De 47 milliards de dollars de valorisation à la faillite: l'inéluctable chute de WeWork
L’issue était inéluctable pour WeWork. Lundi, l’ancienne start-up vedette s’est placée sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, faute d’avoir pu honorer le paiement d’intérêts liés à des emprunts obligataires. Cette procédure, qui ne concerne que les activités américaines, lui permet de se placer à l’abri de ses créanciers, le temps de restructurer sa dette et de renégocier ses loyers. Elle représente une nouvelle étape dans la spectaculaire dégringolade du spécialiste de la location de bureaux partagés, un temps valorisé à 47 milliards de dollars. Mais qui doit aujourd’hui lutter pour sa survie alors que sa trésorerie est tombée à un niveau alarmant, ne lui laissant que quelques mois pour améliorer drastiquement sa situation financière, sous peine de mettre la clé sous la porte.
23 milliards dilapidés – L’ascension puis la chute de WeWork ont été marquées par deux hommes. D’abord, Adam Neumann, son fondateur déchu, poussé vers la sortie après une introduction en Bourse ratée à l’automne 2019. Ensuite, Masayoshi Son, le patron du conglomérat japonais Softbank, qui a investi plus de dix milliards de dollars. Et qui a dû jouer régulièrement les pompiers pour éviter un effondrement. Le second a surtout laissé le premier dépenser sans compter, accumulant des pertes abyssales. En treize ans, la société a ainsi dilapidé les 23 milliards qu’elle avait réussi à lever auprès d’investisseurs… tout en devant s’endetter fortement. Malgré une sévère cure d’austérité, marquée par des licenciements massifs et l’abandon des projets annexes, la situation financière de WeWork reste catastrophique.
Ambitions démesurées – Le groupe continue en effet de payer les excès du passé, symbolisés par une expansion internationale démesurée. À son apogée, il avait ouvert plus de 800 espaces de coworking dans le monde. Il en compte encore plus de 700 dans 129 villes. Il est ainsi toujours plombé par des baux immobiliers de longue durée signés pour occuper ces bureaux. Si WeWork a réussi à renégocier une partie de ces engagements, ceux-ci se chiffrent encore à 13 milliards de dollars. Chaque mois, le montant des loyers représente quasiment l’intégralité du chiffre d’affaires. Certes, la société n’a pas été aidée par les confinements. Mais elle n’a pas profité, comme elle le pensait, de la montée du télétravail. En 2021, elle promettait d’atteindre un taux d’occupation de 90%. Fin juin, celui-ci ne s’élevait qu’à 72%.
Fermeture de bureaux – À cette date, WeWork ne disposait plus que de 205 millions de dollars dans ses caisses. Et d’une ligne de crédit encore disponible de 475 millions. Dans l’urgence, ses dirigeants ont tenté de renégocier avec les créanciers, qui devaient toucher 95 millions de dollars d’intérêt début octobre. Incapables de trouver un accord, le chapitre 11 restait leur seule solution. Dans un communiqué, la société explique vouloir “rationaliser davantage son portefeuille de baux de bureaux commerciaux”. Elle va notamment pouvoir rompre des contrats et donc fermer les espaces les moins performants. Ailleurs, en revanche, les activités “se poursuivent comme à l’accoutumée”. WeWork espère sortir renforcé de cette procédure, avec une structure de coûts allégée devant lui permettre de devenir rentable.
Pour aller plus loin:
– WeWork tourne à prix d’or une page de son histoire
– Après des pertes abyssales, Softbank veut repasser à l’offensive
Après des pertes record, Klarna renoue enfin avec la rentabilité
Quatre ans après, Klarna renoue enfin avec la rentabilité. Au troisième trimestre, le spécialiste suédois du “achetez maintenant, payez plus tard” a dégagé un bénéfice opérationnel de 130 millions de couronnes, soit à peine 11 millions d’euros. De tout petits profits certes, mais qui représentent un “formidable succès”, se félicite Sebastian Siemiatkowski, comme soulagé d’un poids important. Il faut dire que le fondateur et patron de l’entreprise jouait une partie de sa crédibilité auprès de ses investisseurs. En début d’année, après avoir accusé près d’un milliard d’euros de pertes et coupé dans les effectifs, il avait en effet promis un retour dans le vert au deuxième semestre. Cette étape franchie, Klarna peut désormais de nouveau regarder vers l’avant. Probablement vers une prochaine introduction en Bourse.
Chute de la valorisation – Fondée en 2005, Klarna est entrée dans une autre dimension après la crise sanitaire. Surfant sur l’appétit des investisseurs pour le paiement fractionné, qui permet de payer un achat en plusieurs fois sans frais, la société lève plus de trois milliards de dollars en deux ans. En juin 2021, sa valorisation atteint 46 milliards, un record pour une start-up européenne. Cette manne financière lui permet de se lancer dans nouveaux pays, en particulier aux États-Unis, le marché le plus prometteur. Cela se traduit par un bond de ses dépenses. Et de ses pertes. Cette stratégie s’est ensuite heurtée à l’effondrement des levées de fonds. Contrainte de lever de l’argent pour continuer à financer son développement, la start-up doit abaisser sa valorisation à seulement 7 milliards.
Pertes sur crédit – Pour attirer les investisseurs, Klarna a aussi dû démontrer sa volonté de prioriser le retour à l’équilibre. En mars 2022, elle a ainsi licencié environ 700 employés, soit 10% de ses effectifs. Depuis plus de 300 postes supplémentaires ont été supprimés ou externalisés. L’amélioration des performances opérationnelles de la société s’explique également par la forte réduction des pertes sur crédit, qu’elle subit quand un acheteur n’effectue pas tous les versements prévus. Celles-ci ont été divisées par deux sur un an. Elles représentent encore 13% de ses recettes, contre 33% l’an passé. Autre signe positif: son chiffre d’affaires a progressé de 30% sur la période, enregistrant une réaccélération de sa croissance après avoir subi le ralentissement inattendu du commerce en ligne.
Vers une IPO ? – Pour Klarna, la prochaine étape pourrait être une introduction en Bourse. La société l’a confirmé implicitement en annonçant la semaine dernière la création d’une holding au Royaume-Uni, qui sera à terme la structure qui sera cotée sur les marchés. Selon Sky News, l’opération pourrait avoir lieu au cours des prochains mois, peut-être à Londres, sur la base d’une capitalisation boursière comprise entre 15 et 20 milliards de dollars. Le contexte s’est récemment amélioré: à New York, l’action de son rival américain Affirm a plus que doublé au cours des six derniers mois. Pour réussir son IPO, Klarna devra cependant rassurer sur deux points. D’abord, le renforcement de la concurrence, notamment avec l’arrivée d’Apple dans le paiement fractionné. Ensuite, un potentiel resserrement réglementaire.
Pour aller plus loin:
– Klarna licencie 10% de ses effectifs
– Apple se lance dans le paiement fractionné
Crédit photos: WeWork - Klarna