TikTok sauvé par un milliardaire... américain
Et aussi: Les IPO tech déçoivent - Amazon fait marche arrière
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Comment un milliardaire américain a sauvé TikTok
En début d’année, toutes les planètes semblaient alignées pour une interdiction de TikTok aux États-Unis. Ou a minima pour imposer une vente à sa maison mère chinoise ByteDance. Pourtant, l’initiative parlementaire devant donner ce pouvoir à la Maison blanche est restée lettre morte, même si elle était soutenue des deux côtés de l’échiquier politique. Six mois plus tard, le mystère est désormais résolu. Selon le Wall Street Journal, c’est l’intervention en coulisses d’un milliardaire américain qui a sauvé la très populaire application de courtes vidéos. Son nom: Jeff Yass. Sa particularité: détenir 7% du capital du groupe chinois. Une participation qui se chiffre à plus de 20 milliards de dollars. Et qui aurait perdu beaucoup de valeur en cas d’interdiction ou de vente de TikTok aux États-Unis.
Double inquiétude – La pression autour de TikTok n’est pas nouvelle. En 2020, l’administration Trump avait déjà tenté de forcer une vente. L’élection de Joe Biden avait été suivie d’une accalmie, mais seulement temporairement. La plateforme, qui compte 150 millions d’adeptes aux États-Unis, suscite deux inquiétudes. D’abord, une collecte des données des utilisateurs par le gouvernement chinois. L’an passé, une enquête de BuzzFeed News avait montré que des employés de ByteDance avaient eu accès à des données américaines. Ensuite, de potentielles campagnes d’influence menées par Pékin grâce à l’algorithme de recommandations, par exemple pour influencer le résultat d’une élection. En début d’année, TikTok avait d’ailleurs reconnu disposer d’outils permettant de doper la visibilité de certaines vidéos.
Financement électoral – En mars, un projet de loi a été présenté au Congrès. Ce texte, qui ne mentionne pas directement TikTok, donne le droit au gouvernement d’interdire ou de forcer la vente de technologies étrangères jugées dangereuses pour la sécurité nationale. Ce texte devait mettre fin à un vide juridique qui a profité à TikTok en 2020. Ces efforts parlementaires ont culminé, deux semaines plus tard, avec l’audition de Shou Zi Chew, le patron singapourien de la société. Avant d’être bloqués par la réticence de plusieurs élus républicains, qui ont tous reçu, directement ou par l’intermédiaire d’un lobby conservateur, de l’argent de Jeff Yass pour financer leur campagne électorale. “Interdire TikTok est contraire à tout ce que je défends”, justifie le milliardaire, sans mentionner ses intérêts financiers.
Relance des négociations – Face à cette impasse, l’administration américaine vient de relancer les négociations avec TikTok sur le projet Texas, rapporte le Washington Post. Cette proposition, similaire au projet Clover en Europe, prévoit que les données des utilisateurs américains soient exclusivement hébergées aux États-Unis dans le cloud d’Oracle. Et que seuls des employés américains puissent avoir accès aux données sensibles. Washington aura aussi un droit de regard et de veto sur les embauches et sur les changements apportés à l’algorithme et à la politique de modération. Un accord préliminaire avait été trouvé l’an passé avec le puissant Comité sur les investissements étrangers. Mais le dossier, très politique, a buté sur les doutes émis par le département de la Justice et par le FBI.
Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Les interdictions de TikTok se multiplient en Europe
Douche froide pour la reprise des IPO technologiques
Les plus optimistes se féliciteront du retour des introductions en Bourse (IPO) de sociétés technologiques. Les plus pessimistes retiendront, eux, l’accueil peu enthousiaste réservé par les investisseurs. Ces dix derniers jours, trois opérations majeures ont eu lieu à Wall Street, mettant fin à une période creuse de près de deux ans, précipitée par le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine. Mais ni le concepteur d’architecture pour semi-conducteurs Arm Holdings, ni la plateforme de livraison de courses Instacart, ni le spécialiste du marketing en ligne Klaviyo n’ont suscité la ferveur des marchés. Un mauvais signal, en attendant leur évolution au cours des prochaines semaines, alors que beaucoup de start-up patientent pour faire leurs débuts boursiers.
