Amende historique pour Facebook en Europe
Et aussi: Alibaba quitte le cloud - La Chine riposte aux sanctions américaines
Facebook condamné à une amende record de 1,2 milliard d’euros
Hasard du calendrier: quasiment cinq ans jour pour jour après l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), Meta s’est vu infliger lundi une amende record par la DPC, la Cnil irlandaise. Son montant: 1,2 milliard d’euros. La maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp est sanctionnée pour avoir continué à transférer des données personnelles aux États-Unis, malgré l’invalidation du Privacy Shield en juillet 2020. Elle dispose désormais d’un délai de cinq mois pour interrompre ces pratiques. Et d’un délai de six mois pour supprimer l’ensemble des données déjà envoyées. En pratique cependant, il est peu probable que Meta suivent ces injonctions, car un nouvel accord transatlantique doit entrer en vigueur cet été.
“Clauses contractuelles” – À l’origine de cette amende historique: la décision de la Cour de justice de l’Union européenne de retoquer le Privacy Shield, un mécanisme juridique, adopté en 2016, qui encadrait les transferts de données vers les États-Unis. Saisie par l’activiste autrichien Max Schrems, la plus haute juridiction du continent avait alors estimé que ce texte ne garantissait pas un niveau de protection suffisant dans le cadre du RGPD. Pour continuer à opérer en Europe, Meta a depuis recours à une alternative, les “clauses contractuelles types”. Si la justice européenne les avait validées, elle réclamait également un haut niveau de garanties. Ce qui n’est pas le cas sur Facebook, a estimé le Comité européen de la protection des données, qui a contraint la DPC à prononcer des sanctions.
2,5 milliards d'euros - C'est la cinquième fois que Meta est sanctionné depuis 2018, accumulant près de 2,5 milliards d'euros d'amende. La société de Menlo Park s'estime injustement ciblée, alors que d'autres grands groupes américains utilisent les mêmes "clauses contractuelles". De fait, hormis Amazon, condamné à verser 746 millions d’euros par le régulateur luxembourgeois - le précédent record –, aucune autre entreprise a dû payer plus de 50 millions d’euros d'amende dans le cadre du RGPD. Meta a déjà annoncé son intention de faire appel de cette décision "injustifiée", alors que l'Europe et les États-Unis doivent adopter un nouveau cadre juridique, dont les bases ont été posées l'an passé. Comme ces deux prédécesseurs, celui-ci sera très probablement attaqué devant la justice des Vingt-Sept.
Un silo pour les Européens – Cet accord prévoit de nouvelles garanties pour les citoyens européens face à la législation américaine… qui risquent de ne pas être suffisantes face au RGPD. Sans réforme plus poussée, Meta pourrait se retrouver dans la même situation dans quelques années. Le groupe, qui n’a pas l’intention de quitter l’Europe, ferait alors face un véritable casse-tête technique. Il sera probablement contraint de repenser son infrastructure, aujourd’hui basée sur un flux permanent des données personnelles, afin de créer un silo dans lequel seraient conservées celles de ses utilisateurs européens. Il devra aussi déterminer ce qui peut être considéré comme un “transfert nécessaire” et donc autorisé – par exemple, l’emploi d’un message à un ami basé aux Etats-Unis – de ce qui ne peut pas l’être.
Pour aller plus loin:
– L’Europe remet en cause les pratiques publicitaires de Facebook
– Meta encore sanctionné pour violation du RGPD
Pourquoi Alibaba quitte le marché du cloud
Le cloud d'infrastructures devait représenter un formidable relais de croissance pour Alibaba. Mais treize ans après le lancement de son offre, le géant chinois du commerce en ligne s'apprête à quitter ce marché. La semaine dernière, il a en effet officialisé la prochaine "scission intégrale" de sa division cloud, dont les actions seront redistribuées aux actionnaires sous la forme d'un dividende exceptionnel. Cette mesure radicale a pris de court tous les observateurs. Certes, cette activité vient d'enregistrer le repli premier historique de son chiffre d'affaires, pénalisée notamment par la concurrence grandissante de Huawei et de China Mobile. Mais ses opportunités de croissance semblent toujours importantes, en particulier avec l'émergence de l'intelligence artificielle générative.
