Les frais de sortie prennent la porte
Et aussi: Telegram bientôt en Bourse ? - Lourde amende pour Google en France
Dans le cloud, les frais de sortie prennent la porte
Il n’aura fallu que deux mois pour voir disparaître, au moins partiellement, la pratique la plus contestée sur le marché du cloud d’infrastructure. La semaine dernière, Microsoft Azure a supprimé, sous certaines conditions, les frais de sortie, ou frais de transfert, facturés lorsqu’un client souhaite migrer ses données vers une autre plateforme ou vers ses propres serveurs. Début mars, Amazon Web Services, le leader du secteur, avait fait de même. Et Google Cloud avait ouvert la voie en janvier, souhaitant mettre la pression sur ses deux principaux rivaux. Dénoncée depuis des années, cette pratique se retrouve depuis quelques mois dans le viseur des autorités de la concurrence. Elle pourrait en effet constituer un abus de position dominante. En Europe, une nouvelle réglementation va drastiquement l’encadrer.
“Déconnecté des coûts” – L’été dernier, l’Autorité de la concurrence française avait identifié les frais de sortie comme l’un des risques concurrentiels sur le marché du cloud, car ils se traduisent par des factures élevées qui peuvent décourager les entreprises à changer d’offre. Elle avait notamment souligné que leur montant était “déconnecté des coûts directement supportés par les fournisseurs”. Un avis également partagé par l’Ofcom, le régulateur britannique des télécoms. Dans un rapport publié l’an passé, celui-ci visait particulièrement AWS et Azure, les accusant de facturer des frais de sorties cinq à dix fois supérieurs à leurs compétiteurs. Depuis, la Competition & Markets Administration, le gendarme britannique de la concurrence, a ouvert une enquête préliminaire contre les deux géants américains.
Résiliation du contrat – Les changements annoncés par les trois sociétés ne sont que partiels. Pour ne pas payer de frais de sortie, leurs clients doivent en effet transférer l’intégralité de leurs données. Microsoft et Google leur imposent même de résilier leur contrat. Les transferts de données dans le cadre d’une stratégie de cloud multiple ou hybride ne sont pas concernés. Ces dispositions suivent les règles imposées par le Data Act européen, entré en vigueur en janvier. D’ici à 2027, les plateformes de cloud ne pourront plus facturer des frais si un client souhaite changer de fournisseur. Mais elles pourront toujours faire payer les transferts réguliers, à condition toutefois que leurs tarifs servent uniquement à répercuter leurs coûts. Le texte va aussi leur imposer de supprimer tous les “obstacles techniques” au transfert de données.
Vente liée – Les frais de sortie ne sont qu’un des éléments qui limitent la compétition. L’an passé, l’Autorité de la concurrence mettait en avant les crédits cloud, notamment accordés aux start-up, qui avantagent les plus gros acteurs. Sans le nommer directement, le gendarme antitrust alertait aussi sur la double casquette de Microsoft, également “fournisseur historique de services informatiques”. Google est plus direct. Il accuse son rival de se livrer à la vente liée, profitant de la position dominante de sa suite bureautique Office et de son système d’exploitation pour serveur Windows Server afin d’“enfermer” ses clients sur Azure. La société dénonce également des restrictions techniques qui “limitent l’interopérabilité de logiciels indispensables avec les cloud concurrents”. Deux pratiques examinées par Bruxelles.
Pour aller plus loin:
– Porté par l’euphorie autour de l’IA, Nvidia vise le marché du cloud
– La start-up suédoise Evroc se rêve en géant européen du cloud
Telegram continue de s'endetter avant une potentielle introduction en Bourse
Pavel Durov a longtemps repoussé l’idée d’une introduction en Bourse. Mais le fondateur et patron de Telegram n’écarte plus une telle opération, qui permettrait, selon lui, de “démocratiser l’accès à la valeur” de l’application de messagerie sécurisée, explique-t-il dans un rare entretien accordé au Financial Times. En réalité, l’entrepreneur russe, désormais installé à Dubaï, n’a pas vraiment le choix. Depuis trois ans, sa société s’est en effet lourdement endettée, par le biais d’obligations convertibles, pour un total de 2,3 milliards de dollars – dont une dernière tranche de 330 millions, officialisée lundi. Un montant colossal alors qu’elle n’est toujours pas rentable. Mais qu’elle n’aura pas à rembourser si elle entre en Bourse avant mars 2026 – ces obligations seront alors automatiquement converties en actions.
Cryptomonnaie abandonnée – Telegram a longtemps été financé par la fortune personnelle de Pavel Durov, tirée de la vente du réseau social russe VKontakte. Contrairement aux autres, la start-up n’a jamais souhaité mener de levée de fonds auprès d’investisseurs. En 2018, cinq ans après son lancement, elle pensait avoir trouvé une solution pour obtenir les liquidités nécessaires à son expansion, sans céder une partie de son capital, toujours entièrement détenue par son fondateur: lancer sa propre cryptomonnaie. Elle avait vendu en avance pour 1,7 milliard de dollars. Mais le projet n’avait jamais vu le jour, bloqué par la Securities & Exchange Commission, le gendarme boursier américain. C’est à ce moment-là que Telegram, contraint de rembourser cette somme en partie dépensée, a commencé à s’endetter.
Bientôt rentable – Depuis, la messagerie a accéléré son développement. Elle compte désormais 900 millions d’utilisateurs actifs mensuels, contre 500 millions il y a trois ans. Sa popularité grandissante s’explique en partie par le rejet de WhatsApp, le leader du marché avec plus de 2 milliards d’adeptes, régulièrement rattrapé par des polémiques sur l’utilisation des données personnelles. Du pain bénit pour Telegram. La société a aussi lancé son processus de monétisation, d’abord avec des publicités, non ciblées, affichées sur les chaînes publiques, puis avec le lancement d’un abonnement payant (5,50 euros par mois en France). Selon son patron, elle génère déjà des “centaines de millions de dollars” de chiffre d’affaires. Et elle devrait atteindre la rentabilité “l’an prochain, peut-être même dès cette année”
Pour aller plus loin:
– L’Allemagne menace d’interdire Telegram
– Face aux inquiétudes sur la vie privée, WhatsApp peine à rassurer
Google condamné à une amende de 250 millions d'euros en France
L’Autorité française de la concurrence ne lâche pas Google. Mercredi, elle a infligé une amende de 250 millions d’euros au géant américain, l’accusant de ne pas avoir respecté des engagements pris en 2022 sur les droits voisins. Instaurés en 2019 dans le cadre d’une directive européenne, ceux-ci prévoient que le moteur de recherche rémunère les médias pour reprendre des extraits d’article dans Google News. Longtemps, la société a tenté de se soustraire à cette obligation, avant de finalement l’accepter. En 2021, elle avait déjà été sanctionnée d’une amende de 500 millions d’euros pour ne pas avoir négocié de “bonne foi” avec les groupes de presse français. La nouvelle amende ajoute un autre élément: le gendarme français reproche à Google d’avoir utilisé des articles de presse pour entraîner le grand modèle de langage alimentant son chatbot Bard (depuis renommé Gemini), sans avertir les médias concernés. Et sans leur offrir la possibilité de s’y opposer.
Pour aller plus loin:
– Comment OpenAI tente d’éviter de nouvelles poursuites judiciaires
– Pourquoi Facebook prend ses distances avec l’information
Crédit photos: Google Cloud - Unsplash / Christian Wiediger
250 millions pour Google, c'est une tape sur la main 😮💨, sérieux mettre une amende de 30% de leur ca et ils filerais droit.