Facebook à l'assaut de l'App Store
Et aussi: 1,3 milliard pour Inflection AI - Apple devant la Cour suprême - Sept géants visés par le DMA
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Facebook veut concurrencer les boutiques d'applications d'Apple et Google
Pour Meta, le Digital Markets Act (DMA) européen ne représente pas seulement un nouveau risque réglementaire. Il pourrait aussi être une opportunité. La maison mère de Facebook et d’Instagram souhaite en effet tirer profit de ce nouveau cadre législatif pour permettre à ses utilisateurs européens de télécharger des applications mobiles sans passer par les boutiques d’Apple et de Google. L’information, d’abord rapportée par le site The Verge, a été confirmée par un porte-parole de la société. Une première phase de tests devrait être menée avant la fin de l’année, avant même l’entrée en vigueur du DMA, prévue en mars 2024. Mais celle-ci sera limitée au système Android, sur lequel il est déjà possible de télécharger, mais avec des restrictions, des applications sans utiliser le magasin officiel.
Fin du monopole – Adopté l’an passé, le DMA vise à moderniser un règlement datant de 2000, en instaurant de nouvelles obligations pour favoriser la concurrence. Le texte cible les “gatekeepers”, les “portiers” qui contrôlent l’accès à des données, des plateformes ou des terminaux. Avec iOS et Android, Apple et Google en font partie. Le DMA va notamment mettre un terme à leur monopole (ou quasi-monopole) dans la distribution des applications mobiles, en permettant aux possesseurs de smartphones de télécharger d’autres boutiques. Les applications installées depuis ces magasins ne seront alors pas soumises aux règles actuelles, en particulier l’obligation d’utiliser le système de paiement des deux groupes américains et le versement de commissions de 15% ou 30% sur les achats et abonnements.
Format publicitaire – Ce changement représente un véritable big bang sur le marché. Et une immense opportunité pour de nombreux acteurs. L’an passé, plus de 130 milliards de dollars d’achats ont transité par l’App Store et le Play Store dans le monde. Microsoft a déjà officialisé son intention de lancer un magasin dédié aux jeux vidéo. Et il est probable que les fabricants de smartphones suivent la même voie. Face aux boutiques historiques et ces nouveaux entrants, Meta compte s’appuyer sur son très populaire format publicitaire “app install”, qui permet aux développeurs de payer pour doper les téléchargements de leurs applications mobiles. Le réseau social promet un taux de conversion plus élevé pour ces publicités, car le processus d’installation sera directement intégré à Facebook ou Instagram, et donc plus rapide.
Pas de commissions – Pour convaincre les développeurs d’utiliser sa boutique d’applications, Meta pourra également mettre en avant sa capacité à leur fournir davantage de statistiques sur l’efficacité de leurs campagnes publicitaires. Un élément important car la refonte du système de pistage publicitaire sur iOS a privé les annonceurs de données capitales pour estimer leur retour sur investissements. D’autant plus que Google doit suivre l’exemple d’Apple l’année prochaine. En outre, la société ne prévoit pas de prélever de commission sur chaque vente ou abonnement, au moins au début. Elle peut se le permettre car elle cherche avant tout à pousser les développeurs à dépenser davantage sur sa plateforme publicitaire, qui reste au cœur de son modèle économique.
Pour aller plus loin:
– Aux Etats-Unis, l’App Store et le Play Store sur le banc des accusés
– Spotify réclame à Bruxelles des “mesures rapides” contre Apple
Inflection AI lève 1,3 milliard de dollars pour son rival de ChatGPT
Les dernières rumeurs parlaient d’une levée de fonds de 675 millions de dollars. Mais devant l’intérêt des investisseurs, Inflection AI a finalement récolté 1,3 milliard, sur la base d’une valorisation de 4 milliards. Cette opération d’envergure, officialisée la semaine dernière, est la deuxième plus importante jamais menée par une start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle générative, derrière les dix milliards levés début 2022 par OpenAI, le concepteur du robot conversationnel ChatGPT. Ce nouveau tour de table a été mené par Microsoft, qui est aussi le premier actionnaire… d’OpenAI, et par Nvidia, dont les cartes graphiques sont utilisées dans l’entraînement des modèles d’IA générative. Bill Gates, le fondateur de Microsoft, et Eric Schmidt, l’ancien patron de Google, ont également injecté des capitaux.
