Dans l’IA, Meta navigue toujours à vue
Et aussi: Black Forest Labs, nouvelle attraction européenne de l'IA
Malgré des milliards investis dans l’IA, Meta navigue toujours à vue
Mark Zuckerberg l’assume: pas question de ralentir le rythme des investissements de Meta dans l’intelligence artificielle générative, quitte à dépenser beaucoup plus que nécessaire. “Si nous dépensons mal quelques centaines de milliards de dollars, ce sera évidemment très regrettable, explique-t-il dans un podcast. Mais le risque est plus grand d’avancer trop lentement dans ce qui va constituer la technologie la plus importante de l’histoire”. Derrière les grands discours, rappelant ceux qu’il a longtemps répétés sur le métaverse, se cache une réalité bien moins reluisante. Malgré des dizaines de milliards investis et une vague spectaculaire de recrutements, la maison mère de Facebook et Instagram navigue toujours à vue. Au point d’envisager un changement radical de stratégie: utiliser les modèles d’OpenAI ou de Google plutôt que de développer les siens.
70 milliards de dollars – Meta a toujours investi dans l’IA, notamment avec son laboratoire de recherche FAIR, considéré comme l’un des meilleurs au monde. Mais comme Google, ses efforts se sont concentrés sur le machine learning, des algorithmes capables d’apprendre seuls, qui ont transformé ses réseaux sociaux dans la seconde moitié des années 2010. L’émergence de l’IA générative, dans le sillage du lancement spectaculaire de ChatGPT, a tout bouleversé. En retard, la société de Menlo Park a mis les bouchées doubles pour concevoir les grands modèles de langage Llama, mais surtout pour mettre à niveau son infrastructure informatique. Elle a investi sans compter pour acheter les indispensables cartes graphiques de Nvidia. Ses dépenses en capital vont ainsi atteindre environ 70 milliards de dollars cette année, contre seulement 28 milliards en 2023.
Llama 4 déçoit – À contre-courant d’OpenAI et Google, Meta a aussi fait un pari audacieux: opter pour l’open source. Le meilleur moyen, assurait à l’époque Mark Zuckerberg, de bâtir un écosystème devant mener vers la “superintelligence”, une IA qui surpasserait les capacités humaines. Le milliardaire se montrait alors très optimiste: il assurait que l’open source rattraperait rapidement le retard sur les systèmes propriétaires. L’an passé, il a ainsi promis que la quatrième version de Llama serait le modèle “le plus avancé du marché”. Mais son lancement, en avril dernier, a été un échec cuisant. Les premières déclinaisons de Llama 4 ont reçu un accueil peu enthousiaste, en raison de leurs limitations techniques. Et la version la plus puissante a été reportée en raison de performances jugées décevantes. Son développement aurait depuis été abandonné.
Rémunérations à neuf chiffres – Après cet échec, Mark Zuckerberg a décidé de reprendre les choses en main. Le patron de Meta s’est personnellement impliqué dans la création d’une nouvelle structure de recherche, le Meta Superintelligence Labs, dirigée par Alexandr Wang. Fondateur de Scale AI, une start-up américaine spécialisée dans l’annotation des données, le responsable a été débauché à grands frais: 14,3 milliards de dollars, via une prise de participation qui s’apparente à une acquisition déguisée. Mark Zuckerberg a également recruté des dizaines d’ingénieurs et chercheurs chez OpenAI, Google ou encore Apple, offrant à certains des rémunérations, en salaires et actions, à neuf chiffres – jusqu’à 250 millions de dollars sur quatre ans selon le New York Times. “Il faut une petite équipe, donc chaque poste est extrêmement précieux”, justifie-t-il.
Modèles externes – Les débuts ont été chaotiques. En seulement quatre mois, Meta a procédé à plusieurs réorganisations, sur fond de tensions avec les équipes déjà en place. Surtout, la feuille de route ne semble pas clairement établie. L’abandon de l’open source fait partie des possibilités, tout comme le recours à des modèles externes. L’entreprise a déjà annoncé des partenariats avec Midjourney et la start-up allemande Black Forest, pour utiliser leurs outils de création d’images, un domaine sur lequel elle accuse du retard. Selon The Information, Meta réfléchit également à la possibilité de recourir à Gemini de Google pour alimenter son chatbot MetaAI. L’utilisation de modèles d’OpenAI est aussi à l’étude. En interne, ces alternatives sont considérées comme des solutions temporaires, en attendant la prochaine version de Llama. Du moins pour l’instant…
Pour aller plus loin:
– Meta recrute chez OpenAI pour son nouveau laboratoire d’IA
– Meta dévoile ses premières “lunettes d’IA”
Black Forest Labs, nouvelle attraction européenne de l’IA
C’est la nouvelle attraction européenne de l’intelligence artificielle générative. À peine un an après sa création, la start-up allemande Black Forest Labs finalise une levée de fonds majeure, d’un montant compris entre 200 et 300 millions de dollars, selon des informations du Financial Times et de Bloomberg. Sa valorisation pourrait être portée à quatre milliards, quatre fois plus que le montant évoqué précédemment. Encore méconnue du grand public, la start-up figure parmi les acteurs les plus avancés dans la génération d’images, aux côtés de Midjourney, Google ou OpenAI. Sa technologie est notamment utilisée par Grok, le chatbot de xAI, la start-up d’IA d’Elon Musk. Elle alimente aussi Vibes, la toute dernière fonctionnalité de Meta, qui permet de créer de courtes vidéos. Snapchat, Adobe et Canva font également partie de ses clients
300 millions de dollars – Black Forest a été fondée par l’équipe qui a développé la technologie derrière Stability AI, l’un des pionniers du secteur, aujourd’hui en grande difficulté financière. La start-up excelle dans les images photoréalistes, notamment de personnalités. Elle se distingue de la majorité de ses rivales par l’absence de garde-fous pour éviter les utilisations abusives (nudité, désinformation, violation de la propriété intellectuelle…). Son carnet de commandes est déjà bien rempli, avec environ 300 millions de dollars de contrats. Près de la moitié proviendra de Meta, qui lui versera 140 millions sur deux ans. Black Forest propose aussi une API, une interface de programmation permettant aux développeurs d’utiliser ses modèles. En août, son chiffre d’affaires en rythme annualisé s’élevait à 96 millions de dollars. Il devrait tripler d’ici à 2026.
Pour aller plus loin:
– Fortement déficitaire, la start-up d’IA d’Elon Musk lève dix milliards de dollars
– Menacée de faillite, la start-up Stability AI trouve enfin des investisseurs
Crédit photos: Meta – Black Forest Labs



