Les drones d'Amazon décollent
Et aussi: Amazon riposte à Temu – Lourde amende contre Facebook
Les drones de livraison d'Amazon décollent aux États-Unis
Sa présentation par Jeff Bezos dans l’émission 60 minutes avait fait sensation. Mais onze ans après les grandes promesses de son fondateur et ancien patron, le projet de livraison par drone d’Amazon tarde toujours à décoller. Le géant du commerce en ligne espère bien avoir franchi une étape majeure: début novembre, les autorités américaines l’ont autorisé à faire voler son dernier modèle en dehors du champ de vision d’un opérateur. Un feu vert “historique et sans précédent” qui lui permet d’ores et déjà de proposer un service de livraison le jour même dans une petite partie de la banlieue de Phoenix. La société espère ainsi prouver la sécurité de son système, tout en démontrant sa capacité à réduire les nuisances sonores. Deux conditions indispensables avant de pouvoir déployer ses drones à grande échelle aux États-Unis et ailleurs.
Vol autonome – Dévoilée il y a deux ans, la dernière génération du drone d’Amazon, baptisée MK30, est un appareil hybride capable de décoller à la verticale comme un hélicoptère, puis de voler comme un avion. Celui-ci est équipé de plusieurs caméras et radars, combinés à des algorithmes de machine learning, lui permettant de se déplacer de manière autonome en évitant les arbres, les câbles électriques et les oiseaux. Il peut voler jusqu’à 120 mètres d’altitude, même sous la pluie, à une vitesse pouvant atteindre 80 kilomètres-heure. L’appareil peut transporter des objets pesant jusqu’à 2,25 kilos – qui représentent plus des trois quarts des achats réalisés sur Amazon. Une fois arrivé à destination, il lâche le paquet à environ 3,5 mètres du sol. La société assure qu’il est deux fois moins bruyant que ses prédécesseurs.
Crashs – Depuis la présentation du projet, Amazon s’est heurté à de nombreux obstacles. Ses dirigeants ont longtemps regretté un cadre réglementaire jugé trop rigide, qui obligeait que les drones restent en permanence dans le champ de vision de leur pilote. Et qui leur interdisait de voler au-dessus de civils. À force de négociations, l’entreprise a fini par obtenir un feu vert de la Federal Aviation Authority. Depuis 2022, elle a livré des “milliers” de colis dans le cadre de plusieurs programmes pilotes. Le projet a aussi été ralenti par des nombreux soucis techniques, comme des crashs et des incendies. Selon des témoignages recueillis par Bloomberg, il aurait régulièrement échoué à atteindre ses objectifs. Amazon n’a pourtant pas lésiné sur les moyens, dépensant plus de deux milliards de dollars en dix ans.
90 milliards de dollars – Le service lancé dans la banlieue de Phoenix représente une avancée importante pour Amazon: pour la première fois, les drones seront intégrés à un centre de distribution existant. Cet entrepôt hybride, pouvant gérer des livraisons par la route et par les airs, doit servir de modèle pour le déploiement de cette technologie. D’ici à 2030, le géant du commerce en ligne espère livrer 500 millions de paquets par an avec ses drones. L’enjeu est double. D’abord, réduire les délais de livraison pour anéantir l’un des derniers avantages du commerce physique: l’immédiateté de l’achat. Ensuite, faire chuter la facture. Ses coûts de livraison ne cessent de progresser, en particulier avec l’essor du programme Amazon Prime. L’an passé, ils se sont chiffrés à 89,5 milliards de dollars, contre 38 milliards en 2019.
Pour aller plus loin:
– Amazon abandonne son projet de robots livreurs
– Pourquoi Amazon investit dans sa flotte d’avions-cargos
Bousculé sur les prix, Amazon reprend les recettes de Shein et Temu
Dans les bureaux d’Amazon, ce n’est plus la concurrence avec Walmart, le leader américain de la distribution, qui occupe les esprits. C’est désormais le succès grandissant de Shein et de Temu sur les marchés occidentaux, à coups de promotions agressives et d’importantes dépenses marketing. De plus en plus menacé par les deux plateformes chinoises, le groupe de Seattle riposte. La semaine dernière, il a officiellement lancé une nouvelle section proposant une multitude d’articles, vendus par des marchands tiers à des prix “incroyablement bas” – majoritairement sous la barre des dix dollars. Baptisée Haul, celle-ci n’est disponible qu’aux États-Unis. Et seulement depuis un smartphone ou une tablette. Elle s’appuie sur le modèle transfrontalier, dit cross border: les achats seront expédiés directement depuis des entrepôts en Chine.
