La start-up suédoise qui se rêve en géant du cloud
Et aussi: Instagram part à l'assaut de Twitter - L'Allemagne ne cède pas devant Intel
La start-up suédoise Evroc se rêve en géant européen du cloud
“Extrêmement ambitieux” voire un “peu fou”, Mattias Astrom, respectivement interrogé par Reuters et Sifted, reste lucide devant le colossal projet dans lequel il vient de se lancer. Et pour cause, l’entrepreneur suédois se rêve en véritable rival des géants américains sur le marché du cloud d’infrastructures en Europe. La semaine dernière, sa nouvelle start-up, baptisée Evroc, a officialisé une levée de fonds en amorçage de 13 millions d’euros. Une simple première étape, avant de viser beaucoup plus haut. Au cours des deux prochaines années, Mattias Astrom ambitionne en effet de récolter pas moins de trois milliards d’euros. Cette somme doit lui permettre de construire ses deux premiers data centers “hyperscale” sur le continent, comprenant chacun plus de 100.000 serveurs.
Domination américaine – Le défi semble immense, tant Amazon Web Services, Microsoft et Google dominent le secteur en Europe. Selon les estimations du cabinet Synergy, ils cumulent une part de marché proche des 75%. Celle des acteurs européens, comme le français OVHcloud ou l’allemand T Systems, filiale de l’opérateur Deutsche Telekom, a été divisée par deux en cinq ans, tombant à seulement 13%. Ces groupes ont été pénalisés par une force de frappe financière insuffisante pour suivre le rythme des géants américains, qui ont investi des dizaines de milliards de dollars pour accroître leur implantation géographique. Mais aussi, selon Mattias Astrom, par un manque d’ambition, hérité d’une culture plus traditionnelle qui ne repose pas sur le capital-risque.
Échelle – Pour réussir là où les autres ont échoué, l’entrepreneur voit grand d’entrée de jeu. Il veut bâtir “le premier cloud véritablement hyperscale en Europe”, pensé dès le départ pour atteindre une échelle lui permettant de rivaliser avec les leaders américains en Europe. Evroc prévoit de lancer un premier programme pilote l’an prochain dans la région de Stockholm. Puis, de construire ses deux premiers data centers en 2025, l’un au nord du continent, l’autre au sud. D’ici à 2028, la start-up espère ouvrir huit centres de données et trois centres de recherche et de développement dans l’Union européenne. Mattias Astrom souhaite aussi recruter 3.000 personnes. “Nous allons avoir besoin de lever continuellement des fonds au cours des cinq prochaines années”, explique-t-il.
Subventions – Si le marché est déjà mature, un segment reste encore peu exploité en Europe: celui du cloud souverain, permettant notamment de rester à l’abri du Cloud Act américain, une législation qui autorise Washington à réclamer des données hébergées chez les groupes américains. Evroc vise ainsi toutes les administrations et les entreprises, en particulier dans la finance, la santé ou la défense, qui n’ont pas encore migré vers le cloud, faute d’offre souveraine répondant véritablement à leurs besoins. La start-up compte également sur ce positionnement pour récupérer des subventions publiques, qui doivent compléter ses futures levées de fonds. Une fois lancée, son offre devrait se retrouver en concurrence avec les plateformes dites de “cloud de confiance”, bâties autour des géants américains.
Pour aller plus loin:
– Accusé de position dominante dans le cloud, Microsoft promet des concessions
– Onze ans après, le cloud de Google est enfin rentable
Instagram s'apprête à lancer un rival de Twitter
“Notre réponse à Twitter”. Chris Cox, le directeur des produits de Meta, ne cache pas la cible du nouveau “réseau social décentralisé pour partager des mises à jour textuelles” que s’apprête à lancer la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. Baptisée Project 92 en interne, l’application a été présentée jeudi au cours d’une réunion avec les employés, rapporte le site spécialisé The Verge. Son lancement pourrait intervenir au cours des prochaines semaines, probablement sous le nom de Threads — comme le nom donné à une série de tweets d’un utilisateur sur le même sujet. Meta aurait déjà convaincu plusieurs célébrités d’utiliser le service. Selon Chris Cox, des négociations se poursuivent avec d’autres personnalités, comme Oprah Winfrey, la star de la télévision américaine, et le dalaï-lama.
