Rival auto-proclamé de Nvidia, Graphcore se retrouve dans une situation critique
Les dirigeants de Graphcore rêvaient de rivaliser avec Nvidia, dont les cartes graphiques (GPU) sont utilisées par tous les acteurs de l’intelligence artificielle. Ils n’ont désormais plus que quelques mois pour… éviter de mettre la clé sous la porte. La semaine dernière, la start-up britannique a en effet reconnu qu’elle était dans l’obligation de trouver de nouveaux investisseurs avant le printemps, alors qu’elle continue d’accuser de très lourdes pertes. Des discussions sont en cours, indique-t-elle dans son rapport annuel. “Les administrateurs s’attendent à trouver les financements nécessaires avant qu’ils ne deviennent indispensables”, poursuit-elle, optimiste. Tout comme elle promettait un bond spectaculaire de ses ventes, qui ne s’est jamais matérialisé malgré le boom de l’IA générative.
Intelligence Processing Unit – Fondée en 2016, Graphcore ambitionne d’imposer une nouvelle catégorie de puces dédiées à l’intelligence artificielle. Baptisées IPU, pour Intelligence Processing Unit, elles visent à remplacer les GPU, qui permettent aujourd’hui d’entraîner et de faire tourner les algorithmes de machine learning. Et plus récemment, les grands modèles de langage et les modèles de distribution, qui alimentent les robots conversationnels ou les générateurs d’images. La société assure que son architecture, conçue “dès le départ” pour l’intelligence artificielle, va permettre d’obtenir de meilleures performances et de faire face à la hausse exponentielle de la puissance nécessaire – qui se traduit par des coûts toujours plus élevés. Deux affirmations qu’elle est cependant encore loin d’avoir démontrées.
700 millions de dollars levés – Ces belles promesses et le CV de ses fondateurs, qui avaient revendu une première entreprise à Nvidia en 2011, ont permis à Graphcore d’attirer des investisseurs prestigieux, dont Microsoft, Samsung ou encore Dell. En quatre ans, la start-up de Bristol lève ainsi plus de 700 millions de dollars. Fin 2020, dans le cadre de sa dernière levée de fonds, sa valorisation se chiffre à 2,8 milliards. Entre-temps, elle avait également signé, en 2019, un partenariat d’envergure avec Microsoft, portant sur le déploiement de ses IPU dans les data centers d’Azure, l’offre de cloud du géant de Seattle. Les dirigeants de Graphcore rêvent alors en grand: ils multiplient les embauches, s’implantent aux États-Unis et en Chine, et promettent de réaliser un milliard de dollars de chiffre d’affaires d’ici à 2024.
“Point de bascule” – Graphcore est, en réalité, très loin du compte. L’an passé, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de seulement 2,7 millions de dollars. Et elle a perdu plus de 200 millions, la poussant à licencier près d’un quart de ses employés. La feuille de route espérée ne s’est pas matérialisée. Le partenariat avec Microsoft a rapidement pris fin. Et peu de clients ont choisi de basculer vers ses IPU, préférant continuer à utiliser les GPU de Nvidia et leurs applications logicielles qui facilitent leur travail et permettent d’optimiser la puissance de calcul. Ses dirigeants veulent rester confiants. “Nous sommes à un point de bascule”, assurait mi-septembre son patron Nigel Toon, interrogé par Business Insider. Et de prédire un afflux de commandes en 2024, alors que les clients commencent à s’habituer à son architecture.
Pour aller plus loin:
– L’autorité de la concurrence soupçonne Nvidia de pratiques anticoncurrentielles
– Pourquoi Microsoft conçoit sa propre puce dédiée à l’intelligence artificielle
Netflix met fin à sa première (et seule) offre gratuite
Il y a deux ans, Netflix tentait une nouvelle stratégie pour gagner des abonnés en Afrique, un marché que la plateforme américaine de streaming vidéo a longtemps négligé: une offre entièrement gratuite. Mais cette expérimentation, inédite, menée au Kenya, n’a visiblement pas convaincu puisqu’elle va prendre fin le 1er novembre. Accessible uniquement depuis un smartphone Android, l’offre gratuite donnait accès à environ un quart du catalogue, dont quelques séries à succès comme Bridgerton, La casa de papel ou encore Blood & Water (photo), l’une des premières productions africaines de la société. Aucune publicité n’était diffusée pour monétiser le service. L’objectif était en effet de créer un produit d’appel de masse pour convaincre une partie de cette audience de souscrire à un abonnement payant.
Abonnements mobiles – Cette phase d’expérimentation rappelle celle menée il y a quelques années en Inde, un marché gigantesque sur lequel Netflix n’arrivait pas à percer. Face à la concurrence, notamment de Disney, l’entreprise a alors décidé de casser ses prix en proposant des abonnements mobiles, accessibles uniquement sur smartphones et tablettes mais nettement moins chers. Ceux-ci ont ensuite été lancés dans plusieurs autres pays asiatiques. Avec succès: le nombre d’abonnés dans la région a quasiment doublé en seulement trois ans, représentant un relais de croissance bienvenue face à la saturation du marché américain. En 2020, Netflix a dupliqué cette stratégie sur ses principaux marchés africains. Au Kenya, cet abonnement est proposé depuis février à 200 shillings par mois, soit 1,30 euro.
4 millions d’abonnés – Les résultats sont également positifs en Afrique. Au cours des trois dernières années, le nombre d’abonnés de Netflix y a presque triplé, selon les estimations du cabinet Digital TV Research, atteignant la barre des 4 millions. Mais le potentiel de croissance reste encore immense alors que le continent compte 1,3 milliard d’habitants. Comme en Inde, la plateforme compte notamment sur la démocratisation de l’Internet mobile, qui compense le faible taux de pénétration de l’Internet fixe. Netflix a aussi corrigé sa politique tarifaire, alors qu’elle facturait jusqu’en 2020 ses abonnements en dollars au même prix qu’aux États-Unis. Ses offres sont désormais proposées en devises locales dans plusieurs pays. Et elle a abaissé ses tarifs en début d’année sur une partie du continent.
Premières séries africaines – Deuxième pilier de l’offensive de Netflix: les contenus locaux. Depuis 2019, la société a enrichi son catalogue en achetant des droits de diffusion. Elle a également embauché Dorothy Ghettuba, une productrice kényane désormais responsable de la production originale pour l’Afrique. Plusieurs séries ont déjà été produites en Afrique du Sud, le premier marché africain de Netflix, dont Queen Sono puis Blood & Water. Deux énormes succès d’audience. La plateforme investit aussi beaucoup au Nigeria, le pays le plus peuplé du continent et patrie de Nollywood. Elle y a conclu des partenariats avec plusieurs producteurs du pays. Et signé un accord avec John Boyega, l’acteur britannico-nigérian révélé par la dernière trilogie Star Wars, pour y produire des longs-métrages.
Pour aller plus loin:
– Comment Netflix va empêcher le partage de compte
– Pourquoi Netflix lance un abonnement avec publicités
Crédit photos: Graphcore - Netflix