Netflix veut en finir avec les navets
Et aussi: X rattrapé par le DSA - Abode renonce à racheter Figma
Pourquoi Netflix a changé de stratégie dans le cinéma
Avec un budget de 166 millions de dollars, Rebel Moon est l’un des projets les plus ambitieux jamais mené par Netflix. Sorti dans seulement quatre salles vendredi avant un lancement mondial sur Internet en fin de semaine, ce long métrage en deux parties, souvent comparé à Star Wars, illustre parfaitement un revirement stratégique majeur. La plateforme américaine de streaming vidéo ne privilégie en effet plus la quantité, comme elle l’a fait ces dernières années, allant jusqu’à promettre un film par semaine. Elle souhaite désormais se focaliser sur des sorties moins nombreuses – entre 25 et 30 par an – mais plus marquantes. “Nous ne visons plus un nombre fixe de sorties, explique Scott Stuber, responsable des films originaux, interrogé par Variety. Nous voulons proposer les meilleures comédies, thrillers et drames.”
Fortes audiences, mais… – Netflix a financé son premier film en 2015, avant de rapidement accélérer. La société suit alors une stratégie de volume pour alimenter son catalogue et proposer une offre variée capable de plaire à tous les publics dans plus de 200 pays. Profitant d’une immense base de plus de 200 millions d’abonnés, certains films ont cumulé de fortes audiences. D’autres ont même gagné des Oscars. Mais beaucoup ont été mauvais. Et très peu ont marqué durablement les esprits. Netflix n’a ainsi jamais réussi à répliquer l’impact culturel de ses séries vedettes, comme House of Cards, Stranger Things ou Squid Game. Ce n’est pas faute d’avoir mis les moyens… mais surtout pour signer de gros chèques à des stars du cinéma, capables d’attirer de nouveaux abonnés rien que sur leur seul nom.
Films sous licence – La stratégie de Netflix a aussi été subie. “Nous avons adopté ce rythme agressif parce que nous n’avions pas accès à des films sous licence”, soulignait récemment Ted Sarandos, son codirecteur général. Après avoir d’abord vendu leurs contenus à la plateforme, les grands groupes de médias américains, qui détiennent les principaux studios d’Hollywood, ont ensuite décidé de les réserver à leur propre offre de streaming. Netflix s’est ainsi retrouvé en concurrence avec de nouveaux acteurs disposant d’un vaste catalogue. Mais cette situation est en train de changer. Ses rivaux cherchent maintenant à limiter leurs pertes et se remettent à lui vendre certains films, même les plus récents comme Dune et Super Mario, lui permettant ainsi de remplir son catalogue sans devoir produire autant de longs métrages.
Pas de sortie en salles – Si la société a ralenti son rythme de production, elle n’a pas encore remis en cause l’autre pilier de sa stratégie dans le cinéma: l’absence de sorties en salles à grande échelle. Cette voie est pourtant suivie par plusieurs de ses rivaux, comme Apple et Amazon, afin de dégager des recettes additionnelles en touchant un public plus large. De son côté, Netflix continue de lancer quelques uns de ses films dans un nombre très limité de salles, et généralement pour une semaine seulement. Sa seule motivation: les rendre éligibles aux Oscars. Souvent interrogés sur le sujet, les dirigeants de Netflix reconnaissent que leur choix se traduit par un manque à gagner. Mais ils restent fidèles à leur stratégie direct-to-consumer. Et estiment être gagnants sur le long terme, en augmentant le nombre d’abonnés.
Pour aller plus loin:
– Netflix, grand vainqueur de la “guerre du streaming”
– Netflix met fin à sa première (et seule) offre gratuite
L'Europe ouvre une enquête formelle contre X dans le cadre du DSA
Ce n’était qu’une question de temps. Lundi, la Commission européenne a officiellement lancé une enquête formelle contre X dans le cadre du Digital Services Act (DSA), qui impose depuis fin août de nouvelles obligations en matière de modération aux grandes plateformes Internet. Si cette décision semblait inéluctable, après des mois de tensions entre les responsables du continent et Elon Musk, propriétaire de l’ancien Twitter, elle a été précipitée par la guerre provoquée par l’attaque du Hamas en Israël. Le conflit a en effet entraîné un bond de la désinformation et des contenus antisémites ou islamophobes. En octobre, Bruxelles avait déjà demandé des comptes à X, mais aussi à Meta, la maison mère de Facebook et d’Instagram, TikTok et YouTube. Les réponses fournies par le réseau social n’ont visiblement pas convaincu.