Coûts logistiques – S’il reste, de très loin, le leader du commerce en ligne dans de nombreux pays, Amazon s’est laissé déborder sur le bas de l’échelle des prix. D’abord par Shein, spécialiste de l’ultra fast fashion. Puis par Temu, filiale de Pinduoduo. Au lieu d’entrer en concurrence frontale, les deux groupes ont opté pour une approche différente: des tarifs cassés en échange de délais de livraison rallongés. Cela leur permet de limiter les coûts logistiques. D’autant qu’ils profitent de tarifs postaux avantageux et qu’ils s’engouffrent dans une faille pour ne pas payer de droit de douane. Shein et Temu ne rivalisent que sur une petite partie du marché: l’habillement, les bijoux, les ustensiles de cuisine, les accessoires électroniques… Mais leur popularité est suffisamment importante pour grappiller des parts de marché à Amazon.
Entrepôt en Chine – Face à ces nouveaux rivaux, le géant américain a décidé de recopier leurs recettes gagnantes. Selon un document interne consulté par The Information, il a ainsi ouvert un centre de distribution dans la province du Guangdong, qui abrite de nombreuses usines de production. Il y réceptionne les achats avant de les envoyer directement à ses clients, sans jamais passer par sa chaîne logistique américaine. Et sans verser de droits de douane. La livraison prendra entre une et deux semaines. Amazon prélève toujours des frais logistiques aux marchands tiers, mais ils sont moins élevés que pour les produits expédiés depuis les États-Unis. De quoi leur permettre de baisser leurs tarifs. Pour se démarquer de Temu et Shein, la société met en avant ses garanties de protection, reconnues par les consommateurs américains.
Dépenses publicitaires – Au printemps, Amazon avait déjà riposté aux plateformes chinoises en abaissant ses commissions sur les vêtements vendus à moins de 20 dollars par les marchands tiers. “Une demi-solution”, estimait alors Juozas Kaziukenas, directeur du cabinet Marketplace Pulse. Avec Haul, le groupe pourrait être un peu mieux armé. Cette initiative semble cependant trop limitée pour remettre en cause l’important succès de Shein et de Temu. D’abord, parce qu’il ne s’agit que d’une section parmi d’autres sur le site d’Amazon, ce qui pourrait se traduire par une faible visibilité (pour y accéder, les acheteurs doivent aujourd’hui passer par la barre de recherche). Ensuite, parce que Temu multiplie les campagnes marketing. “Amazon ne va pas faire de publicités pendant le Super Bowl pour Haul”, résume Juozas Kaziukenas.
Pour aller plus loin
– Pourquoi Temu se retrouve dans le collimateur de Bruxelles
– Comment un algorithme secret a rapporté un milliard de dollars à Amazon
Bruxelles inflige une lourde amende à Meta dans le domaine des petites annonces
Plusieurs fois sanctionné dans le cadre du Règlement général sur la protection des données, Meta vient aussi d’être rattrapé par les services antitrust européens. Jeudi, Bruxelles a infligé une amende 798 millions d’euros à la maison mère de Facebook et d’Instagram, reconnue coupable d’avoir abusé de sa position dominante dans le domaine des petites annonces. Depuis 2016, Facebook offre en effet une alternative au Bon Coin ou à l’américain Craigslist, baptisée Marketplace, qui permet d’acheter ou de vendre des objets en quelques clics. Gratuit, le service attire un milliard d’utilisateurs par mois. Il est financé par des annonces sponsorisées. Bruxelles estime que la société a accordé un “avantage de distribution substantiel que les concurrents ne peuvent égaler” à Marketplace, en l’intégrant directement à Facebook. Et en “exposant régulièrement” les utilisateurs aux petites annonces “qu’ils le veuillent ou non”. Meta est aussi accusé d’avoir utilisé des données sur les campagnes publicitaires de ses rivaux pour avantager son service. Le groupe a déjà annoncé qu’il allait faire appel de cette condamnation.
Pour aller plus loin:
– Face au RGPD, Meta va proposer des publicités “moins personnalisées”
– L’abonnement payant de Meta dans le collimateur de Bruxelles
Crédit photos: Amazon