WeWork se rapproche de la faillite
Et aussi: Facebook va offrir un abonnement payant et sans pub
WeWork lancé dans une course contre la montre pour éviter la faillite
L’issue semble inéluctable pour WeWork. Mois après mois, l’ancienne start-up vedette, un temps valorisée à 47 milliards de dollars, se rapproche de la faillite – première étape vers une restructuration de sa dette ou vers une fermeture définitive. Mardi, elle n’a pas honoré le paiement d’intérêts liés à des emprunts obligataires. Une somme a priori modeste: à peine 95 millions de dollars. Si ses dirigeants dédramatisent, expliquant qu’ils disposent d’une période de grâce de 30 jours qu’ils souhaitent mettre à profit pour négocier avec les créanciers, ce nouvel épisode illustre l’extrême fragilité financière du spécialiste de la location de bureaux, dont la trésorerie est tombée à un niveau alarmant. En août, il avait reconnu qu’il existait un “doute substantiel sur [sa] capacité à poursuivre ses activités”.
Ambitions démesurées – WeWork continue de payer les excès du passé, quand Adam Neumann, son fondateur déchu, dépensait sans compter grâce à la confiance aveugle que lui accordaient ses investisseurs. En particulier Masayoshi Son, le patron de Softbank, obligé depuis de jouer régulièrement les pompiers de service pour éviter un effondrement. Pendant des années, la start-up a ainsi accumulé des pertes abyssales pour mener une expansion internationale démesurée, ouvrant plus de 800 espaces de coworking dans le monde – pour lesquels elle s’est engagée sur des baux de longue durée qui se chiffrent encore à plus de 13 milliards de dollars. La société continue ainsi d’être plombée par le montant des loyers qu’elle doit payer chaque mois. À eux seuls, ils représentent près de l’intégralité du chiffre d’affaires.
Lourdement endetté – Fortement pénalisé par la crise sanitaire, WeWork espérait profiter de la montée du télétravail, attirant les employés de grandes entreprises qui s’installent dans d’autres villes. En 2021, au moment de son entrée en Bourse, ses dirigeants anticipaient même un taux d’occupation des bureaux de 90% dès l’année suivante. Mais fin juin, celui-ci ne s’élevait qu’à… 72%. Pour survivre, WeWork s’est aussi lourdement endetté. Au 30 juin, sa dette se chiffrait à encore à 2,9 milliards de dollars, malgré un accord avec Softbank pour en effacer une partie et étaler les autres remboursements. Tous les trimestres, la charge de la dette représente plus de 100 millions. Et les profits, eux aussi promis par la direction, se font toujours attendre: au premier semestre, WeWork a accusé une perte nette de 700 millions de dollars.
Plan de sauvetage – Cette situation financière se traduit par une chute inquiétante de la trésorerie. Fin juin, la société ne disposait plus que de 205 millions de dollars dans ses caisses. Et d’une ligne de crédit encore disponible de 475 millions. De quoi tenir un peu plus de six mois sans une amélioration significative des performances financières. À peine arrivé, le nouveau directeur général par intérim, David Tolley, doit donc mener une véritable course contre la montre. Son plan de sauvetage table sur un contrôle des dépenses et sur une hausse des recettes, notamment en réduisant le taux de désabonnement. Et surtout sur une renégociation des loyers et de la dette, en faisant planer la possibilité d’une faillite qui serait beaucoup plus douloureuse pour les propriétaires et les créanciers.
Pour aller plus loin:
– WeWork tourne à prix d’or une page de son histoire
– Après des pertes abyssales, Softbank veut repasser à l’offensive
Pour respecter le RGPD, Facebook veut lancer un abonnement payant en Europe
Comment respecter le Règlement général sur la protection des données (RGPD) sans provoquer une chute du chiffre d’affaires ? Meta espère bien avoir trouvé la solution à ce numéro d’équilibriste, qui l’agite depuis que ses pratiques en matière de consentement ont été retoquées, fin 2022, par les Cnil européennes. Selon le Wall Street Journal, la maison mère de Facebook et d’Instagram prévoit désormais de lancer un abonnement payant dans l’Union européenne, permettant de consulter les deux réseaux sociaux sans aucune publicité. Une véritable révolution pour la société dirigée par Mark Zuckerberg, qui a bâti son modèle économique sur le tout gratuit. Mais une révolution forcée qu’elle ne prévoit pour l’instant pas de lancer ailleurs, en particulier aux États-Unis, de très loin le marché qui lui rapporte le plus d’argent.
Tarifs élevés – Meta prévoit de facturer 10 euros par mois depuis un ordinateur. Et 13 euros depuis un smartphone, afin de tenir compte des commissions prélevées par Apple et Google. Pour bénéficier de cet abonnement à la fois sur Facebook et Instagram, les internautes devront débourser 16 ou 19 euros. Ces tarifs semblent relativement élevés, d’autant que l’offre payante ne devrait pas s’accompagner de fonctionnalités supplémentaires. Mais ils doivent permettre de compenser le manque à gagner. En Europe, le groupe génère en effet entre 5 et 6 euros de recettes publicitaires par mois et par utilisateur sur Facebook – le revenu moyen sur Instagram n’est pas publié. En outre, les personnes susceptibles de s’abonner sont probablement des utilisateurs très actifs, qui rapportent plus que la moyenne.
Publicités ciblées – Cet abonnement doit permettre à Meta de trouver une parade pour respecter le RGPD, qui impose de recueillir le consentement des internautes avant d’utiliser leurs données personnelles à des fins publicitaires. Initialement, la société avait ajouté cette disposition dans ses conditions d’utilisation, forçant ainsi ses utilisateurs à l’accepter. Après le verdict des Cnil européennes, il était impensable pour le groupe d’offrir un consentement classique, car de nombreux internautes auraient refusé l’utilisation de leurs données personnelles – comme c’est le cas pour le pistage publicitaire sur iOS. Meta aurait alors été dans l’incapacité de leur proposer des publicités ciblées, vendues plus bien plus cher que les autres. Et aurait donc accusé une chute, potentiellement importante, de son chiffre d’affaires.
La Cnil ouvre la voie – Selon le Wall Street Journal, la société de Menlo Park a déjà entamé des discussions avec les régulateurs européens et avec la Data Protection Commission irlandaise, son autorité de référence dans le cadre du guichet unique européen. La question est désormais de savoir si cette alternative sera autorisée par les autorités de protection des données. Dans un dossier similaire – les “cookies wall” mis en place par plusieurs sites –, la Cnil semble avoir ouvert la voie. Elle a en effet estimé que les “contreparties monétaires” peuvent “constituer une alternative au consentement”. Mais elle a aussi souligné qu’elles devaient être proposées à un “tarif raisonnable”, afin d’offrir un “véritable choix” aux internautes. Autrement dit: Meta va devoir convaincre que ses tarifs sont abordables.
Pour aller plus loin:
– Facebook condamné à une amende record de 1,2 milliard d’euros
– Facebook lance, à son tour, un abonnement payant
Crédit photos: Unsplash / Brett Jordan - WeWork