Quatre axes – L’enquête européenne porte sur quatre points précis. La Commission va étudier les outils mis en place par X pour supprimer les messages illégaux, une obligation désormais dans le cadre du DSA. Elle va aussi se pencher sur le système de “notes de la communauté”, mis en place pour lutter contre la désinformation. Les deux autres axes d’investigation ne sont pas liés aux événements récents. Le premier concerne les obligations de transparence instaurées par la nouvelle législation, à savoir l’ouverture de la plateforme aux chercheurs et une bibliothèque regroupant l’ensemble des publicités diffusées en Europe. Le second porte sur la mise en place de dark patterns (interfaces trompeuses) pour pousser les utilisateurs à souscrire aux abonnements payants. Une pratique dorénavant interdite.
Modération allégée – Depuis son rachat par Elon Musk pour 44 milliards de dollars en octobre 2022, X a fortement allégé sa politique de modération. Par choix idéologique, le milliardaire se présentant comme le défenseur de la liberté d’expression qu’il estime menacée. Mais aussi par volonté de réduire les coûts: les équipes de modération, internes et externes, ont été décimées, particulièrement en dehors des États-Unis. La société a également déclaré une amnistie générale sur les comptes bannis par la précédente direction, notamment pour avoir diffuser des contenus haineux et de fausses informations. Face à la désinformation, X ne se repose plus sur des équipes de fact-checking mais uniquement sur les “notes de la communauté”, présentes sous les messages jugés mensongers par les utilisateurs.
Amende puis interdiction ? – Depuis plusieurs mois, les responsables européens multiplient les avertissements, redoutant que ce modèle ne soit trop limité pour être véritablement efficace, faute d’un nombre suffisant de volontaires pour certaines langues. Ce qui pourrait rendre X vulnérable à des campagnes d’influence étrangères, en particulier russes, en amont d’élections. Au-delà des moyens humains, les deux camps s’affrontent sur la conception de la liberté d’expression, encadrée en Europe mais pas aux États-Unis. Elon Musk a ainsi donné des consignes pour ne pas supprimer les messages haineux, mais seulement pour limiter leur portée. X risque une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires, soit près de 200 millions d’euros. Avant une éventuelle (et plus improbable) interdiction ?
Pour aller plus loin:
– De nombreux annonceurs boycottent à nouveau X
– Meta lance Threads, son rival de X, en Europe
Refusant d'accepter des concessions, Adobe abandonne le rachat de Figma
Face aux concessions réclamées par les autorités de la concurrence, Adobe préfère abandonner son projet de rachat de Figma. L’éditeur du logiciel Photoshop a officialisé sa décision lundi, après avoir conclu que les remèdes proposés par la Competition and Markets Authority, le gendarme antitrust britannique, étaient “disproportionnés”. L’opération d’un montant de 20 milliards de dollars, une somme record pour un éditeur de logiciels non coté en Bourse, était aussi sous le coup d’une enquête de la Commission européenne. Lancé en 2016, Figma est un logiciel collaboratif de prototypage et de design, qui sert à des développeurs et à des designers pour concevoir des applications web et mobiles. Les autorités redoutaient qu’Adobe, qui propose un outil similaire, se retrouve dans une situation dominante sur ce marché, lui permettant d’augmenter les prix. Pour recevoir un feu vert, le groupe aurait certainement dû accepter de se séparer de certains actifs, ce que ses dirigeants ont refusé.
Pour aller plus loin:
– Adobe lance une offre gratuite pour contrer Canva
– Canva atteint une valorisation de 40 milliards de dollars
Crédit photos: Netflix - Unsplash / Julian Christ