Le difficile retour sur terre des agrégateurs Amazon
Et aussi: Nouvelle vague de départs chez Twitter
Pourquoi les agrégateurs Amazon traversent une zone de turbulences
C’est souvent le signe d’un secteur qui traverse une zone de fortes turbulences. Ces dernières semaines, les négociations de fusion ou d’acquisition se sont accélérées chez les agrégateurs Amazon, rapporte l’agence Bloomberg. Ces start-up rachètent de petites marques indépendantes qui cartonnent sur les places de marché, les fameuses marketplace popularisées par le géant américain du commerce en ligne. Elles espèrent ensuite doper les ventes grâce à leur expertise et leur puissance financière. Après avoir traversé une période d’euphorie, symbolisée par des levées de fonds massives, elles vivent désormais un difficile retour sur terre, rattrapées par le net ralentissement de la croissance des ventes sur Internet et par la remontée spectaculaire des taux d’intérêt.
Nouvelles marques – Les agrégateurs ont longtemps surfé sur l’essor, encore accentué par la crise sanitaire, des marketplaces, qui permettent à des marchands tiers de vendre directement sur des sites d’e-commerce. Et qui se sont généralisées dans le sillage du succès rencontré par Amazon. Elles ont fait émerger de nouvelles marques, sans passer par les réseaux traditionnels de distribution. Les agrégateurs parient sur celles qui réalisent généralement déjà plus d’un million de dollars de chiffre d’affaires annuel, mais qui n’ont pas les ressources pour continuer de croître. Ils peuvent ensuite optimiser le référencement et le marketing, en particulier les dépenses publicitaires. Ou encore accélérer la distribution, par exemple en lançant des plateformes de vente directe ou en rejoignant les grandes enseignes physiques.
16 milliards levés, mais… – Le cabinet Marketplace Pulse recense près d’une centaine d’agrégateurs, essentiellement américains. En cumulé, ils ont levé 16 milliards de dollars. Ce chiffre doit cependant être nuancé. D’abord, parce que la majorité de cette somme a été recueillie en 2021, en pleine euphorie autour du commerce en ligne. Les tours de table se chiffraient alors en centaines de millions. Et les valorisations pouvaient dépasser la barre symbolique du milliard. Les agrégateurs multipliaient les achats: plus de 200 marques par exemple pour le leader américain Thrasio. Depuis, les investisseurs ne se bousculent plus. Cette année, seulement 43 millions ont été levés par des agrégateurs. Ensuite, parce qu’une grande partie de ces fonds ont été récoltés sous forme de dettes contractées auprès de grandes banques.
Consolidation forcée ? – Considérés comme indispensables à l’époque pour grossir le plus vite possible, ces emprunts se traduisent désormais par des remboursements très élevés, alors que leurs taux atteignent jusqu’à près de 20%. La situation est d’autant plus compliquée que les performances des marques rachetées ne sont souvent pas à la hauteur des espérances. Aveuglés par leurs moyens financiers et par la forte concurrence, les agrégateurs ont en effet signé des chèques trop élevés, ou mis la main sur des marques présentant un faible potentiel de croissance. Et la hausse des commissions prélevées par Amazon accentue les difficultés. L’an passé, de nombreux agrégateurs ont coupé dans leurs effectifs. D’autres ont mis en pause les acquisitions. La prochaine étape pourrait bien être une consolidation forcée.
Pour aller plus loin:
– Une deuxième vague de licenciements chez Amazon
– Shopify licencie et abandonne ses ambitions dans la logistique
Chez Twitter, la politique de modération d'Elon Musk suscite de nouveaux départs
Un pas en avant, deux pas en arrière pour Twitter. Alors que la nomination mi-mai au poste de directrice générale de Linda Yaccarino, qui prendra ses fonctions à la fin du mois, avait été bien accueillie par les annonceurs, deux départs importants ne manqueront pas de raviver leurs inquiétudes. Jeudi, c’est d’abord Ella Irwin, la patronne de la division “confiance et sécurité”, chargée notamment de lutter contre la désinformation et les contenus haineux, qui a remis sa démission à Elon Musk, qui a racheté le réseau social à l’oiseau bleu l’an passé pour 44 milliards de dollars. Vendredi, elle a été imitée par AJ Brown, le responsable de la protection des marques, qui consiste à s’assurer que les annonces publicitaires n’apparaissent pas à côté de contenus problématiques.
Documentaire transphobe – Si les deux dirigeants n’ont pas indiqué les raisons de leur départ, celui-ci semble lié à une polémique suscitée par la publication sur Twitter d’un documentaire réalisé par un média ultra-conservateur américain. Et initialement considéré comme transphobe par les équipes de modération de la plateforme, qui avaient décidé de limiter sa visibilité et d’empêcher son partage par d’autres utilisateurs. Interpellé, Elon Musk, qui reste et restera l’unique patron de Twitter même après l’arrivée de Linda Yaccarino, avait alors dénoncé une “erreur de plusieurs personnes”. Depuis, les restrictions ont été levées. Et le milliardaire a même assuré la promotion de ce documentaire, expliquant que “chaque parent devrait le regarder” et se félicitant que “la polémique va augmenter l’audimat”.
Nombreuses démissions – Le départ d’Ella Irwin est le plus dommageable pour Twitter. Non seulement parce que sa fonction est stratégique pour rassurer les annonceurs, mais aussi parce qu’elle avait publiquement défendu à de multiples reprises la nouvelle politique de modération, beaucoup moins stricte, instaurée par Elon Musk. En outre, elle est la deuxième titulaire du poste à claquer la porte en un peu plus de six mois. Son prédécesseur, Yoel Roth, avait démissionné peu après le rachat de l’entreprise. “Twitter n’a pas véritablement besoin d’un responsable de la confiance et de la sécurité car ses politiques sont décidées unilatéralement”, expliquait ce dernier pour justifier son départ. Quelques jours plus tard, Robin Wheeler, tout juste nommée directrice de la publicité, était aussi partie.
Chute des recettes – Ces nouveaux départs interviennent alors que Twitter tente toujours de convaincre les annonceurs de reprendre leurs campagnes. Depuis son rachat, ses recettes publicitaires affichent un repli compris entre 40% et 50%. La nomination de Linda Yaccarino, ancienne responsable de la publicité de NBCUniversal, avait été interprétée comme un signe positif. Mais le dernier épisode en date renforce les doutes sur sa véritable marge de manœuvre, face à la croisade d’Elon Musk pour défendre une liberté d’expression qu’il estime menacée. Autre signe peu rassurant: la société a décidé la semaine dernière de se retirer du code européen de bonnes pratiques contre la désinformation, alors même que le nouveau Digital Services Act, va renforcer ses obligations dans le domaine.
Pour aller plus loin:
– Débuts difficiles pour Blue, l’abonnement payant de Twitter
– Elon Musk désavoué par les employés de Twitter
Crédit photos: Amazon - Flickr / Daniel Oberhaus