Six sociétés - La scission d'Alibaba Cloud s’inscrit dans le cadre d’une vaste réorganisation, qui prévoit la création de six entités indépendantes, pilotées par leur propre patron. Et pouvant faire appel à des investisseurs extérieurs et même entrer en Bourse, à l’exception notable de la société regroupant les activités d’e-commerce en Chine, qui resteront contrôlées en intégralité par la maison mère. Celle-ci prévoit ainsi une introduction boursière de sa chaîne de supermarchés Freshippo, puis de sa branche logistique Cainiao. Elle conservera la majorité du capital, mais ces opérations permettront à ses filiales de lever des fonds pour investir. Alibaba cherche aussi des investisseurs pour entrer au capital de son activité d’e-commerce à l’international, qui inclut notamment la plateforme cross-border Aliexpress.
Panne de croissance - Cette réorganisation doit permettre au groupe "de gagner en agilité, d’améliorer la prise de décision et de réagir plus rapidement aux changements du marché”, expliquait fin mars Daniel Zhang, le patron d’Alibaba. Le successeur de Jack Ma espère ainsi retrouver un esprit start-up, alors que sa position de leader est attaquée par de nouveaux acteurs et de nouveaux modes de consommation. La société est aussi en panne de croissance: son chiffre d’affaires n’a progressé que de 2% au premier trimestre. Dans ce nouvel Alibaba, la division cloud, qui intègre également DingTalk, la plateforme de communication et de collaboration en entreprises, l’équivalent chinois de Slack, semblait devoir occuper une position importante. Elle devait en effet être dirigée par Daniel Zhang.
Faibles profits -Alibaba a lancé sa plateforme de cloud en 2010, suivant la voie ouverte par Amazon. La société a beaucoup investi pour développer son infrastructure et son offre. Ses efforts lui ont permis de capter une part de marché de 40% en Chine. Elle est aussi bien implantée dans les autres pays asiatiques, sauf au Japon, et demeure un acteur mineur en Europe et aux États-Unis. Mais les profits se sont longtemps fait attendre. Et ils restent encore assez faibles: seulement 1,4 milliard de yuans (187 millions d’euros) au cours des douze derniers mois. Surtout, sa division cloud a connu un très net ralentissement de la croissance de ses recettes. Une situation qui pourrait perdurer: en avril, la société a en effet dû consentir à d'importantes baisses de prix en Chine pour tenter de regagner des parts de marché.
Pour aller plus loin:
- Après deux années noires, Alibaba se scinde en six sociétés
- Onze ans après, le cloud de Google est enfin rentable
En sanctionnant Micron, la Chine riposte aux mesures américaines
L’issue ne faisait guère de doute. Dimanche, la puissante administration chinoise du cyberespace a sanctionné Micron, interdisant l’utilisation de ses puces mémoires dans les “infrastructures essentielles”. Officiellement, les composants du fabricant américain présentent “d’importants risques de sécurité”, qui avaient déclenché l’ouverture d’une enquête fin mars. Même si Pékin s’en défend, cette mesure ressemble fortement à des représailles contre les sanctions américaines sur le marché des semi-conducteurs, visant à limiter l’exportation vers la Chine de puces avancées et des équipements nécessaires à leur production. Victime collatérale de cette bataille géopolitique, Micron s’en sort pas trop mal, car il pourra toujours vendre des puces mémoires aux fabricants chinois de smartphone. Le groupe anticipe une baisse d’environ 5% de son chiffre d’affaires, alors qu’il traverse déjà une période difficile, sur un secteur touché par une crise de surproduction.
Pour aller plus loin:
– Micron, victime collatérale du conflit entre les États-Unis et la Chine
– Les Pays-Bas et le Japon s’alignent sur les sanctions américaines
Crédit photos: Unsplash / Solen Feyissa - Alibaba