Les néo-clouds, château de cartes de l'IA
Et aussi: La levée de fonds atypique de xAI
L’essor fragile des néo-clouds, entre croissance rapide et endettement massif
Ils s’appellent CoreWeave, Nscale, Lamba Labs, Nebius ou Crusoe. Encore peu présents il y a dix-huit mois à peine, les néo-clouds sont devenus d’indispensables acteurs de l’ombre de l’intelligence artificielle générative. Ils enchaînent les levées de fonds et signent désormais des contrats à onze chiffres. Mais leur ascension fulgurante cache une réalité plus fragile: leur modèle économique repose sur des investissements colossaux, financés par un endettement vertigineux.
Plusieurs dizaines d’entreprises se sont engouffrées dans ce nouveau marché. Beaucoup d’entre elles ont vu le jour avant même le lancement de ChatGPT: d’abord spécialisées dans le minage de cryptomonnaies, elles ont depuis “pivoté”. À la différence des plateformes traditionnelles, elles se concentrent exclusivement sur la puissance de calcul nécessaire à l’entraînement et à l’inférence des modèles d’IA – une spécialisation censée leur garantir des performances supérieures.
45 milliards de dollars
Les néo-clouds affichent une croissance vertigineuse, comme en témoignent les résultats de CoreWeave et Nebius, tous deux cotés en Bourse. Le premier a généré 2,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires au premier semestre, dépassant déjà le total enregistré sur l’ensemble de l’année dernière. Le second, né des activités européennes du géant Internet russe Yandex, a vu ses revenus être multipliés par plus de six sur la même période, atteignant 156 millions de dollars.
Surtout, les contrats s’accumulent, alors que les géants du cloud ne construisent pas assez rapidement de nouveaux data centers pour répondre à une demande grandissante. CoreWeave revendique ainsi pour 45 milliards de dollars d’obligations d’achat, dont 14 milliards proviennent de Meta et 11 milliards d’OpenAI. De son côté, Microsoft a signé deux contrats en septembre pour désengorger son cloud Azure: 19 milliards de dollars avec Nebius et 6 milliards avec Nscale.
Nvidia dans le capital
Ces commandes se traduisent inévitablement par une explosion des investissements. Au premier semestre, les dépenses en capital de CoreWeave ont frôlé les cinq milliards de dollars, plus du double de son chiffre d’affaires. La société compte désormais 33 data centers, dont 5 en Europe, contre seulement trois il y a deux ans. Sur la même période, Nebius a dépensé plus d’un milliard. Le britannique Nscale prévoit, lui, d’investir trois milliards rien qu’au Royaume-Uni
L’essentiel de ces sommes est consacré à l’achat massif de cartes graphiques – plus de 250.000 chez CoreWeave –, principalement auprès de Nvidia. Les plus grands néo-clouds profitent de leurs relations privilégiées avec le géant de Santa Clara, qui est entré dans leur capital afin de favoriser l’émergence de nouveaux clients pouvant dépenser des fortunes pour ses GPU. Nvidia leur fournit ainsi ses dernières puces en même temps que Microsoft ou Google, voire avant eux.
Montagnes de dettes
Pour financer leurs investissements, ces entreprises se sont fortement endettées. Fin juin, la dette de CoreWeave se chiffrait à 11 milliards de dollars, celle de Nebius dépassait la barre du milliard. Lamba Labs a emprunté plus de 700 millions de dollars. Et Crusoe a récemment obtenu près d’un milliard de facilités de crédit. Pour rassurer leurs prêteurs, les néo-clouds ont apporté en garantie leurs GPU, qui pourront être revendus en cas de difficultés financières.
Cette stratégie est risquée: elle se traduit par des intérêts et des remboursements très lourds, qui ne pourront être assumés que si l’activité continue de croître très rapidement. Or, le prix de la capacité de calcul ne cesse de baisser, mettant en péril l’équilibre économique des néo-clouds. “Bon nombre de ces entreprises profitent d’une pénurie à court terme, mais cette fenêtre va se refermer”, avertissent par ailleurs les analystes de Seaport Capital.
Pour aller plus loin:
– Sam Altman évoque le risque d’une bulle de l’intelligence artificielle
– Comment l’IA est devenue un gigantesque meccano capitalistique
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La levée de fonds atypique de xAI, la start-up d’Elon Musk
Trois ans après le lancement de ChatGPT, l’intelligence artificielle générative n’est plus seulement une course à l’innovation technologique. C’est désormais aussi une course à l’innovation financière. Nouvelle illustration avec xAI, la start-up fondée par Elon Musk. Selon Bloomberg, sa prochaine levée de fonds, d’un montant minimum de 20 milliards de dollars, adoptera une structure inédite, articulée autour d’un SPV (special purpose vehicle), un véhicule d’investissement dédié.