Lié à Instagram – Visuellement très proche de Twitter, Threads sera lancé comme une application indépendante des autres plateformes de Meta. Mais le réseau sera étroitement lié au système de comptes d’Instagram. Ainsi, les utilisateurs de la plateforme de photos n’auront pas à recréer un profil, ni à rebâtir leurs listes d’abonnés et de personnes suivies. Avec plus de deux milliards d’adeptes, Instagram doit aussi représenter un formidable vecteur d’audience, en invitant ses utilisateurs à télécharger la nouvelle application. Cela n’est cependant pas un gage de réussite: plusieurs projets annexes lancés par Meta ont échoué par le passé. Symbole de son importance stratégique, Threads aurait été supervisé par Adam Mosseri, l’un des fidèles lieutenants de Mark Zuckerberg, aujourd’hui à la tête d’Instagram.
Réseau décentralisé ? – Un réseau décentralisé n’est pas hébergé par une seule entité mais sur une multitude de serveurs indépendants. Il n’est donc pas contrôlé par une unique entreprise, qui peut décider seule des règles, comme la politique de modération ou l’algorithme qui sélectionne les messages à afficher. Et qui capte l’intégralité des profits. Cette approche, notamment défendue par Jack Dorsey, l’un des fondateurs et ancien patron de Twitter, qui a lancé en février sa plateforme BlueSky, est très différente de celle de Facebook et d’Instagram. Il n’est d’ailleurs pas encore certain que Meta l’adopte dans son intégralité. The Verge évoque simplement une intégration avec le protocole ActivityPub, qui permettrait aux utilisateurs de Threads d’exporter leur compte vers d’autres services.
Alternative crédible – Ces derniers mois, plusieurs plateformes ont tenté d’attirer les utilisateurs qui ont fui Twitter, notamment en raison de l’allègement de la politique de modération depuis son rachat en octobre 2022 par Elon Musk pour 44 milliards de dollars. Mais personne n’a pas encore réussi à s’imposer. Après avoir enregistré un pic d’inscriptions, Mastodon a connu une forte chute de son activité. Les réseaux plus récents, comme Post et Cohort, restent encore extrêmement confidentiels. Et BlueSky demeure en phase de bêta fermée. Threads disposera cependant d’atouts bien plus importants pour offrir une alternative enfin crédible aux adeptes ou anciens adeptes de Twitter qui “souhaitent disposer d’une plateforme gérée de manière sensée, à laquelle ils peuvent faire confiance”, prédit Chris Cox.
Pour aller plus loin:
– La politique de modération de Twitter suscite de nouveaux départs
– En perte de vitesse, Facebook lance un important plan social
L’Allemagne refuse d’accorder des aides supplémentaires à Intel
Berlin ne veut pas céder à la surenchère devant Intel. Dans un entretien accordé au Financial Times, le ministre allemand des finances assure que le géant américain des semi-conducteurs ne bénéficiera pas d’aides publiques supplémentaires pour financer son projet de méga-usine à Magdebourg, dans l’est du pays. Intel réclamait entre 4 et 5 milliards d’euros de plus, mettant en avant la hausse attendue de l’investissement nécessaire, en raison de l’inflation. Initialement, le groupe l’avait chiffré à 17 milliards d’euros. Il l’estime désormais à 30 milliards. Le gouvernement allemand prévoit de lui verser 6,8 milliards, dans le cadre du Chips Act européen, dont l’objectif est de quadrupler la production continentale de semi-conducteurs d’ici à 2030. Ce projet s’inscrit aussi dans un vaste plan d’investissements annoncé en 2021 par Intel. Mais désormais plus incertain alors que le groupe a enregistré au premier trimestre la plus forte perte de son histoire.
Pour aller plus loin:
– Intel réclame des milliards supplémentaires pour ses usines européennes
– L’Europe va investir 43 milliards d’euros dans les puces
Crédit photos: Evroc - The Verge