Clap de fin pour le quick commerce en France
Et aussi: TikTok perd sa directrice opérationnelle
Avec le retrait de Getir, clap de fin pour la livraison ultrarapide en France
Il y a deux ans, une dizaine de start-up de livraison ultrarapide de courses s’affrontaient dans les rues parisiennes. Dans quelques semaines, il n’en restera très probablement plus aucune. Mercredi, la start-up turque Getir, également propriétaire des marques Gorillas et Frichti, a officialisé son départ du marché français le 31 juillet. Si elle assure chercher un repreneur de “tout ou partie du groupe en France”, il semble cependant peu probable qu’elle y parvienne. Début juin, sa rivale allemande Flink, l’autre rescapée du secteur, avait aussi annoncé la fermeture de ses activités dans le pays. Les deux sociétés, dont les filiales françaises ont été placées en redressement judiciaire, justifient leur décision par l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur l’implantation de leurs entrepôts.
Consolidation – Fondée en 2015, Getir (apporter en turc) a profité de la crise sanitaire pour partir à la conquête de l’Europe. Dans son sillage, de nombreuses start-up se lancent alors sur ce marché. Toutes espèrent surfer sur de nouvelles habitudes de consommation pour bousculer l’immense marché des courses alimentaires, sur lequel la part des ventes en ligne reste très faible. Le potentiel attire les investisseurs: en deux ans, Getir lève 1,8 milliard de dollars auprès de fonds de capital-risque. Et Flink 1,2 milliard. Mais le resserrement des politiques monétaires, qui sonne la fin de l’argent facile, précipite le secteur dans une zone de turbulences. Les plans sociaux s’enchaînent et la consolidation s’accélère sur le continent autour de Getir et Flink, qui avait notamment mis la main sur l’acteur français Cajoo.
Dark stores – En France, les deux plateformes restaient les derniers acteurs spécialisés encore présents – à côté d’Uber et de Deliveroo, qui utilisent un modèle différent. Elles n’ont cependant pas pu trouver le bon équilibre économique, accumulant de lourdes pertes. Et la réglementation sur les dark stores menaçait de renforcer leurs difficultés. Le texte permet en effet aux municipalités d’encadrer la localisation de ces entrepôts urbains qui ressemblent à de petits supermarchés mais qui n’accueillent aucun client. Jusqu’à présent situés au cœur des villes, au plus près des clients, pour pouvoir livrer en 10 ou 20 minutes, ils auraient pu être déplacés en périphérie. Une situation qui se serait traduite par une hausse des coûts car les livreurs auraient mis plus de temps à arriver à destination.
Modèle économique – “Les réglementations imposées par les administrations locales ont rendu la réussite de l’entreprise très difficile”, assure ainsi un responsable de Getir, interrogé par l’AFP. Mais la législation française n’est en réalité qu’un élément. Les problèmes du secteur sont plus profonds. C’est la pertinence même du modèle économique qui est en cause. La distribution alimentaire génère en effet des marges très faibles. Et si ces plateformes ne possèdent pas de magasins, elles doivent rémunérer des livreurs, qu’elles ont choisi de salarier, pour des raisons d’image. Le coût de la livraison pèse d’autant plus sur les marges que le panier moyen n’est pas très élevé, car ces services remplacent davantage les épiceries de quartier en raison d’un inventaire peu fourni.
Pour aller plus loin:
– Face à la réglementation sur les dark stores, le Flink délaisse le marché français
– En quête de rentabilité, Deliveroo coupe dans ses effectifs
Menacé d’interdiction, TikTok perd sa directrice opérationnelle
Elle était l’un des symboles de la stratégie d’américanisation de TikTok. Jeudi, Vanessa Pappas a annoncé qu’elle quittait son poste de directrice opérationnelle de la très populaire application de courtes vidéos. Après cinq ans passés au sein de la société, l’ancienne responsable de l’audience de YouTube indique, dans un message envoyé aux salariés, vouloir “se reconcentrer sur ses passions entrepreneuriales”. Son départ, qui ne semble pas être forcé, s’ajoute à la récente démission du responsable américain de la sécurité. Il intervient à un moment charnière pour la filiale du groupe chinois ByteDance, toujours menacée d’interdiction aux États-Unis. Et qui cherche aussi à accélérer sa monétisation alors qu’elle ambitionne de s’introduire en Bourse.
Auditions au Congrès – Vanessa Pappas a rejoint TikTok fin 2018 pour diriger les activités américaines. Avant de devenir directrice générale par intérim suite à la démission de Kevin Mayer, recruté quelques mois plus tôt pour tenter de rassurer Washington. À l’époque, la plateforme est en effet dans le viseur de l’administration Trump, qui souhaite forcer une vente au groupe américain Oracle en invoquant des enjeux de sécurité nationale. La dirigeante se retrouve alors propulsée en première ligne, devenant la caution américaine face aux inquiétudes d’espionnage par Pékin. Elle témoigne à plusieurs reprises devant le Congrès. En 2021, alors que la menace d’une interdiction s’éloigne, ByteDance change de stratégie, en nommant Shou Zi Chew, son directeur financier, à la tête de sa filiale.
Monétisation – Sous la houlette de Vanessa Pappas, TikTok a connu une croissance spectaculaire, élargissant son audience bien au-delà des adolescents, sa cible initiale. L’application compte désormais plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde. Et elle est devenue la plateforme privilégiée de nombreux créateurs de contenus. La dirigeante a aussi lancé le processus de rémunération des utilisateurs, qui reste cependant imparfait. Depuis 2021, en tant que directrice opérationnelle, elle a déclenché la monétisation de TikTok. L’an passé, le chiffre d’affaires a plus que doublé pour atteindre 10 milliards de dollars. Ces derniers mois, la société a également cherché à imposer le commerce en direct, un modèle qui rencontre un immense succès sur Douyin, la version chinoise de TikTok.
Nouvelle menace – Depuis quelque temps, Vanessa Pappas avait laissé son rôle, repris en main par Shou Zi Chew, de principale interlocutrice des responsables politiques américains ou européens. Elle restait toutefois une figure rassurante, notamment par l’intermédiaire de certaines prises de position défavorables à la Chine. Sauvé en 2020, TikTok se retrouve de nouveau sous la menace aux États-Unis. En avril, le Montana est devenu le premier Etat américain à complètement interdire l’application sur son territoire. À Washington, les négociations sont au point mort sur le projet Texas, visant à assurer la sécurité des données des utilisateurs américains. Pour mener cette bataille, TikTok vient d’embaucher Zenia Mucha, une ancienne de Disney et experte reconnue de la communication de crise.
Pour aller plus loin:
– Nouvelle offensive pour interdire TikTok aux États-Unis
– Comment TikTok espère rassurer Bruxelles
Crédit photos: Getir - Unsplash /Solen Feyissa