Les pertes abyssales d'OpenAI
Plus de 12,5 milliards de dollars en seulement trois mois
OpenAI affiche des pertes record de 12 milliards de dollars en trois mois
Plus de douze milliards de dollars envolés en seulement trois mois. Les pertes abyssales accusées par OpenAI au troisième trimestre ne sont pas seulement inédites pour une start-up, symbole des ambitions vertigineuses de son patron Sam Altman, lancé dans une course effrénée vers une super-intelligence. C’est aussi le plus lourd déficit jamais enregistré par une entreprise américaine – hors pertes “comptables” liées à des dépréciations d’actifs ou à des charges fiscales exceptionnelles.
Le creusement des pertes est spectaculaire: sur l’ensemble de l’année dernière, elles s’étaient élevées à cinq milliards de dollars. Cela correspond à une nouvelle phase de développement du créateur de ChatGPT, qui multiplie les contrats colossaux afin d’acquérir la puissance de calcul nécessaire pour entraîner et faire tourner ses modèles d’intelligence artificielle générative. “C’est un pari qui comporte une part de risques”, reconnaît Sam Altman, interrogé ce week-end dans un podcast.
Chiffre camouflé jusqu’à présent
N’étant pas cotée en Bourse, OpenAI ne publie pas ses résultats financiers. Mais ses pertes peuvent être évaluées à partir des comptes de Microsoft, son principal actionnaire. Le groupe est en effet tenu d’inscrire le déficit de la start-up dans son bilan, au prorata de sa participation. Jusqu’à présent, il avait camouflé ce chiffre dans une catégorie “autres”, sans en mentionner l’origine, ni attirer l’attention en raison d’un montant relativement marginal face au reste de ses activités.
Dans ses comptes du troisième trimestre (qui correspond au premier trimestre de son exercice 2026), Microsoft a détaillé pour la première fois l’impact de sa participation dans OpenAI: une perte de 4,1 milliards de dollars avant impôts. Interrogée sur le sujet, sa directrice financière Amy Hood a confirmé que ce chiffre reflète exclusivement le déficit de la start-up, sans inclure d’éventuelles charges exceptionnelles inscrites par Microsoft, par exemple liées à la restructuration d’OpenAI.
Près de 20 milliards de pertes en 2025
La semaine dernière, le groupe de Redmond a aussi précisé la part exacte qu’il détient dans le capital de son partenaire: 32,5% avant la restructuration – et désormais 27% après un nouvel investissement du conglomérat japonais SoftBank. En se basant sur ces données, les pertes totales d’OpenAI ressortent entre 12,5 et 12,8 milliards de dollars au troisième trimestre. Elles peuvent être estimées à environ cinq milliards entre avril et juin et à deux milliards entre janvier et mars.
À la différence du troisième trimestre, ces deux chiffres restent des estimations, car la part exacte du capital détenue par Microsoft à ces dates, tout comme la contribution d’OpenAI aux pertes regroupées dans la catégorie “autres”, ne peuvent être établies qu’approximativement. Néanmoins, en appliquant les mêmes hypothèses, nous retombons bien sur une perte de cinq milliards de dollars pour l’année 2024, conforme aux chiffres obtenus par plusieurs médias américains.
Encore plus de pertes avec Sora ?
La perte issue des comptes de Microsoft comporte toutefois une inconnue. On ignore si elle inclut des charges comptables exceptionnelles du côté d’OpenAI, ce qui pourrait expliquer sa forte hausse entre le deuxième et le troisième trimestre. Celles-ci pourraient être liées à la signature d’un contrat à 300 milliards de dollars avec Oracle, ou encore au changement de statut juridique. Le déficit accumulé au quatrième trimestre devrait permettre d’y voir plus clair sur la situation financière d’OpenAI.