Peu d’actions en vente – Premier à se lancer, suite à l’échec de son rachat par Nvidia, Arm avait pourtant nettement revu ses ambitions à la baisse. Un choix qui a d’abord semblé gagnant: son action a bondi de 25% lors de son premier jour de cotation. Depuis, elle a cependant perdu tous ces gains initiaux, repassant même temporairement sous son cours d’introduction. Une mésaventure qui est intervenue encore plus rapidement pour Instacart: dès la deuxième séance. Les deux entreprises avaient pourtant décidé de limiter le nombre d’actions mises en vente (10% seulement du capital pour Arm et 8% pour Instacart), afin d’essayer de créer un effet de rareté, capable de soutenir leurs cours. De son côté, Klaviyo s’en sort un peu mieux, mais son action affiche des gains assez modestes pour une IPO.
Plongeon boursier – La chute des introductions remonte à l’automne 2021, quand les banques centrales ont commencé à augmenter leurs taux pour lutter contre l’inflation. Les investisseurs ont alors particulièrement sanctionné les innombrables sociétés technologiques, le plus souvent déficitaires, entrées en Bourse après la crise sanitaire à des niveaux de valorisation extrêmement élevés – notamment en raison de la mode des SPAC. Une partie de ces entreprises affichent depuis des plongeons boursiers de plus de 90%. Dans ce contexte très difficile, quasiment tous les projets d’IPO tech ont été gelés en attendant un retournement du marché, hormis en Chine. Aux États-Unis, une seule opération d’envergure, supérieure à 100 millions de dollars, a ainsi eu lieu depuis l’automne 2021, celle de Mobileye.
Décote – Ces derniers mois pourtant, les marchés boursiers sont repartis de l’avant. Et certaines valeurs technologiques ont enregistré des gains significatifs. Mais le problème ne vient plus du contexte boursier ou des inquiétudes macroéconomiques. Ce sont les valorisations que les start-up ont pu obtenir auprès de fonds de capital-risque en 2021. Des valorisations démesurées qui ne se justifient pas aux yeux des investisseurs de Wall Street, qui fuient désormais les groupes peu ou pas rentables. Pour aller en Bourse, Instacart a ainsi accepté une forte décote, ramenant sa valorisation de 39 milliards de dollars à seulement 10 milliards. Klaviyo a baissé la sienne de 13%. Si la porte n’est plus totalement fermée, la plupart des futurs candidats à Wall Street devront certainement suivre cet exemple.
Pour aller plus loin:
– Les levées de fonds des start-up continuent de chuter
– Pourquoi l’introduction en Bourse de Deezer a fait pschitt
Amazon renonce à imposer de nouvelles commissions
Amazon fait marche arrière. Jeudi, le géant américain du commerce en ligne a annoncé qu’il renonçait à imposer de nouvelles commissions à certains marchands présents sur sa marketplace. Plus précisément à ceux participant au programme SFP (“Prime expédié par le vendeur”), qui leur permet d’être éligibles à la livraison gratuite en un ou deux jours ouvrés, en gérant eux-mêmes la logistique. Cette mesure, qui devait entrer en vigueur le 1er octobre aux États-Unis, était vue comme une volonté de pousser ces vendeurs tiers à utiliser le service de logistique de la société (FBA), qui représente une importante source de profits. Elle aurait surtout pu donner des arguments supplémentaires à la Federal Trade Commission (FTC), qui pourrait lancer des poursuites judiciaires contre Amazon cette semaine. Le gendarme américain de la concurrence l’accuse d’abus de position dominante face aux marchands de sa marketplace pour capter une part plus importante de la valeur.
Pour aller plus loin:
– Une deuxième vague de licenciements chez Amazon
– Le difficile retour sur terre des agrégateurs Amazon
Crédit photos: Unsplash / Solen Feyissa - Nasdaq