Premier chatbot – Inflection AI a été lancé l’an passé par Mustafa Suleyman, l’un des fondateurs de DeepMind, le spécialiste britannique d’intelligence artificielle racheté en 2014 par Google. Il s’est notamment associé à Reid Hoffman, le créateur de LinkedIn reconverti investisseur, qui faisait partie des personnalités de la Silicon Valley à l’origine d’OpenAI. En mai, la start-up a lancé son premier robot conversationnel, accessible gratuitement sur Internet et par l’intermédiaire d’une application mobile – mais aussi en lui envoyant des SMS et des messages sur WhatsApp, Messenger et Instagram. Baptisé Pi pour “personal intelligence”, il se positionne en rival direct de ChatGPT. Pour se distinguer, Inflection AI promet une expérience plus personnalisée, assurant notamment être capable de détecter les émotions de l’utilisateur pour adapter ses réponses.
Concurrence – Comme les autres start-up du secteur, Inflection AI a besoin de fonds importants pour poursuivre son développement, en particulier pour payer les factures liées à l’entraînement de ses modèles. Interrogé par Forbes, Mustafa Suleyman a reconnaît qu’une partie de la somme a été accordée en crédits cloud, permettant à la start-up d’utiliser les capacités de puissance informatique de Microsoft – comme cela avait été le cas dans la levée de fonds d’OpenAI auprès du groupe de Redmond. “Un très, très gros morceau” a été apporté en liquidités, assure-t-il cependant. Pi rejoint un marché en plein effervescence, où s’affrontent déjà ChatGPT, le pionnier lancé l’an passé, Bard, la riposte de Google, ou encore Claude, de la start-up Anthropic. Les investisseurs parient sur le potentiel du marché, estimant que l’IA générative va provoquer une révolution majeure.
Pour aller plus loin:
– Après le succès de ChatGPT, les investisseurs se ruent sur l’IA
– ChatGPT illustre les promesses de l’IA… et ses limites
Face à Epic, Apple saisit la Cour suprême des États-Unis
L’affaire opposant Apple à Epic Games, le développeur du populaire jeu Fortnite, se dirige vers la Cour suprême des États-Unis, officiellement saisie mardi par le groupe à la pomme. Celui-ci espère faire annuler une partie du verdict rendu en début d’année, l’obligeant à modifier les règles de l’App Store, sa très lucrative boutique d’applications mobiles. En première instance et en appel, la justice américaine s’était prononcée contre la pratique dite “d’anti-steering”, qui interdit aux développeurs de rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet pour réaliser un achat in-app ou s’abonner à un service payant – et ainsi éviter de payer des commissions. Il n’est cependant pas certain que la plus haute juridiction du pays accepte d’étudier le dossier. Même en cas d’échec, l’impact sur les recettes d’Apple pourrait cependant être limité, car les transactions externes seront plus fastidieuses pour les acheteurs et plus complexes pour les développeurs.
Pour aller plus loin:
– La justice américaine contrait Apple à modifier les règles de l’App Store
– Pour la première fois, les recettes des applications mobiles reculent
Sept géants du numérique seront concernés par le Digital Markets Act
Leur identité ne faisait guère de doute, elle est désormais officielle. Mardi, la Commission européenne a publié la liste des sept “gatekeepers” qui seront contrôlés par le prochain Digital Markets Act (DMA), qui vise à renforcer la concurrence dans le secteur du numérique. Cette liste inclut, sans grande surprise, les cinq géants américains: Alphabet, Amazon, Apple, Meta et Microsoft. Samsung et ByteDance, la maison mère de TikTok, y figurent également. Le néerlandais Booking s’attend à les rejoindre l’année prochaine. Bruxelles doit encore publier la liste complète des services qui seront touchés par le DMA à partir de mars 2024. La législation vise très large. Elle va imposer l’interopérabilité des messageries, permettre l’installation de boutiques tierces d’applications ou encore interdire les traitements préférentiels pour les services maison. En cas d’infraction, le texte prévoit de lourdes amendes, un démantèlement ou encore l’exclusion du marché unique.
Pour aller plus loin:
– L’Europe s’accorde sur la régulation des géants du numérique
– Dix-neuf “très grandes” plateformes soumises au DSA dès cet été
Crédit photos: Unsplash / Brett Jordan - Inflection AI
Bonnes vacances!