Elon Musk bride Twitter... au profit de Facebook ?
Et aussi: Stability AI ne parvient pas à lever des fonds
Elon Musk limite l'usage de Twitter, la voie royale pour Facebook ?
1.000 tweets par jour, et pas un de plus. Samedi, Twitter a instauré une limite sur le nombre de messages pouvant être consultés par ses utilisateurs. Celle-ci monte à 10.000 pour les abonnés à son offre Blue. Et descend à 500 pour les nouveaux inscrits. Une fois cette barre dépassée, la plateforme à l’oiseau bleu affiche un message d’erreur, devenant de fait totalement inutilisable. Cette mesure est contre-intuitive pour un réseau social, qui doit avant tout chercher à maximiser l’engagement de ses membres, afin d’afficher davantage de publicités. Elon Musk, qui a racheté Twitter l’an passé pour 44 milliards de dollars, assure qu’elle est temporaire. Et la justifie par la volonté de lutter contre le “pillage de données” mené par des “centaines d’organisations”.
IA générative – Le milliardaire vise en particulier les start-up travaillant sur l’intelligence artificielle générative, qui récupèrent d’immenses quantités de données sur Internet pour entraîner leurs modèles. Twitter constitue une source privilégiée, car elle offre une masse de messages publics, accessibles par tous. L’entreprise assure que cette utilisation, qu’elle estime illégale, se traduit par des coûts importants – alors même qu’elle cherche à réduire ses dépenses, notamment auprès de Google Cloud. Pour en tirer profit, elle a d’abord choisi de faire payer l’accès à son API, l’interface de programmation qui permet à des développeurs externes de se connecter avec sa plateforme. Twitter facture désormais au moins 42.000 dollars par mois. Pas suffisant, visiblement, pour satisfaire Elon Musk.
Impact sur la publicité – En limitant le nombre de tweets pouvant être consultés, le patron de Twitter espère certainement pousser ces start-up à souscrire à son offre payante sur les API. Mais cette décision pourrait aussi fortement impacter le chiffre d’affaires publicitaire. À chaque fois que des utilisateurs ne peuvent pas lire des messages, ce sont en effet des opportunités de monétisation qui s’envolent pour un groupe qui accuse déjà une forte chute de ses recettes. Cette limite devrait également restreindre la portée (le reach) des tweets, amputant d’autant l’intérêt pour les utilisateurs de continuer à publier des tweets. Et la multiplication des messages d’erreurs enlève à Twitter son statut de plateforme permettant de suivre l’actualité en temps réel, tout en décourageant les nouveaux inscrits.
Coup de pouce pour Instagram – De fait, l’annonce des nouvelles restrictions a provoqué un bond des inscriptions sur les plateformes rivales, comme le réseau décentralisé Mastodon. Surtout, ces changements s’apparentent à un coup de pouce au service concurrent que s’apprête à lancer Meta, la maison mère de Facebook. Baptisé Threads, celui-ci est en phase finale de tests – son application est même apparue temporairement ce week-end sur la boutique Google Play. Il dispose de sérieux atouts pour s’imposer comme une alternative enfin crédible pour les adeptes ou anciens adeptes de Twitter. Il sera notamment lié à Instagram, qui doit représenter un formidable vecteur d’audience. D’autant plus que ses utilisateurs n’auront pas à recréer un profil, ni à rebâtir leurs listes d’abonnés et de personnes suivies.
Pour aller plus loin:
– En changeant ses pratiques, Reddit relance le débat sur la gratuité des API
– Chez Twitter, la politique de modération suscite de nouveaux départs
Pourquoi Stability AI a échoué à mener une nouvelle levée de fonds
Faut-il y voir le signe d’un assagissement des investisseurs ou alors un simple cas particulier ? En pleine euphorie autour de l’intelligence artificielle générative, la start-up britannique Stability AI n’a pas réussi à boucler une nouvelle levée de fonds. Selon l’agence Bloomberg, elle a ainsi dû se rabattre sur un prêt convertible en actions, d’un montant inférieur à 25 millions de dollars. Très loin des 400 millions, que le concepteur du générateur d’images Stable Diffusion cherchait depuis des mois à recueillir, sur la base d’une valorisation de quatre milliards de dollars. Soit quatre fois plus que le montant retenu lors de sa précédente levée en octobre 2022, quelques semaines avant le lancement grand public ChatGPT, qui a depuis suscité une ruée des investisseurs vers le secteur.
Concurrence – Fondé en 2019 à Londres, Stability AI fait face à une féroce concurrence. De la part du laboratoire de recherche américain Midjourney, dont la dernière version permet de réaliser des images photoréalistes impressionnantes. Et aussi de la part de DALL-E, développé par la richissime start-up américaine OpenAI, également à l’origine de ChatGPT. Le groupe dément avoir tenté “activement” de lever des liquidités additionnelles auprès de fonds de capital-risque. Il y a dix jours, Emad Mostaque, son fondateur et patron, avait également assuré recevoir “constamment” des marques d’intérêts de la part de potentiels investisseurs. Cependant, sa volonté de mener un nouveau tour de table a bien été confirmée par d’autres médias américains.
Une accalmie ? – L’échec de cette levée de fonds peut être interprété comme une accalmie chez les investisseurs, moins enclins à accepter des valorisations très élevées pour des start-up qui génèrent peu ou pas de chiffre d’affaires – même si Inflection AI vient de récolter 1,3 milliard de dollars. Mais cet échec semble davantage s’expliquer par les difficultés et polémiques autour de Stability AI. L’an passé, la société avait dû reconnaître qu’elle ne possédait pas la propriété intellectuelle sur le modèle d’IA alimentant Stable Diffusion, en réalité développé par une université allemande. Début juin, une enquête publiée par Forbes faisait état d’un “historique d’exagérations” de la part d’Emad Mostaque sur ses diplômes et sur son expérience. Mais aussi sur un partenariat avec Amazon et sur le niveau du chiffre d’affaires.
Poursuites judiciaires – Stability AI est aussi ciblé par deux procédures judiciaires, lancées par un groupe d’artistes et par la grande banque d’images américaine Getty. L’entreprise est accusée d’avoir violé leur propriété intellectuelle en utilisant leurs œuvres et photos, sans consentement et sans rémunération, pour entraîner son modèle d’intelligence artificielle. Pour ne rien arranger, la start-up britannique traverse une phase d’instabilité dans ses équipes dirigeantes. Elle vient d’enregistrer la démission de son directeur de la recherche, un ancien chercheur de Google Brain débauché il y a moins d’un an. En avril, le vice-président chargé des produits avait aussi quitté son poste, sept mois à peine après son recrutement. Et le directeur opérationnel a, lui, été licencié.
Pour aller plus loin:
– Le double discours d’OpenAI sur la régulation de l’intelligence artificielle
– ChatGPT fait perdre plus de 500 millions de dollars à OpenAI
Crédit photos: Capture d’écran Twitter - Stability AI