OpenAI triomphe face à Elon Musk... pour l'instant
Et aussi: TSMC toujours sous la menace aux États-Unis
OpenAI remporte une première victoire face à Elon Musk devant la justice américaine
La justice américaine ne s’opposera pas (pour l’instant) au changement de statut juridique d’OpenAI. Mardi, le concepteur de ChatGPT a remporté une première bataille contre Elon Musk, qui réclamait une injonction pour bloquer cette opération dans l’attente d’un procès. Sur le papier, celui-ci peut donc poursuivre ce processus particulièrement complexe. Il souhaite abandonner sa structure hybride, en particulier l’organisation à but non lucratif qui contrôle son entité commerciale. Dans les faits, il n’est cependant pas certain que les dirigeants de la start-up choisissent de franchir le pas. La juge chargée du dossier souhaite en effet accélérer la procédure judiciaire pour qu’un procès puisse se tenir à l’automne. Il serait ainsi plus prudent d’attendre cette échéance pour éviter un potentiel retour en arrière en cas de verdict défavorable.
Frein – Pour comprendre cette affaire, il faut remonter à la création d’OpenAI. En 2015, il s’agit alors d’un laboratoire ambitionnant de concevoir une IA bénéfique pour l’humanité, sans rechercher des profits. La structure est alors à but non lucratif. Elon Musk injecte 44 millions de dollars pour financer ses travaux, avant de claquer la porte. En 2019, une nouvelle entité est créée: une filiale à “but lucratif plafonné”, dans laquelle va massivement investir Microsoft. Cette structure hybride pose cependant un frein aux ambitions de San Altman, le patron d’OpenAI, qui cherche à lever des milliards de dollars supplémentaires auprès d’investisseurs. Elle prévoit en effet que Microsoft capte la plus grande partie des profits jusqu’à un certain montant. Au-delà, l’ensemble des bénéfices doit revenir à la fondation caritative.
“Dommages significatifs” – Pour surmonter ce problème, OpenAI souhaite devenir une entreprise “normale”, qui pourra redistribuer ses profits comme elle le souhaite. Elon Musk s’y oppose. Dans une plainte déposée l’été dernier, il dénonce ainsi une supercherie d’une “ampleur shakespearienne” pour obtenir des donations déductibles des impôts – dont les siennes -, tout en ayant dès le départ un objectif lucratif caché à long terme. Dans sa décision, la juge reconnaît que le changement de statut juridique de la société provoquera des “dommages significatifs et irréparables”. Mais elle n’a pas souhaité prononcer une injonction pour le bloquer temporairement car elle n’a pas pu déterminer si les arguments avancés par Elon Musk étaient juridiquement solides. “La question reste en suspens”, explique-t-elle. Elle sera tranchée au cours du prochain procès.
Offre de rachat – Malgré le feu vert de la justice, la transformation d’OpenAI reste incertaine. Elle est pourtant indispensable: la start-up s’est engagée à rembourser 6,5 milliards de dollars à ses derniers investisseurs dans le cas échéant. Et elle souhaite lever encore davantage auprès de Softbank. Deux autres obstacles doivent encore être surmontés. D’abord, s’entendre avec Microsoft sur son poids dans la nouvelle entreprise. Ensuite, déterminer les compensations que recevra la branche à but non lucratif, à qui OpenAI propose d’octroyer une part du capital. Dans ce dossier, Elon Musk vient de lui jouer un mauvais tour: le mois dernier, il a proposé 97,4 milliards de dollars pour racheter ses actifs. Les discussions portaient jusqu’alors sur un montant allant de 30 à 40 milliards de dollars. Une somme qui semble désormais difficile à justifier.
Pour aller plus loin:
– Pour contrarier Sam Altman, Elon Musk propose de racheter (en partie) OpenAI
– Elon Musk lève six milliards de dollars pour concurrencer ChatGPT
TSMC promet d'investir massivement aux États-Unis... mais reste sous la menace
TSMC espérait certainement s’attirer les bonnes grâces de Donald Trump. Mardi, le géant taïwanais a officialisé à la Maison Blanche un plan d’investissement de 100 milliards de dollars en quatre ans aux États-Unis, notamment pour construire trois méga usines de production de semi-conducteurs. Pourtant, assurent des sources citées par Wired, l’administration américaine n’écarte toujours pas d’imposer d’importants droits de douane. Non seulement sur les puces que le groupe fabrique à Taïwan, mais aussi sur tous les produits électroniques qui les utilisent – des smartphones ou GPU dédiés à l’intelligence artificielle. L’objectif est toujours le même: rapatrier une partie de la production des composants les plus avancés. Contrairement à son prédécesseur, le président américain ne mise pas sur des subventions publiques, mais sur le rapport de force.
Investissements massifs – Créé en 1987, TSMC est devenu le premier fondeur mondial, représentant plus de la moitié de la production “fabless”, c’est-à-dire sous-traitée. Sa part de marché dépasse même les 90% pour les dernières générations de puces. Apple, Nvidia, Qualcomm et même Intel font partie de ses clients. L’an passé, son chiffre d’affaires s’est rapproché des 90 milliards de dollars. Pour faire face à l’explosion de la demande, la société taïwanaise a lancé des d’investissements massifs. Objectif: augmenter ses capacités de production, mais aussi financer sa recherche et développement pour conserver son avance technologique dans les procédés de gravure les plus avancés. Elle s’était déjà engagée à investir 65 milliards dans la construction de deux usines dans l’Arizona – recevant à cette occasion d’importantes subventions.
Pas les puces les plus avancées – Cette fois-ci, TSMC ne devrait pas recevoir d’argent public. Ses dirigeants n’ont pourtant cessé de répéter que ces aides étaient indispensables pour compenser des coûts de production plus élevés que dans ses “gigafab” taïwanaises. Ils semblent désormais prêts à accepter des marges inférieures dans l’espoir d’éviter des droits de douane. Le groupe a fourni peu de détails sur ses projets aux États-Unis. Mais le gouvernement taïwanais a déjà indiqué que les usines américaines n’auront pas accès aux finesses de gravure les plus avancées – un enjeu aussi bien économique que géopolitique pour un pays qui redoute toujours une invasion par la Chine. Par ailleurs, TSMC assure que ces investissements additionnels ne changent pas ses projets d’expansion de la production dans d’autres pays, notamment au Japon et en Allemagne.
Casse-tête administratif – Derrière les menaces de Donald Trump, l’instauration de droits de douane – pouvant aller jusqu’à 100% – pourrait être particulièrement complexe. Pour être efficaces, ceux-ci ne peuvent pas s’appliquer uniquement sur les semi-conducteurs, qui ne sont pas exportés directement sur le marché américain mais qui sont expédiés vers des sites d’assemblage en Asie. Ils doivent aussi concerner les produits finis. Dans ce cas de figure, cela pourrait être un casse-tête administratif en raison du nombre élevé de composants. Par ailleurs, le président américain devra justifier auprès de l’opinion publique une hausse des prix d’ordinateurs, de smartphones ou de consoles de jeux pendant toute la durée de son mandat. Enfin, l’efficacité des droits de douane reste très incertaine, notamment à cause de la pénurie de travailleurs qualifiés.
Pour aller plus loin:
– Les États-Unis promettent d’imposer des droits de douane sur les puces
– La production pour TSMC, la conception pour Broadcom: vers un démantèlement d’Intel ?
Crédit photos: Uk Government - TSMC