Entre potentiel de l'IA et endettement massif, le pari très risqué de CoreWeave
C’est un contrat qui ne pouvait pas mieux tomber pour CoreWeave. Mi-mars, juste après avoir officiellement déclenché son processus d’introduction en Bourse, la plateforme de cloud spécialisée dans l’intelligence artificielle générative a officialisé un partenariat avec OpenAI. Son montant: 11,9 milliards de dollars sur cinq ans. Au-delà du prestige, cet accord avec le créateur de ChatGPT doit aussi rassurer les investisseurs de Wall Street. Certes, l’entreprise affiche une spectaculaire progression de son chiffre d’affaires, portée par l’insatiable demande de capacités de calcul pour entraîner et faire tourner des modèles d’IA. Mais son activité affichait aussi une inquiétante dépendance à Microsoft, son principal client. Et sa situation financière reste fragile, en raison d’un niveau d’endettement particulièrement élevé.
Des cryptos vers l’IA – L’histoire de CoreWeave est atypique. La société n’est pas née dans la Silicon Valley, mais dans une banlieue cossue du New Jersey. Lancée en 2017 par trois traders en matières premières, elle se spécialise d’abord dans le minage de cryptomonnaie. Elle pivote ensuite vers l’IA. Le lancement de ChatGPT la fait entrer dans une nouvelle dimension. En 2022, ses recettes ne s’élèvent qu’à 16 millions de dollars. L’an passé, elles se sont chiffrées à 1,9 milliard. La plateforme revendique aussi 15 milliards d’obligations d’achat, sans compter le contrat signé avec OpenAI. Elle attire d’autres grands noms du secteur, comme Meta, IBM et Mistral AI. Mais près de deux tiers de son chiffre d’affaires provient, pour le moment, de Microsoft, à la recherche de capacités de calcul supplémentaires pour satisfaire les immenses besoins d’OpenAI.
250.000 GPU – Les dirigeants de CoreWeave n’ont pas hésité pas à investir massivement – près de neuf milliards de dollars en 2024 – pour construire de nouveaux data centers. La société en compte désormais 32, contre seulement trois il y a un an et demi. Elle cumule désormais plus de 250.000 cartes graphiques. Face aux géants du cloud, elle met en avant sa spécialisation dans l’IA générative. “Nous avons conçu une solution hautement performante qui n’a pas à faire de compromis pour réaliser d’autres tâches”, explique son patron Michael Intrator, interrogé par Fortune. CoreWeave profite aussi de ses relations privilégiées avec Nvidia, qui possède 6% de son capital. Elle a ainsi accès aux dernières puces en même temps que Microsoft ou Google, voire avant eux. En février, elle a ainsi été la première à déployer à grande échelle les GPU Blackwell.
Lourdes dettes – Pour financer son développement, l’entreprise s’est lancée dans une “stratégie de financement sophistiquée”, explique-t-elle. Elle ne s’est pas contentée de mener des levées de fonds, dont la dernière de 1,1 milliard de dollars l’an passé. Elle s’est aussi massivement endettée, en utilisant ses GPU comme collatéral. Au 31 décembre 2024, sa dette se chiffrait ainsi à 8 milliards. S’y ajoute une ligne de crédit supplémentaire de 4,4 milliards. Si ce choix a permis à CoreWeave d’aller beaucoup plus vite, il se traduit par des remboursements élevés: 941 millions en 2024, près de la moitié du chiffre d’affaires. Puis 2,5 milliards en 2025 et 3,1 milliards en 2026. S’y ajoutent environ deux milliards de dollars d’intérêts. Un véritable pari, qui ne tient que sur une croissance toujours soutenue des besoins de calcul pour l’IA générative.
Pour aller plus loin:
– OpenAI sort le chéquier pour s’émanciper un peu plus de Microsoft
– Pourquoi l’IA pousse les géants du cloud à s’intéresser au nucléaire
23andMe fait faillite, 15 millions de profils génétiques en vente
C’est une gigantesque base de données de plus de quinze millions de profils génétiques qui sera bientôt vendue au plus offrant. Englué dans une grave crise financière, 23andMe s’est en effet placé dimanche sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Objectif affiché: trouver un repreneur, pour tout ou partie de ses actifs, au cours des 45 prochains jours. “L’acheteur devra se conformer à la législation applicable en matière de traitement des données des clients”, promet le spécialiste des tests ADN à usage récréatif. Mais celui-ci n’est soumis à aucune réglementation sur l’utilisation des profils génétiques. Son éventuel repreneur sera donc libre de monétiser comme il le souhaite cette base. En Californie, les autorités recommandent d’ailleurs aux clients de la société de demander la suppression de leurs données.
Lourdes pertes – 23andMe offre des analyses génétiques à réaliser à domicile avec un kit de prélèvement salivaire. Celles-ci permettent d’identifier les origines ethniques et les prédispositions pour développer certaines maladies. La véracité de ces tests, interdits en France, est remise en cause. Mais ils ont quand même séduit plus de 15 millions de curieux. À l’été 2021, l’entreprise s’introduit en Bourse. Elle vaut alors six milliards de dollars. Lundi, sa capitalisation est tombée à 20 millions. Non seulement, 23andMe accuse un essoufflement de son potentiel commercial, notamment parce que ses clients ne réalisent les tests qu’une seule fois. Mais elle affiche aussi de très lourdes pertes: 681 millions de dollars en 2023/24. Conséquence, sa trésorerie a fondu à 126 millions – un niveau qui aurait pu être insuffisant pour terminer l’année.
Perte de poids – 23andMe a bien tenté de diversifier ses activités. La société a lancé des abonnements, proposant des conseils de santé et davantage de données sur les ancêtres. Mais les résultats n’ont pas été à la hauteur. Elle commercialise une offre mensuelle de téléconsultation et des prescriptions médicales, en particulier l’Ozempic, un médicament dont l’usage a été détourné pour faire perdre du poids. 23andMe cherche aussi à monétiser sa base de profils génétiques. En 2018, elle a conclu un partenariat avec le laboratoire Glaxosmithkline pour mener des recherches médicales. Celui-ci lui a rapporté près de 400 millions de dollars, mais son montant annuel a été revu à la baisse. Surtout, ses potentiels résultats positifs (23andMe et GSK doivent partager les profits) sont trop lointains face à l’urgence de la situation.
Données en vente – Les difficultés de 23andMe ont été accentuées par une faille de sécurité massive en 2023, qui a permis à des pirates informatiques de mettre la main sur les données personnelles et les résultats sur les origines de sept millions de clients. Les informations d’un million de personnes, dont Elon Musk et Mark Zuckerberg, s’étaient ainsi retrouvées en vente sur un forum spécialisé. Cet incident a accéléré la baisse de son chiffre d’affaires. Il est également au cœur de plus de 50 plaintes déposées devant la justice américaine. Ces derniers mois, sa fondatrice Anne Wojcicki a essayé de racheter la société. Mais ses différentes offres ont été rejetées par le conseil d’administration. Elle vient de quitter son poste de directrice générale, afin de formuler une nouvelle proposition dans le cadre du processus de faillite.
Pour aller plus loin:
– Theranos, le procès des excès de la Silicon Valley
– Neuralink pose un premier implant cérébral sur un humain
Crédit photos: CoreWeave - 23andMe