, se félicite Roh Tae-moon, le patron de la division mobile de Samsung. Mercredi, lors d’une conférence organisée à San José, en Californie, le géant sud-coréen a officiellement présenté la gamme Galaxy S24, la dernière version de son smartphone vedette. Et la première à intégrer des fonctionnalités d’intelligence artificielle générative, dont une partie peut tourner en local sans passer par une plateforme de cloud. “L’IA va apporter de grands changements pour l’industrie mobile”, anticipe le responsable de Samsung. Après deux années difficiles, les fabricants espèrent pouvoir surfer sur l’engouement autour de cette technologie pour lancer un nouveau cycle de vente. D’ici à 2027, ces téléphones dopés à l’IA pourraient représenter 40% du marché, prédit le cabinet Counterpoint.
Partenariat avec Google – Pour ajouter ces nouveaux outils d’IA, Samsung s’est associé avec Google. Cela explique pourquoi certaines fonctionnalités, comme la retouche d’images ou la traduction en direct, sont déjà présentes sur les smartphones Pixel du moteur de recherche. D’autres s’appuient sur Gemini, le dernier grand modèle de langage lancé début décembre par Google. Elles permettront, par exemple, de retranscrire et condenser un enregistrement audio, de synthétiser des prises de notes, de résumer les informations contenues sur une page web ou encore de modifier le style d’écriture d’un message avant de l’envoyer. Tous ces outils présentent cependant une limite importante: ils ne sont pas disponibles au niveau du système d’exploitation et ne fonctionnent donc qu’au sein des applications de Samsung.
IA en local – La majeure partie de ces fonctionnalités tourneront sur la version Pro de Gemini, basée dans le cloud et qui requiert donc une connexion à Internet. Mais quelques-unes utiliseront la version Nano du grand modèle de Google, moins puissante mais conçue, elle, pour tourner directement sur le processeur d’un smartphone. C’est une étape importante pour démocratiser l’intégration de l’IA générative, en ramenant à zéro les coûts d’inférence, liés à la génération de texte ou d’image, qui représentent aujourd’hui des factures élevées. Ces dernières expliquent pourquoi ces nouvelles possibilités ne devraient être offertes, dans un premier temps, que sur les appareils haut de gamme, dont le prix élevé permet de justifier ces surcoûts. “Un point d’inflexion sera touché en 2026”, prédit Tarun Pathak, de Counterpoint.
Apple pris de vitesse – Dans un premier temps, Samsung devrait s’octroyer la moitié des ventes des smartphones “gen AI”, estime le cabinet. La société est en effet la première à véritablement se lancer sur ce segment, prenant de vitesse son grand rival Apple, qui travaille bien sur des fonctionnalités similaires mais qui ne prévoit pas de les déployer avant septembre. Elle devance aussi tous les autres fabricants Android, à l’exception de Google, qui reste un petit acteur du marché. “Samsung doit chercher une nouvelle manière de rivaliser avec Apple et de réaffirmer son leadership sur l’écosystème Android grâce à l’innovation produit”, souligne Sheng Win Chow, analyste chez Canalys. En 2023, la marque a perdu son statut de numéro un mondial du secteur, pour la première fois depuis 2010.
Pour aller plus loin:
– Apple détrône Samsung sur le marché des smartphones
– Samsung continue de parier sur les smartphones pliables
En supprimant les frais de sortie, Google Cloud met la pression sur ses rivaux
Sur le marché du cloud, les frais de sortie, ou frais de transfert de données, sont au cœur des critiques, accusés de verrouiller le secteur au profit des gros acteurs américains. La semaine dernière, Google Cloud est devenu le premier géant du cloud à les supprimer, partiellement, pour ses clients, leur permettant donc de migrer gratuitement vers des plateformes rivales. Cette annonce intervient alors que plusieurs régulateurs se penchent sur cette pratique, qui pourrait être jugée anticoncurrentielle. Elle vise surtout à mettre la pression sur la concurrence, à commencer par Microsoft, contre lequel le moteur de recherche multiplie les démarches. L’an passé, il s’est notamment plaint auprès de la Commission européenne et de la Federal Trade Commission, le gendarme antitrust américain.
“Déconnecté des coûts” – L’été dernier, l’Autorité de la concurrence française avait identifié les frais de sortie comme l’un des risques concurrentiels sur le marché, car ils se traduisent par des factures élevées qui peuvent décourager les entreprises à changer d’offre. Elle avait notamment souligné que leur montant était “déconnecté des coûts directement supportés par les fournisseurs”. Un avis partagé par l’Ofcom, le régulateur britannique des télécoms. Dans un rapport publié en 2023, celui-ci visait particulièrement Amazon Web Services et Microsoft Azure, les deux leaders du marché, les accusant de facturer des frais de sorties cinq à dix fois supérieurs aux autres. Depuis, la Competition & Markets Administration, l’autorité britannique de la concurrence, a ouvert une enquête préliminaire contre les deux géants américains.
Attirer l’attention – La décision de Google peut paraître paradoxale: en supprimant les frais de sortie, le groupe pourrait en effet favoriser le départ de clients vers ses rivaux, qui maintiennent, eux, ces frais. Elle s’inscrit en réalité dans une stratégie de communication pour attirer l’attention sur “le problème fondamental qui empêche de nombreux clients de travailler avec le fournisseur de leur choix dès le départ”, indique Amit Zavery, manager général de Google Cloud. Le responsable dénonce “les pratiques de licences restrictives et injustes” mises en place par “certains fournisseurs historiques qui exploitent le monopole de leurs logiciels sur site”. Dans son message, il ne cite aucun nom. Mais le moteur de recherche visait spécifiquement Microsoft dans un courrier adressé à la FTC.
Vente liée – Google accusait notamment son rival de se livrer à la vente liée, profitant de la position dominante de sa suite bureautique Office et de son système d’exploitation pour serveur Windows Server pour “enfermer” ses clients. Selon Amit Zavery, le géant de Redmond facture “cinq fois plus si ses clients choisissent d’utiliser certains clouds concurrents”, les poussant donc à opter pour Azure. La société dénonce aussi des restrictions techniques qui “limitent l’interopérabilité de logiciels indispensables avec l’infrastructure cloud des concurrents”. Ces deux pratiques sont également contestées par plusieurs acteurs européens, dont OVH. L’an passé, un accord à l’amiable semblait proche, mais celui-ci ne s’est jamais concrétisé. De quoi ouvrir la voie à une possible procédure antitrust de Bruxelles.
Pour aller plus loin:
– Alertée par OVH, l’Europe enquête sur Microsoft Azure
– Onze ans après, le cloud de Google est enfin rentable
Crédit photos: Samsung - Google