Les salaires mirobolants de Meta pour débaucher chez OpenAI
Et aussi: DeepSeek bientôt interdit en Allemagne
Meta recrute chez OpenAI pour son nouveau laboratoire d'IA
Il y a deux semaines, Sam Altman se voulait rassurant. “Aucun de nos meilleurs talents n’a décidé d’accepter” les offres mirobolantes de recrutement proposées par Meta, expliquait le patron d’OpenAI. Depuis, huit chercheurs ont quitté le concepteur de ChatGPT pour rejoindre la maison mère de Facebook. En retard dans l’intelligence artificielle générative, celle-ci s’est lancée dans une grande offensive, directement supervisée par Mark Zuckerberg, pour débaucher les meilleurs spécialistes du secteur, au sein d’une nouvelle division dédiée au développement d’une “superintelligence”. OpenAI cherche désormais à stopper l’hémorragie. Dans un message interne, envoyé ce week-end et obtenu par Wired, Mark Chen, son directeur de la recherche, s’est ainsi engagé à “recalibrer les rémunérations et explorer des moyens créatifs pour récompenser les meilleurs talents”.
100 millions de dollars – Cette promesse sonne un peu comme un aveu d’échec pour OpenAI. Face aux énormes salaires offerts par le réseau social, Sam Altman mettait en avant la “mission” et la “culture” de la start-up. “Meta n’est pas une entreprise particulièrement innovante”, assurait-il mi-juin. “Nous avons de bien meilleures chances d’atteindre la superintelligence”, avait-il ajouté. Et il soulignait “que tout le monde serait récompensé en cas de succès”, par l’intermédiaire d’une introduction en Bourse probablement record aux États-Unis. Les meilleurs employés d’OpenAI perçoivent en effet des actions, qui pourront revendre au prix fort après cette opération. En face, Meta est passé à l’échelle supérieure sur le plan financier, avec des rémunérations, incluant salaires et actions, ne se chiffrant plus en millions de dollars, mais en dizaines de millions par an.
Machine publicitaire – Malgré ses énormes moyens financiers, OpenAI pourrait avoir du mal à rivaliser. Certes, l’entreprise a levé plus de 25 milliards de dollars ces derniers mois, avec la promesse de récupérer 20 milliards de plus d’ici à la fin de l’année – à condition toutefois de mener un changement de structure juridique. Mais elle accuse aussi de lourdes pertes: cinq milliards l’an passé, probablement encore plus cette année. De son côté, Meta peut compter sur sa formidable machine publicitaire, qui lui a permis de dégager des profits records de 62 milliards de dollars en 2024. Mark Zuckerberg a déjà prouvé par le passé qu’il était prêt à investir des sommes considérables pour mener à bien certains projets. Il a ainsi englouti des dizaines de milliards de dollars dans le metaverse. Il promet désormais d’investir encore davantage dans l’IA.
Échec de Llama 4 – Meta vient ainsi de dépenser plus de 14 milliards de dollars pour mettre la main sur 49% du capital de la start-up Scale AI. Une opération qui vise principalement à recruter son fondateur, Alexandr Wang, ainsi que ses meilleurs ingénieurs. La société vient aussi de débaucher Daniel Gross, le patron de Safe Superintelligence, lancé par Ilya Sutskever, l’ancien directeur scientifique d’OpenAI. Selon la presse américaine, elle a aussi tenté de racheter Thinking Machines de Mira Murati, ex-directrice de la technologie d’OpenAI. Cette grande offensive intervient deux mois après l’accueil peu enthousiasmant réservé aux premières versions de Llama 4, le grand modèle de langage maison. La version la plus puissante a, elle, été reportée en raison de performances jugées décevantes. Selon le New York Times, Meta aurait alors pensé à abandonner.
Nouvelle architecture – Après cet échec, Mark Zuckerberg a décidé de reprendre les choses en main, s’impliquant personnellement avec l’objectif de recruter des dizaines d’ingénieurs et chercheurs d’OpenAI ou de Google. Ces recrues feront partie d’un nouveau laboratoire dédié à la recherche sur “les prochaines générations de modèles”, explique le patron de Meta. Les équipes déjà existantes, dont le laboratoire historique FAIR, poursuivront leurs travaux, notamment sur l’intégration de l’IA au sein des services maison. Cette répartition concrétiserait la vision de Yann LeCun, chercheur vedette de Meta, qui estime qu’une nouvelle architecture est nécessaire pour atteindre une IA générale, c’est-à-dire capable d’apprendre seule. Le concept de “superintelligence” va encore au-delà: il vise à concevoir un système surpassant l’intelligence humaine.
Pour aller plus loin:
– Dans l’IA, Meta réalise à son tour une acquisition déguisée
– L’intelligence artificielle, le nouveau pari de Mark Zuckerberg
DeepSeek bientôt interdit en Allemagne
Déjà partiellement bannie en Italie, DeepSeek le sera bientôt en Allemagne. La semaine dernière, les autorités de protection des données ont demandé à Apple et à Google de retirer l’application d’IA chinoise de leur boutique. En cause: le transfert de données vers la Chine sans aucun garde-fou. Cela constitue une violation du Règlement général sur la protection des données (RGPD) – qui interdit d’envoyer des informations dans un pays qui ne présente pas le même degré de protection. La demande des régulateurs allemands a été rendue possible par le Digital Services Act européen. Elle n’est cependant que partielle: elle ne concerne pas la version Web du chatbot, en l’absence de législation permettant à une Cnil du continent, de bloquer un site Internet. Il est désormais possible, voire probable, que d’autres pays des Vingt-Sept suivent la même voie.
Modèle repoussé – Fin janvier, DeepSeek a provoqué une véritable onde de choc dans le secteur de l’intelligence artificielle générative. La société, jusqu’alors peu connue, a lancé un modèle de raisonnement rivalisant avec les meilleurs du marché, mais n’ayant coûté que quelques millions de dollars à concevoir, selon ses propres affirmations, impossibles à vérifier. Elle avait aussi réussi à entraîner ce modèle malgré les sanctions américaines, la privant, au moins officiellement, d’un accès aux cartes graphiques les plus avancées. Très vite, son application avait caracolé tout en haut des boutiques. Et ses API ont été intégrées sur les plateformes de cloud d’Amazon, Microsoft et Google. Depuis, sa popularité semble toutefois avoir chuté. Selon The Information, DeepSeek vient par ailleurs de repousser le lancement de la deuxième version de son modèle.
Aussi interdite aux États-Unis – La société chinoise n’est pas seulement sous la menace en Europe. Selon l’agence Reuters, l’administration Trump étudie aussi son interdiction au nom de la sécurité nationale. Un premier scénario consisterait à bannir le chatbot des terminaux utilisés par le gouvernement américain. Un second, plus large, concernerait l’ensemble des citoyens. L’application ne pourrait alors plus être téléchargée depuis les magasins d’Apple et Google. Et l’utilisation de ses modèles sur les grandes plateformes de cloud serait restreinte. Depuis janvier, de nombreuses agences gouvernementales américaines, comme la NASA et l’US Navy, ont déjà interdit l’utilisation de DeepSeek, mettant en avant les risques liés au transfert de données en Chine. Au Congrès, un projet de loi souhaite aller encore plus loin: bannir toutes les IA chinoises.
Pour aller plus loin:
– DeepSeek, symbole d’un échec du modèle américain dans l’IA
– Comment OpenAI s’adapte aux avancées de DeepSeek
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