Quoi qu’il en soit, la tendance est nette: ses pertes ne cessent de s’alourdir. Une conséquence directe de son succès. Plus ChatGPT gagne en popularité – le chatbot compte plus de 800 millions d’utilisateurs par semaine –, plus les coûts d’inférence augmentent, bien au-delà des recettes tirées des abonnements payants. Et le lancement de Sora, une plateforme inspirée de TikTok qui permet de créer et partager des vidéos générées par l’IA, risque de creuser encore davantage le déficit.
Virage publicitaire
Ces pertes colossales expliquent probablement l’empressement d’OpenAI à trouver de nouveaux relais de croissance. Début octobre, la start-up a ajouté la possibilité de réaliser des achats sans jamais quitter ChatGPT, sur lesquels elle prélève des commissions. Un partenariat a déjà été signé avec Walmart, le premier distributeur mondial. La fonctionnalité devrait aussi prochainement être étendue au million de commerçants utilisant les solutions e-commerce de Shopify.
Parallèlement, Sam Altman a ouvert la porte à la monétisation de Sora, une semaine seulement après son lancement, d’abord avec une option payante pour créer davantage de clips, puis, probablement, avec des vidéos sponsorisées. Plus largement, le virage publicitaire d’OpenAI apparaît inéluctable. En juin, son patron a reconnu qu’il n’y était plus “totalement opposé”. Si les formats restent à définir, il assure toutefois que les réponses de ChatGPT ne seront jamais modifiées au profit d’un annonceur.
1.400 milliards de dollars d’investissements
Selon Sam Altman, le chiffre d’affaires d’OpenAI est “nettement” supérieur aux 13 milliards de dollars récemment évoqués dans la presse. “Nous prévoyons une forte accélération”, ajoute-t-il. Il évoque de nouvelles activités, comme une plateforme de cloud dédiée à l’IA et un nouvel appareil censé remplacer les smartphones. En mai, la société a racheté la start-up fondée par Jony Ive, l’ex-designer vedette d’Apple. D’ici à 2027, le dirigeant vise un chiffre d’affaires de 100 milliards.
Convaincu du potentiel colossal de l’IA, le patron d’OpenAI voit très grand. Ces derniers mois, son entreprise s’est engagée à investir 1.400 milliards de dollars sur huit ans pour construire des centres de données totalisant une puissance de 30 gigawatts – l’équivalent de la consommation d’une ville d’environ 30 millions d’habitants. Selon un document interne obtenu par The Information, OpenAI prévoit ainsi de brûler 115 milliards de dollars de trésorerie d’ici à 2029.
Pour aller plus loin:
– OpenAI et Microsoft enterrent la hache de guerre
– Sam Altman évoque le risque d’une bulle de l’intelligence artificielle
Les géants de la tech augmentent encore leurs investissements dans l’IA
Dans le jargon financier, on parle de capex pour désigner les dépenses d’investissement d’une entreprise. Souvent passées sous silence, elles ont pourtant été scrutées avec attention la semaine dernière, à l’occasion de la publication des résultats trimestriels des géants américains de la tech. Et pour cause: leur envol, notamment pour renforcer la puissance de calcul dédiée à l’intelligence artificielle générative, commence à inquiéter les investisseurs quant à leur rentabilité future.
380 milliards de dollars
Cette année, Google, Microsoft, Amazon et Meta devraient consacrer 380 milliards de dollars à leurs dépenses en capital, contre moins de 150 milliards en 2023, juste après le lancement de ChatGPT. Une part importante de ces investissements est fléchée vers les infrastructures et les puces d’IA. Et ces quatre mastodontes ne comptent pas ralentir: leurs dirigeants ont annoncé que leurs capex continueraient d’augmenter l’an prochain.
Jusqu’ici, la montée en puissance des dépenses d’investissement était perçue plutôt positivement par les marchés financiers, qui y voyaient le signe du potentiel commercial colossal de l’IA. Mais leur impact sur le chiffre d’affaires se fait encore attendre. La semaine dernière, Meta et Microsoft ont ainsi été sanctionnés en Bourse, alors que la révision à la hausse de leurs prévisions de capex a semé le doute parmi les investisseurs.
Crédit photos: OpenAI – Google