Concrètement, la somme ne sera pas directement collectée par xAI, comme c’est habituellement le cas dans ce type d’opération. Mais par cette structure ad hoc, qui achètera des cartes graphiques auprès de Nvidia avant de les louer à la start-up pendant cinq ans, afin qu’elle puisse équiper son supercalculateur Colossus 2, actuellement en construction à Memphis. D’après le Wall Street Journal, celui-ci comptera quelque 300.000 GPU, pour une facture estimée à 18 milliards de dollars.
Limiter la dilution
La majeure partie de l’opération se fera par endettement: seuls 7,5 milliards seront apportés en fonds propres, dont deux milliards par Nvidia. Le géant des cartes graphiques poursuit ainsi sa politique d’investissement tous azimuts dans ses clients. Fin septembre, il s’est déjà engagé à injecter jusqu’à 100 milliards dans OpenAI. Sa stratégie vise à stimuler encore davantage la demande pour ses GPU, alors même que grandissent les craintes d’une bulle autour de l’IA générative.
L’architecture financière atypique choisie par xAI présente plusieurs avantages. Elle permet d’abord à la start-up de ne pas diluer encore davantage son capital, tout en n’augmentant pas son endettement. Elle permet ensuite aux investisseurs, aussi bien en dettes qu’en fonds propres, de limiter les risques, grâce à des revenus théoriquement garantis sur les cinq prochaines années. Dans le cas contraire, ils pourront aussi récupérer les GPU achetés par le SVP, et les revendre.
Lourdes pertes
Cette opération pourrait également refléter les difficultés de xAI à séduire de nouveaux investisseurs, alors même que ses besoins en capitaux restent colossaux. Elon Musk s’est notamment fixé pour objectif, avec Colossus 2, de bâtir le supercalculateur le plus puissant du monde. Les dépenses en capital de la start-up devraient ainsi se chiffrer à dix milliards de dollars en 2025, selon Bloomberg. Les flux de trésoreries devraient, eux, afficher un déficit supérieur à 13 milliards.
Ces lourdes pertes, couplées à des recettes encore faibles, peuvent expliquer la méfiance des fonds. Cet été, xAI a bien récolté dix milliards de dollars, dont la moitié en dettes. Mais deux des cinq milliards récoltés en fonds propre provenaient de SpaceX, la société spatiale d’Elon Musk. Ces prochaines semaines, les actionnaires de Tesla, autre entreprise dirigée par le milliardaire, vont se prononcer sur un éventuel investissement dans xAI.
Monétisation encore limitée
La situation financière de xAI n’est pas un cas isolé. OpenaAI prévoit, par exemple, de consommer 8,5 milliards de dollars de trésorerie cette année. Mais la start-up d’Elon Musk se distingue sur deux points. D’une part, elle a choisi dès le départ de bâtir sa propre infrastructure informatique, plutôt que de s’appuyer sur des plateformes cloud. Sur le long terme, cette stratégie pourrait s’avérer payante, mais elle implique pour l’instant des investissements considérables.
D’autre part, xAI peine encore à monétiser ses modèles d’IA, contrairement à OpenAI et Anthropic, qui enregistrent une rapide accélération de leur chiffre d’affaires. Fin 2024, la société revendiquait des revenus annuels récurrents de 100 millions de dollars, correspondant probablement à une part des abonnements payants de X (l’ex-Twitter). Selon Bloomberg, la start-up table sur des recettes de 500 millions de dollars en 2025, avant d’atteindre deux milliards en 2026.
Pour aller plus loin:
– Nvidia va investir jusqu’à 100 milliards de dollars dans OpenAI
– Elon Musk revend X à… Elon Musk
Crédit photos: CoreWeave – UK Government





Excellent analysis of the neo-cloud financial fragility! Your breakdown of CoreWeave's $11B debt versus Nebius's $1B+ debt is particularly illuminating - shows how different growth strategies create different risk profiles. The point about GPU collateral being the backstop for lenders is crucial but often overlooked by equity investors. The comparison to a 'château de cartes' (house of cards) is apt given the declining compute pricing and the dependency on sustained hypergrowth to service debt. Nebius's Microsoft anchor tenant structure seems more sustainble than CoreWeave's multi-client model, but both face unit economics pressure. Merci for this clear-eyed assessment!